22 novembre 2022

Temps de lecture : 3 min

« Pour l’instant, le metavers de Facebook manque cruellement d’une utilité » par Hernan Narula

A l’automne 2021, Mark Zuckerberg présentait en grande pompe le virage de Facebook vers le métavers, annonçant 10 000 embauches en Europe pour construire des technologies immersives et l’internet de demain… Un an plus tard et des dizaines de milliards de dollars dépensés, le vent a tourné : désormais, Meta revoit ses ambitions à la baisse et licencie massivement. Un échec prévisible, comme l’explique Herman Narula, un entrepreneur britannique ayant plus de 10 ans d’expérience dans les mondes virtuels.

en psychologie, il y a un champ d’étude qui s’appelle la théorie de l’autodétermination. Si vous n’offrez pas aux gens un plus grand épanouissement que les autres options qui sont à leur disposition, alors ils ne participeront pas à vos expériences.

Avec son approche d’un métavers reposant sur la réalité virtuelle – nécessitant donc un casque – Mark Zuckerberg entend concrétiser une vision de science-fiction : le Métavers comme un monde totalement virtuel, coupé du monde physique. Mais ce faisant, il a surtout adopté une vision techno-centrée, loin des usages et des attentes des consommateurs. 

La réalité virtuelle, un pari coûteux

Facebook a fait passer l’idée que le métavers, c’était de la réalité virtuelle et des avatars sans jambes et à l’aspect inquiétant qui se déplacent dans le vide”, regrettait ainsi Herman Narula lors du Web Summit à Lisbonne. Celui-ci connaît bien le sujet : il a fondé à Londres, dès 2012, la startup Improbable, spécialiste des mondes virtuels. Il vient d’ailleurs de publier le livre “Virtual Society: The Metaverse and the New Frontiers of Human Experience”.

Ce pari de la réalité virtuelle est leur principal problème : c’est extrêmement coûteux comme stratégie, ce n’est pas ce que les gens attendent et ce n’est pas encore assez convaincant pour les utilisateurs”. Néanmoins, pour l’entrepreneur, ce pari de la réalité virtuelle n’est pas la seule erreur de Mark Zuckerberg. Loin de là !

Pour l’instant, le métavers de Facebook, Horizon Worlds, manque cruellement d’une utilité.

Théorie de l’autodétermination et nombres d’opérations par seconde

En psychologie, il y a un champ d’étude qui s’appelle la théorie de l’autodétermination. Celle-ci nous apprend que si les gens jouent à des jeux vidéo ou participent à toute autre expérience, c’est parce qu’ils recherchent une forme d’épanouissement. Et si vous n’offrez pas aux gens un plus grand épanouissement que les autres options qui sont à leur disposition, alors ils ne participeront pas à vos expériences.” Cet épanouissement peut être de différentes natures : enrichir ses compétences et s’améliorer, gagner en autonomie, être utile aux autres… Or, pour l’instant, le métavers de Facebook, Horizon Worlds, manque cruellement d’une utilité. 

un jeu comme Fortnite gère environ 10 000 opérations par seconde. Cela signifie qu’ils peuvent gérer une centaine de joueurs.

A la décharge de Meta, le développement d’un véritable métavers se heurte à de nombreuses contraintes techniques, avec ou sans réalité virtuelle. Comme l’explique le spécialiste du sujet, “l’enjeu principal tient à un chiffre : le nombre d’opérations par seconde que vous êtes capables de traiter. S’il y a quatre personnes dans une pièce et que l’une d’entre elles bouge, tous les autres doivent voir ce mouvement. Cela représente énormément d’informations et c’est un problème très difficile à gérer. Pour vous donner une idée, un jeu comme Fortnite gère environ 10 000 opérations par seconde. Cela signifie qu’ils peuvent gérer une centaine de joueurs.

Ecosystème fermé vs. Web3

Autre erreur de Mark Zuckerberg, selon Herman Narula : la volonté de faire du métavers un écosystème fermé, à l’image de Facebook. “Nous sommes face à un modèle de développement totalement dépassé sur internet, avec la tyrannie d’une seule entreprise qui verrouille le contact avec les utilisateurs, contrôle l’espace et décide de tout ce qui s’y passe. C’est à la fois mauvais pour les internautes et mauvais pour le business.” Sa solution ? Adopter les logiques du Web3 dans le monde du métavers, avec une décentralisation des pouvoirs, un partage de la valeur et une interopérabilité entre les différents univers.

La publicité réduit la qualité de l’expérience. Elle altère votre présence et elle ne fonctionne pas nécessairement très bien non plus

Pour autant, le modèle économique de Meta qui repose sur la publicité se trouve aux antipodes de ces logiques Web3. “La publicité réduit la qualité de l’expérience. Elle altère votre présence et elle ne fonctionne pas nécessairement très bien non plus. Il y a pourtant des modèles beaucoup plus sains pour monétiser l’Internet, comme par exemple ce que fait Amazon avec AWS, sa première source de revenus.” Voilà Mark Zuckerberg rhabillé pour l’hiver… s’il veut vraiment créer le métavers, il va donc devoir sérieusement revoir sa copie.

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