INfluencia : la Parade des champions a marqué, samedi 14 septembre, la fin de la séquence Paris 2024. Quel bilan faites-vous pour France Télévisions de ces Jeux olympiques et paralympiques ?
Laurent-Eric Le Lay : le bilan est à la hauteur de l’événement, c’est-à-dire exceptionnel et quasiment inédit, puisque 95 % des Français ont regardé les Jeux olympiques ou paralympiques sur nos antennes (le groupe, qui visait les 100 % de couverture, indique avoir été moins puissant sur les 4-14 ans mais atteint les 99 % sur les 15 ans et plus, ndlr). Nous étions convaincus que ces deux événements seraient une fête et un succès populaire, ce qui nous avait amenés à mettre en place des dispositifs éditoriaux très ambitieux – comme cela n’avait encore jamais été déployé par le diffuseur national – avant et pendant l’événement avec notamment ce nouveau concept du « 24 heures sur 24 », avec une diffusion en ultra-haute définition sur France 2 et France 3, et sur notre chaîne numérique Paris 2024 sur france.tv. Cette première innovation « quantitative »est assez intéressante car l’abondance de l’offre renforce la demande. À chaque fois que nous diffusions quelque chose susceptible de les intéresser, les Français ont été progressivement convaincus qu’ils continueraient à trouver d’autres choses intéressantes à regarder sur leur télé, leur ordinateur ou leur téléphone. Cette ligne éditoriale s‘est d’abord construite autour du suivi de nos athlètes français dans toutes les disciplines mais aussi des grands moments et grandes stars de ces jeux comme Simone Biles ou l’équipe américaine de basket. Au-delà de cet aspect quantitatif, les Jeux de Paris 2024 ayant été organisés de manière prestigieuse, nous devions aussi être à la hauteur de ce prestige sur le plan qualitatif.
L’abondance de l’offre a renforcé la demande. Au-delà de cet aspect quantitatif, nous devions aussi être à la hauteur du prestige des JO sur le plan qualitatif
IN. : De quelle manière ?
L-E. Le L. : d’abord avec nos plateaux, qui ont permis de réaliser des plans magnifiques sur les monuments symboles – la tour Eiffel pour les JO et l’Arc de Triomphe pour les Paralympiques – et aussi autour du lien avec les sportifs français notamment grâce à l’émission Quels Jeux, qui clôturait chaque journée, au cœur et dans l’ambiance du Club France. Pendant la compétition, nos journalistes et consultants ont apporté de l’information, de l’explication sur les compétitions, de l’émotion et, parfois même, un supplément d’âme. Les reporters du groupe, présents partout dans Paris, ont de leur côté filmé et capté le lien très fort qui s’est créé entre les Français et la ferveur des salles.
IN. : est-ce ce dispositif qui a pesé sur les coûts de production ?
L-E. Le L. : les coûts de production ont surtout été à la hauteur de l’événement et il n’y a pas de déficit à chercher de ce côté-là. L’argent public a été utilisé à bon escient pour qu’il se voie à l’antenne. Pour les JO, le coût des droits est significatif mais il est intégré dans les comptes du groupe depuis quatre ans. L’impact financier a donc été très anticipé… Il ne m’appartient pas de faire le bilan financier de Paris 2024 pour France Télévisions mais, au-delà des bénéfices directs avec la publicité – 107 millions d’euros de chiffre d’affaires net généré par France TV Publicité – il faut aussi prendre en compte les bénéfices indirects avec tous les messages positifs et les remerciements que nous avons reçus sur la couverture de l’événement.
Des Jeux olympiques réussis entraînent généralement des Jeux paralympiques réussis. C’est exactement ce qui s’est passé pour Paris 2024
IN. : les Jeux paralympiques n’ont-ils pas été la grande et bonne surprise de cet été très sportif ?
L-E. Le L. : d’expérience, et comme on l’avait par exemple vu à Londres, on sait que des Jeux olympiques réussis entraînent généralement des Jeux paralympiques réussis. Les billets pour les Jeux paralympiques se vendent souvent entre les deux séquences, l’audience de l’un entraîne l’audience de l’autre… C’est exactement ce qui s’est passé pour Paris 2024. C’est aussi pour cette raison que nous avions prévu une diffusion 24/24 pour les Jeux paralympiques – ce qui n’avait pas été fait à Londres – et que France Télévisions a d’ailleurs contribué à la production d’événements paralympiques. Les succès d’audience ont été une belle surprise, dès la majestueuse cérémonie d’ouverture, et le point d’interrogation sur les audiences a été levé dès que sont tombés les premiers résultats. Le deuxième jour, on avait compris que la magie allait se poursuivre pendant les Jeux paralympiques, comme on l’a vu à nouveau samedi dernier avec la Parade des Champions.
