L’AFP et Google dévoilent un programme de Fact Checking en vue de l’élection présidentielle
A l’approche des élections de 2022, l’AFP et Google France ont annoncé, lundi 6 décembre, l’ouverture d’un programme de lutte contre la désinformation intitulé Objectif Désinfox. Une opération menée dans le cadre de la Conférence annuelle « Nouvelles pratiques du journalisme » de Sciences Po Paris.
La vérification des faits s’impose comme un exercice journalistique incontournable – nécessaire diraient certain.e.s ? – de la campagne présidentielle à venir. Forte de son statut auto proclamé de « premier réseau de production de fact checking de France », à laquelle prennent part plus de 120 de ses journalistes, l’Agence France Presse s’associe avec Google France pour lancer un vaste programme de formation et de collaboration à destination des rédactions françaises. Intitulé Objectif Désinfox, celui-ci s’appuiera sur une alliance des médias et d’organisations de fact checking dévolus à la lutte contre la désinformation.
Ce dispositif doit permettre aux journalistes des rédactions partenaires de tirer le meilleur parti du numérique, d’être notamment plus efficaces dans leurs recherches, leurs veilles et leurs mécanismes de vérification. Comme le résume Fabrice Fries, PDG de l’Agence France-Presse : « J’appelle les rédactions à s’intéresser à ce programme dont le volet formation permettra à leurs journalistes de gagner en agilité derrière leurs écrans et de consacrer le temps ainsi reconquis au terrain. Quant au volet coalition des médias, il vise à souder les rangs des acteurs de la lutte contre la désinformation dans la perspective de ce moment privilégié et toujours sensible pour notre vie démocratique que sera l’élection présidentielle française ».
Un processus organique
Les actions de cette alliance, coordonnées de façon indépendante par l’AFP, avec le soutien de Google, s’appuient sur cinq piliers principaux. En premier lieu, sur des formations thématiques en ligne à partir de mi-janvier 2022 à destination de tous les médias et organisations de fact checking membres de l’alliance, afin de former leurs journalistes à l’investigation numérique – outils de vérification numérique, amélioration des processus de veille, lutte contre le cyberharcèlement, etc. —.
Vient ensuite la création d’une plateforme collaborative pour échanger entre membres de l’alliance, qui inclura un dispositif de signalement de contenus faux ou trompeurs pour le grand public et qui alimentera toutes les rédactions partenaires. Le programme s’orchestrera également autour de réunions thématiques mensuelles animées par l’AFP, auxquelles tous les membres seront conviés, avec la participation d’intervenants et d’experts extérieurs – chercheurs, sociologues, etc. –.
Puis sera mis à disposition des membres de l’alliance, des contenus fact checking politique de l’AFP sur le site AFP Factuel et sur la chaîne YouTube AFP Fact Check. Enfin, les deux partenaires créeront un programme d’accompagnement et de soutien pour les rédactions de factchecks membres de l’Alliance dans la réalisation et la production de leurs propres contenus. Ces derniers bénéficieront du label Objectif Désinfox, et l’AFP produira des vidéos des meilleures productions. Pour Sébastien Missoffe, Directeur Général de Google France, que l’on aura du mal à contredire : « Le combat contre la désinformation est un enjeu majeur de nos sociétés contemporaines. Chaque année, Google forme des milliers de journalistes aux outils du numérique – 450 000 depuis 2015 et la création de son News Lab, dont 4 200 en France, selon le communiqué de presse –, et ce partenariat avec l’AFP permet d’amplifier ces formations à l’aube des élections présidentielles et législatives. Notre objectif commun est de permettre l’émergence du débat démocratique, grâce à une information de qualité, rempart indispensable contre la désinformation ».
Un dispositif qui pose de plus en plus question
« Tout cela est bien beau et dans l’air du temps », me diront les moins concernés. « Un organisme de fact-checking de plus », rétorqueront les plus cyniques. Signe d’une fatigue palpable à propos d’une pratique journalistique qui est loin d’avoir porté ses fruits ces dernières années. En témoignent la quantité astronomique de fausses informations diffusées sur les réseaux sociaux et qui échappent encore à toute forme de contrôle. Au cours du débat entre Jean Luc Mélenchon et Éric Zemmour diffusé sur BFM-TV le 23 septembre dernier, une cellule de fact checking avait été mise sur pied pour vérifier en temps réel les informations lâchées par les deux animaux politiques.
Mais au lieu de rassurer leur monde, les journalistes chargés de cette tâche ingrate, auteurs de nombreux cafouillages, ont ainsi mis en lumière le caractère périlleux de l’exercice. La phrase assénée par Éric Zemmour à la fact checker de BFMTV, « vous vous êtes couverte de ridicule », résonne encore dans les mémoires. Pour de nombreux médias qui avaient couvert l’évènement, ce couac médiatique retentissant était à la fois le signe que le fact checking serait omniprésent lors de cette campagne mais également que la pratique « multiplie les symptomes d’essouflement qui pourraient conduire à sa marginalisation prochaine », comme analysait par exemple Hadrien Mathoux, journaliste chez Marianne.
Comment se construire un avis pertinent sur la question ?
Afin de se débarrasser de toute considération partisane, Guillemette Faure, journaliste pour Le Monde, a listé les 6 raisonnements qu’il est nécessaire de mobiliser pour discuter de la question posée dans ses colonnes : « Faut-il en finir avec le fact-checking ? ». En premier lieu l’argument journalistique, qui stipule qu’une vérification en temps réel est tout simplement impossible, notamment car les chiffrent varient selon les sources et les indicateurs, et son contre argument selon lequel le fact-checking aura quand même permis de remettre la dimension pédagogique au centre des considérations médiatiques ; l’argument éthique pour expliquer le fait que le fact-checking n’est qu’un moyen de plus pour les médias de se dédouaner après avoir organisé des « débats politiques racoleurs ou laissé circuler des fake news sur le Web » et son contre argument qui considère qu’on « ne peut tout de même pas tendre le micro à des gens sans les confronter à la vérité (…). Il faut nommer les mensonges » ; et pour finir l’argument relativiste pour prouver que cette pratique ne lutte en rien « contre la dissémination des fake news, parce qu’elle ne s’adresse qu’aux convaincus qui viennent se conforter dans ce qu’ils croyaient déjà » – une vérité maintes fois constatées dès que l’on évoque notre rapport à l’information – et son contre argument selon lequel « le fact-checking ne ferait pas changer d’avis l’encarté ou le militant passionné, mais pourrait en revanche donner à ses proches, des arguments pour débattre ». Un état des lieux idéologique qui vous permet de vous faire votre propre avis sur la question…
En résumé
L’AFP lance en partenariat avec Google France un partenariat de Fact-Checking intitulé Objectif Désintox pour couvrir la prochaine élection présidentielle.
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