Vous avez aimé les fintechs ? Vous allez adorer les… taxtechs. Plusieurs start-ups françaises spécialisées dans les technologies financières (paiement mobile, services bancaires, logiciel de paie..) sont devenues des licornes ces dernières années. Lydia, PayFit, Qonto, Spendesk… Ces fleurons de la nouvelle économie pourraient bientôt être rejointes par des spécialistes des… impôts.
Une échéance cruciale approche à grand pas pour les entreprises. L’Etat s’apprête à généraliser la facturation électronique. A partir du 1er juillet 2024, tous les grands groupes vont devoir « émettre, transmettre et recevoir les factures sous format électronique, dans leurs transactions » et envoyer « à l’administration fiscale leurs données de facturation, ainsi que les données relatives aux opérations non domestiques ou avec une personne non assujettie ». Les sociétés de taille intermédiaire auront une année supplémentaire pour remplir cette obligation et les PME et les TPE devront se plier à cette loi à compter du 1er juillet 2026. De plus en plus de pays cherchent aujourd’hui à automatiser les déclarations fiscales des entreprises afin de compliquer la vie des fraudeurs.
Le Mexique et le Brésil ont vu leurs recettes fiscales rapidement progresser après avoir imposé un tel modèle. Dans la plus grande économie d’Amérique centrale
200 Mds€ de manque à gagner
« En Europe, plus de 200 milliards d’euros d’impôts ne sont pas collectés chaque année par les Etats, révèle Christian Van Der Valk, le Président du groupe de travail public-privé sur les contrôles transactionnels en continu à la Chambre de commerce internationale (CCI). En forçant les entreprises à envoyer directement à l’administration fiscale leurs flux de factures, les pays vont pouvoir récupérer beaucoup d’argent. L’Amérique Latine a montré la voie à suivre il y a dix ans déjà. » Le Mexique et le Brésil ont vu leurs recettes fiscales rapidement progresser après avoir imposé un tel modèle. Dans la plus grande économie d’Amérique centrale, les entreprises ne peuvent tout simplement pas opérer sans un système de facturation électronique capable d’intégrer et d’automatiser toutes les exigences fiscales (factures, paiements électroniques, COMEX, comptabilité électronique). « Ce modèle a poussé des administrations européennes à traverser l’Atlantique pour étudier les mesures qui avaient été prises sur place, relève Christian Van Der Valk qui occupe aussi le poste de vice-président en charge de la stratégie et de la réglementation auprès de l’éditeur international de logiciels pour la conformité fiscale des entreprises Sovos. La Turquie et l’Italie ont été les premiers pays à s’inspirer des exemples sud-américains. » D’autres vont suivre. Et pour cause…
Les bons côtés du Brexit
La pression économique sur les finances publiques, qui s’est accentuée en raison du Brexit, du Covid et du conflit en Ukraine, encourage les Etats qui doivent renflouer leurs caisses à débusquer les fraudeurs qui ne paient leurs impôts. La sortie du Royaume-Uni de l’UE marque, par ailleurs, la fin de l’influence de la Common Law sur Bruxelles qui est désormais libre d’appliquer des réglementations de tradition Civiliste aux 24 millions d’entreprises européennes, là où leurs homologues anglo-saxonnes auraient mal vécu l’ingérence de l’Etat dans leurs transactions. Les professionnels ont aujourd’hui pris conscience de l’épée de Damoclès qui les menace.
Les entreprises commencent à avoir des sueurs froides
Selon EY, 95% des dirigeants craignent que l’interconnectivité des administrations fiscales, liée à la digitalisation, ne les expose à un risque accru de non-conformité ou de litiges fiscaux multidimensionnels et internationaux. Les fonds d’investissement, qui se montrent bien plus prudents depuis quelques mois, vont, quant à eux, chercher à investir dans des actifs qui se sont mis en règle avec les nouvelles réglementations fiscales des différents états. Cette conjonction d’éléments représente une énorme opportunité pour les taxtechs.
Une opportunité à saisir
Les firmes américaines de capital-risque commencent déjà à dépenser des millions de dollars dans des start-ups européennes qui tentent de digitaliser et d’automatiser les fonctions fiscales. Aux Etats-Unis, le fonds d’investissement Vista a misé la somme colossale 8,4 milliards de dollars sur le fournisseur de solutions pour la compliance fiscale Avalara. « Pour l’instant en Europe, on voit surtout des spécialistes du SaaS racheter des jeunes pousses spécialisées dans ce domaine, constate Christian Van Der Valk. Des start-ups commencent également à apparaître ici ou là mais il n’y a encore aucun acteur qui semble se démarquer du lot. » La première licorne de la taxtech n’est toujours pas connue. Cela vous intéresse ?