IN. : on parle beaucoup « d’héritage des JO ». Quel sera cet héritage pour la direction des sports ?
L-E. Le L. : le groupe dans son ensemble a montré sa capacité à diffuser le plus grand événement sportif jamais diffusé sur son territoire. Cela a été un travail titanesque mais une vraie fierté pour toutes les équipes de l’entreprise. Pour la direction des sports, l’héritage doit être multiple. D’abord émotionnel avec les images que nous allons tous garder en tête, mais aussi pour accompagner médiatiquement toutes les actions qui vont suivre : le sport pour tous, le sport à l’école, le développement de la pratique sportive… On voit déjà les remontées des fédérations et des clubs qui doivent accueillir un surplus de demande. Les exploits de Teddy Riner, de Léon Marchand ou des frères Félix et Alexis Lebrun ont créé des émules chez les jeunes. Ces jeux à la maison, qui ont apporté des records de médailles pour les valides et les parasportifs, seront sans doute source de nombreux records de médailles pour les Jeux à venir. On le voit avec la puissance de l’Angleterre sur les Jeux Paralympiques, qui sont à la deuxième place derrière les Chinois. C’est un héritage direct des Jeux paralympiques de Londres.
Nous serions ravis de diffuser des championnats du monde et d’Europe de disciplines Paralympiques, mais il faut que ces épreuves internationales puissent se développer grâce à tout un écosystème d’organisateurs, de villes hôtes, de sponsors…
IN. : en tant que diffuseur, allez-vous vous positionner davantage sur le sport paralympique ?
L-E. Le L. : comme nous tous, j’ai envie de savoir ce que vont devenir nos parasportifs, comment ils vont évoluer dans les différentes compétitions, les nouveaux sportifs qui vont préparer les jeux d’hiver, ceux que nous espérons revoir à Los Angeles en 2028… Nous allons les suivre dans Stade 2 et Tout le Sport. D’ici la fin septembre, nous diffuserons une épreuve paralympique produite à l’occasion du championnat du monde de cyclisme sur route (21-29 septembre à Zurich). Nous avons déjà beaucoup développé la diffusion des épreuves para avec les matchs de tennis fauteuil pendant Roland-Garros ou du vélo couché pendant le Marathon de Paris. France Télévisions est un diffuseur important de championnats du monde et de championnats d’Europe de disciplines Olympiques. Nous serions ravis de diffuser aussi des championnats du monde et d’Europe de disciplines Paralympiques, mais il faut que ces épreuves internationales puissent se développer grâce à tout un écosystème d’organisateurs, de villes hôtes, de sponsors… Cela suppose de laisser le temps à ces sports et à ces événements de se développer. Je suis intimement convaincu que certains vont émerger.
IN. : quid des sports émergents ou des sports comme le BMX que beaucoup ont découverts à l’occasion des JO ?
L-E. Le L. : nous diffusions sur notre plateforme france.tv/slash le Fise de Montpellier (qui rassemble les meilleurs athlètes de BMX, skateboard, Mountain Bike, Roller Freestyle, Parkour…, ndlr). Dans beaucoup de disciplines, le sport féminin est encore un sport émergent et nous le mettons déjà à l’antenne avec le foot, le rugby ou le cyclisme. A côté de l’engouement pour des sports nouveaux, le sport a aussi une assise très traditionnelle. Si les JO, les Coupes du monde ou l’Euro de football ont toujours été de grands événements sportifs, le succès de certaines compétitions est davantage lié à la pratique sportive du pays. La Coupe du monde de rugby est devenue en vingt ans un événement majeur dans les pays de rugby, dont la France. On verra si le cricket, qui est au programme des Jeux de Los Angeles, arrive à percer au-delà de sa zone traditionnelle. Pour qu’un sport émerge, il faut aussi avoir des joueurs ou des équipes nationales. Aujourd’hui, on parle beaucoup du padel, un sport de raquette magnifique à jouer et très puissant, historiquement dominé par les Espagnols et les Argentins. Il sera plus facile à médiatiser quand nous aurons des champions français. L’identification est source d’émotion et on s’identifie toujours mieux à nos athlètes nationaux, régionaux ou locaux, comme le rappelle d’ailleurs l’expression du « régional de l’étape » très utilisée sur le Tour de France.
Dans beaucoup de disciplines, le sport féminin est encore un sport émergent et nous le mettons déjà à l’antenne. Certains sports émergents seront plus faciles à médiatiser quand nous aurons des champions français
IN. : France Télévisions est peu présent dans le foot mais vient de lancer à la rentrée un magazine sur la Ligue 1 de football dans Tout le sport. Est-ce important d’avoir quand même une fenêtre sur le foot dont les grandes compétitions sont hors de prix pour beaucoup de diffuseurs ?
