INfluencia : la consommation énergétique de la publicité extérieure, mesurée par KPMG, s’avère très faible par rapport à celle des autres médias. Ces éléments vont-ils aider à le défendre contre les réglementations ou interdictions qui pointent souvent son côté énergivore ?
Stéphane Dottelonde : l’étude montre non seulement que la consommation énergétique de la publicité extérieure est infinitésimale mais surtout qu’elle est de loin très inférieure à celle des autres médias : 6 fois plus sobre en énergie que la publicité sur internet et 17 fois plus que la publicité télévisée. Le débat avait besoin d’être cultivé et fiabilisé pour savoir où se situent les combats prioritaires. Depuis le mois d’octobre, nous avons fait l’objet de cinq décrets, dont deux sur l’extinction des panneaux, des textes qui ne servent à rien mais qui ont engendré 30 millions d’euros d’investissement. La proposition de loi de Delphine Batho, qui sera discutée à partir de fin mars à l’Assemblée nationale, justifie l’interdiction de toute publicité numérique et lumineuse dans l’espace public par des économies d’énergie. On peut considérer qu’une consommation d’énergie est toujours trop importante mais, si on suppose que les besoins des annonceurs restent constants, la conséquence directe de cette mesure ne sera pas une économie d’énergie mais bien une dépense supplémentaire en raison du report des communications vers des médias plus énergivores. Ces mesures apporteront l’impact inverse de ce qui est recherché. La loi Batho serait énergivore et même climaticide, si on y inclut le diagnostic sur les émissions de carbone. On peut toujours s’interroger sur l’utilité de la publicité extérieure mais il faut arrêter de brandir au préalable la consommation d’énergie.
Si on suppose que les besoins des annonceurs restent constants, la conséquence directe de mesures de restriction autour la publicité extérieure amèneront à une dépense supplémentaire en raison du report des communications vers des médias plus énergivores
IN : cette méconnaissance de la réalité des impacts que vous pointez ne devrait-elle pas inciter l’UPE à faire plus de lobbying pour défendre ses positions ?
S.D. : il y a toujours un écart entre ce que le média représente et le droit qui nous est applicable – qui finit d’ailleurs par représenter un vrai dévoiement du droit – mais nous ne sommes pas là pour faire du lobbying. Nous apportons de l’expertise. En plus des travaux de notre commission RSE, qui se réunit chaque semaine depuis juin dernier pour mettre en place notre propre plan de sobriété, il était essentiel de pouvoir nous appuyer sur cette étude, à plus forte raison en période de crise énergétique. Elle sera prochainement complétée par une mesure de l’empreinte carbone de la publicité extérieure, également réalisée par KPMG. Au-delà de sa performance énergétique, il faut aussi rappeler que la publicité extérieure est le média qui contribue le plus à l’économie des territoires, permet de financer différents services, d’informer les habitants des collectivités locales… Il soutient l’emploi local avec des postes à 80 % non-cadres et contribue au pouvoir d’achat de 100 000 personnes grâce aux redevances des panneaux publicitaires installés sur leurs immeubles. Pour beaucoup d’entre eux, cela représente un 13e mois, parfois le montant de leur crédit.
IN : comment allez-vous alors utiliser les résultats ?
S.D. : nous pourrons notamment nous en servir lors des consultations sur les règlements locaux de publicité, où nous sommes sollicités dans la phase préparatoire et lors de l’enquête publique. Nous allons faire valoir tous ces arguments qui portent, en espérant qu’ils vont infuser auprès des pouvoirs publics locaux. Ce sera aussi l’occasion de les interpeler sur les conséquences que leurs choix peuvent avoir sur les annonceurs locaux et leur montrer qu’ils ont une responsabilité qu’ils n’avaient pas forcément vue. Dans la mobilité, une collectivité locale peut toujours décider de financer par l’impôt des services qui peuvent aussi être financés par les redevances de la publicité extérieure, mais ce n’est pas sans conséquence. Maintenant que le préalable énergivore est levé, nous allons enfin pouvoir discuter de tout le reste autour de la publicité extérieure et aborder les utilités du média.
Nous allons faire valoir tous ces arguments qui portent, en espérant qu’ils vont infuser auprès des pouvoirs publics locaux. Ils ont une responsabilité qu’ils n’avaient pas forcément vue
IN : serait-il envisageable de communiquer sur le média autour de ces résultats ?
S.D. : on voit bien que l’on a des arguments à faire valoir et régulièrement on s’interroge sur l’opportunité de faire une campagne. La publicité extérieure est un support de communication et la seule campagne d’auto-promo qui a fonctionné est celle de Myriam, que l’on ne pourrait plus faire aujourd’hui… Ce n’est donc pas simple mais j’espère que l’on trouvera la martingale et la bonne création.
Les principaux résultats de l’étude
La publicité extérieure représente une « proportion infinitésimale de la consommation énergétique de la France, selon les mesures effectuées par KPMG pour l’Union de la publicité extérieure (UPE), dont les résultats ont été rendus publics mardi 7 mars 2023. Ils comptent pour 0,028 % de la consommation énergétique totale du pays, 0,4 % de la consommation énergétique globale du secteur des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) qui regroupent Internet, la télévision, les téléphones, les ordinateurs…, et 2,7 % de la consommation énergétique publicitaire du secteur des TIC. Selon l’étude, le digital représente 71,7 % de la consommation, en intégrant les réseaux et data centers ainsi que les ordinateurs, smartphones et autres postes de travail.
Ramené à une même audience touchée, le média affiche aussi des performances plus favorables que les autres médias. Il fait aussi valoir une implication économique au niveau local.
Si la performance énergétique mise en lumière par l’étude de KPMG est un élément de satisfaction, elle pas vraiment une surprise pour l’UPE qui avait déjà procédé à des estimations pour établir son son propre plan de sobriété. Publié en octobre 2022, il vise à réduire les consommations énergétiques de la communication extérieure de 10 % d’ici 2024 par rapport à 2019.