IN. : que retenez-vous de ce palmarès ?
Bertrand Nadeau : plusieurs tendances intéressantes ressortent de cette édition du Grand Prix du Brand Content, à commencer par le niveau de maturité que la discipline atteint. Les cas ne sont pas nécessairement très innovants, et ce n’est pas un problème en soi : cela démontre tout simplement que le marché maîtrise les différentes technologies, mécaniques médias et dispositifs de campagne. Une autre tendance notoire est la forte présence du contexte dans les dispositifs : beaucoup sont des réponses à la crise sanitaire que nous avons traversée. Et cela n’a rien d’étonnant : le brand content ne fait pas appel à la grammaire publicitaire traditionnelle, ce qui le rend plus à même de s’adapter aux contraintes et aux contextes.
IN. : à quels cas pensez-vous pour illustrer cette tendance ?
B.N. : je pense, par exemple, à la marque de rhum Eminente qui décide d’ouvrir un hôtel à Paris pour son lancement à un moment où personne ne pouvait voyager et où nous étions soumis au couvre-feu. Je pense également à Ibis, doublement exposé à la crise en tant qu’acteur du tourisme et marque passionnée de musique, qui a organisé son featuring sur Instagram et dans une chambre d’hôtel. Je pense enfin aux Narcotiques Anonymes qui ont mis en place une réunion sur le métaverse. Toutes ces initiatives transpirent l’air du temps de ce vécu collectif. C’est très excitant de constater que le brand content – discipline parfois si difficile à définir – dispose de cette capacité à être une réponse alternative agile et sur mesure.
IN. : que pensez-vous de l’exploration de nouveaux terrains de jeu, comme WhatsApp par Bouygues Télécom, qui a reçu le Grand Prix, Fortnite par Oasis ou le langage codé sur Twitter par Alpine cars ?
B.N. : tous ces leviers que vous citez sont en effet de nouveaux terrains de jeux, c’est certain, mais ils ne sont pas propres au brand content. Faire entrer sa campagne dans Fortnite ne signifie pas nécessairement faire du brand content, même s’il est incontestable que le brand content est la meilleure réponse pour intégrer ce jeu. La maturité et la transformation du brand content que nous observons à travers les cas de ce Grand Prix vont au-delà de cela. Il y a encore quelques années, le brand content était la magnificence du contenu, en opposition au message purement publicitaire. Cette discipline a depuis clairement évolué, en intégrant d’autres codes, comme ceux empruntés au marketing conversationnel et expérientiel. Deux marques sont, à ce titre, fondatrices de cette tendance : Netflix et Burger King. Des cas comme #FakeTrailer de Prime Video, Uber Heetch et Alpine Coded Tweets en sont les petits enfants ! Nous sommes là dans un registre très fortement conversationnel qui trouve toute sa place dans le brand content. Ce qui n’empêche pas aux brand content de revenir à sa source, comme l’illustre « Very Cat Trip », le dessin animé de la SPA.
IN. : où placer la frontière aujourd’hui entre brand content et publicité ?
B.N. : si on devait l’analyser uniquement à l’aune du contenu, il est certain que la différence entre publicité et brand content s’amenuise. Non seulement le contenu de marque évolue, comme la narration publicitaire elle-même se transforme. Pensez aux derniers films diffusés par Intermarché sur la télévision en prime time : est-ce de la publicité ou du brand content ? C’est de plus en plus difficile de les distinguer car l’un et l’autre s’influencent mutuellement.
Ce qui est sûr : en intégrant des piliers du marketing expérientiel et conversationnel, le brand content devient bien plus vaste que son identité de départ, ancrée sur le contenu. C’est désormais une discipline qui mêle production de contenu, narration, conversation, expérience et innovation. Tous ces ingrédients sont dans le mixeur du brand content. Si on prend l’exemple des sports de combat, le MMA (mixed martial arts) c’est cela : le mélange entre différentes disciplines (boxe, jiu-jitsu, kickboxing, etc.). Le brand content est devenu le MMA (mixed marketing arts) de la pub !
*Bertrand Nadeau est le directeur général d’Omnicom Media Group.