L-E. Le L. : nous ne sommes pas positionnés sur les droits des Coupes du Monde de foot ou l’Euro, mais nous avons diffusé la Coupe du monde de foot féminin et la Coupe de France féminine… Nous sommes aussi présents depuis très longtemps sur le foot de club à travers la Coupe de France, qui est un événement très ancré dans les territoires. Le nouveau magazine sur la Ligue 1 nous ouvre une fenêtre sur ce championnat, dont les matchs sont toujours diffusés sur des chaînes payantes. Pour donner le goût du foot à un public large et pas seulement aux purs fans, il est important d’avoir une fenêtre en clair à 20 heures tous les jours qui montre l’actualité de la Ligue 1.
IN. : le sport est aussi une composante importante de l’offre régionale de France 3. Quelles sont les nouveautés pour la saison 2024-2025, qui marque une nouvelle étape dans la régionalisation de cette antenne ?
L-E. Le L. : le sport en région est piloté par la direction des antennes de France 3 mais nous les accompagnons, tout comme le pôle Outre-mer. Le trail de la Diagonale des fous, qui se tient à La Réunion en octobre, sera largement couvert par notre chaîne La 1ère et relayé sur notre plateforme digitale france.tv. L’offre de sports régionaux s’est déjà énormément amplifiée ces dernières années autour de disciplines locales fortement ancrées dans les traditions locales et d’épreuves qui génèrent souvent beaucoup d’intérêt et d’audience. Quand les plages de programmation s’adaptent aux événements, nous allons continuer à développer cette offre qui compte déjà beaucoup de vélo, parfois de la voile… Les antennes régionales assurent toujours la production et la diffusion des grands départs des grandes transats, comme prochainement le Vendée Globe qui partira des Sables-d’Olonne le 10 novembre.
Les Jeux d’hiver de 2026 à Milan seront traités de manière ambitieuse, d’autant que les Jeux suivants reviendront en France. Ce sera l’occasion de commencer à revivre cet esprit Olympique qui nous a animé cet été
IN. : après un été 2024 de tous les records et de toutes les émotions, quels seront, au-delà des rendez-vous traditionnels, les temps forts de la saison à venir ?
L-E. Le L. : d’ici la fin de l’année, nous allons diffuser les championnats du monde de natation en petit bassin (10-15 décembre à Budapest), dans lesquels on espère retrouver Léon Marchand et Florent Manaudou. D’autres championnats du monde se tiendront l’été prochain, en natation à Singapour et en athlétisme à Tokyo. Les Jeux d’hiver de 2026 à Milan arriveront rapidement et seront aussi traités de manière ambitieuse, d’autant que les Jeux suivants reviendront en France. Ce sera l’occasion de commencer à revivre cet esprit Olympique qui nous a animé cet été, sur d’autres sports et avec d’autres athlètes mais, je pense, avec la même émotion. Nous réfléchissons déjà à plein de choses pour les Jeux en France en 2030, mais il est encore un peu tôt pour les annoncer…
En savoir plus
Le dispositif antenne de France Télévisions autour de Paris 2024 est monté en puissance à partir du 8 mai et de l’arrivée de la flamme Olympique à Marseille.
C’est à cette date qu’a été lancée la chaîne numérique france.tv Paris 2024, qui a proposé le suivi et la retransmission en direct du relais de la flamme du 8 mai jusqu’au 25 juillet à Saint-Denis.
Pour assurer une couverture 24 heures sur 24 en UHD des Jeux Olympiques (26 juillet – 11 août), France 2, France 3 et la chaîne numérique ont été entièrement dédiées à cet événement. Pendant les Jeux Paralympiques (28 août – 8 septembre), France 2 et France 3 ont diffusé les épreuves en alternance, avec toujours la chaîne numérique, soit 300 heures d’antenne.
Les Jeux Olympiques en chiffres :
50 heures de direct chaque jour sur les antennes.
Suivis par près de 60 millions de Français.
24,4 millions de téléspectateurs pour la cérémonie d’ouverture (meilleure audience de l’année) et 17,1 millions pour la cérémonie de clôture.
50,2 % de part d’audience cumulée pour les antennes de France Télévisions
Plus de 200 millions de vidéos vues sur france.tv.
39 millions de vidéos vues pour la chaîne numérique france.tv Paris 2024
1 milliard de vidéos vues pour les extraits publiés par les comptes de France Télévisions sur les réseaux sociaux
Les Jeux Paralympiques en chiffres :
Suivis par près de 50 millions de Français, notamment par 66 % des 15-24 ans et 82 % des actifs
10,5 millions de téléspectateurs pour la cérémonie d’ouverture et près de 8 millions pour la cérémonie de clôture
Un pic à 5,3 millions de téléspectateurs sur la finale de cécifoot, le samedi 7 septembre
Près de 18 millions de vidéos vues sur france.tv et plus de 300 millions sur les réseaux sociaux