Après en avoir été l’inventeur, il y a une quinzaine d’année aujourd’hui, Netflix est sans doute celui qui reste le plus proche de son modèle originel : un pure player audiovisuel, qui trône sur une montagne de 260 millions d’abonnés, principalement acquis en D2C, dont il a donc une grande maîtrise (le baromètre des usages audiovisuels NPA Conseil / Harris Interactive évalue à moins de 30 % la part de ses abonnements souscrits par un tiers), et auquel les revenus d’abonnement assurent aujourd’hui une très confortable rentabilité. Soucieux d’aller encore plus loin, le streamer a également été le premier à introduire la publicité dans ses offres, avec le double espoir de pousser encore plus haut sa pénétration grâce à des forfaits meilleur marché en même temps que de surfer la vague montante de la publicité CTV.
Pour être séduisant – parvenir à générer des revenus par abonnés au moins équivalents grâce à l’addition des montants payés par le client, et de ceux facturés auxmarques – le calcul conduit Netflix à jouer sur un nouveau terrain, celui de l’audience de masse, sur lequel il doit affronter d’autres adversaires : les broadcasters dont la capacité à rassembler largement représente le fonds de commerce historique. Ayant tous bientôt pris le tournant de la plateformisation (densification des catalogues, hyper distribution, adaptation de l’UX…), ces derniers pourraient s’avérer des adversaires coriaces sur le terrain de l’usage. A l’exemple de TF1+ qui affichait en février 25 % d’utilisateurs supplémentaires, par rapport au même mois de 2023 pour MYTF1, quand Netflix en comptait 18 % de moins, d’après le Baromètre SVoD Médiamétrie. La coïncidence est peut-être plus qu’anecdotique.
Dès lors que la publicité en constitue aussi l’enjeu central, le cas de Prime Vidéo vient à des sujets proches. Dès le 8 avril, en France, c’est l’ensemble de la base d’abonnés qui se trouvera basculée vers le forfait avec publicité. Sans avoir à redouter de mouvement significatif de désabonnement, a priori, parce que l’abonnement à Amazon Prime tient pour beaucoup, peut être principalement, aux avantages liés au e-commerce qu’il garantit. Aux innombrables marques présentes sur sa market place, Amazon pourra donc rapidement garantir une large population « pubable ». Mais transformer cette base en inventaire monétisable supposera, là aussi, des duréesde visionnages suffisantes, alors même que le niveau d’engagement des utilisateurs de Prime Vidéo – en France comme aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni – est par exemple sensiblement inférieur à celui des abonnés à Netflix. Alternativement, et peut-être plutôt en complément, il reviendra aux dirigeants d’Amazon Ads de s’entendre avec des sites et services tiers pour étoffer son inventaire et augmenter sa couverture, donc d’étendre son offre off site.
La situation des studios est, elle, sensiblement différente. Après s’être financièrement épuisés à tenter de marcher sur les traces de Netflix, les uns et les autres ont peu ou prou renoncé à acquérir des bases d’abonnés D2C suffisantes pour assurer la rentabilité de leurs plateformes et les rendre commercialement autonomes des distributeurs. L’ensemble des dépenses a été drastiquement revu à la baisse (engagement de nouvelles productions, publicité destinée à attirer de nouveaux abonnés…) et les possibilités de recettes rapides (MG liés à des accords de distribution, ou commercialisation de droits sur le catalogue) sont revenues au centre des priorités. Cet aggiornamento a déjà permis aux activités D2C de WBD de sortir du rouge en 2023, et Disney a affirmé sa conviction de suivre le même chemin en 2024. Mais les milliards de dollars de pertes accumulées dans l’intervalle ont laissé des traces. Et il n’est apparemment plus un analyste pour ne pas considérer que la consolidation est la seule voie pour les effacer.
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