8 avril 2025

Temps de lecture : 7 min

« La publicité est un outil redoutable, capable de provoquer des adhésions massives », David Garbous (Transformation Positive)

Après 20 ans d'expérience pour Danone, Lesieur et Fleury Michon, David Garbous continue sa lutte pour accompagner les transformations des marques par l'offre, l'innovation et la communication. En créant Transformation Positive, il défend un marketing et une communication responsables. Celui qui a fait de Fleury Michon, une marque irréprochable, s'exprime notamment sur le rapport Contribution et régulation de la publicité pour une consommation plus durable.


INfluencia : le rapport Contribution et régulation de la publicité pour une consommation plus durable déclenche quelques grincements de dents dans le secteur des médias, des marques et des agences. Qu’en pensez-vous ? 

David Garbous: s’il y a des grincements, c’est que le rapport appuie là où ça fait mal. Mais je note qu’il y a également quelques acteurs qui se félicitent de ces recommandations, comme le secteur de la radio. 

IN. : pensez-vous comme l’explique ce rapport que les efforts faits par la profession, et par conséquent par les marques ne sont pas suffisants ? 

D.G. : les efforts réalisés sont totalement insuffisants par rapport à l’urgence des enjeux. Cela ne signifie pas pour autant qu’aucun effort n’est fait, bien au contraire. Mais globalement on avance trop lentement, ou, pour le dire autrement, on ne ralentit pas assez vite. La question est de savoir si la publicité peut changer cela. Je crois que oui. En remettant la publicité à sa juste place : c’est un outil au service d’une stratégie. Un outil redoutable, capable de mettre les gens en mouvement, de provoquer des adhésions massives et de changer le destin d’un produit, d’une marque, d’une entreprise entière. Mais quand on pointe la publicité seule, on se retrouve dans la position de l’idiot qui regarde le doigt alors que le sage montre la lune. La critique sous-jacente est celle de notre modèle de consommation qui n’est plus tenable. Un modèle de croissance infinie dans un monde aux ressources finies. Un enfant de cinq ans comprend l’impossibilité de l’équation. Nous refusons collectivement de la voir. C’est l’éléphant dans la pièce. En attendant (mais pas trop longtemps) qu’on accepte de le voir, la publicité peut nous aider à tourner la tête. En informant par exemple sur la qualité nutritionnelle ou environnementale des produits qu’elle promeut comme c’est proposé dans le rapport. Mais surtout en libérant l’énergie créatrice de ceux qui la font pour qu’elle produise ce qu’elle sait faire de mieux : des imaginaires. L’enjeu des cinq prochaines années est en effet de rendre le durable désirable. Et la publicité a un rôle central pour cela.

La crise actuelle ne peut en aucun cas être une justification pour repousser l’action.

IN. : est-il possible dans la crise actuelle, de cesser de communiquer sur certains secteurs (le rapport évoque notamment la com pour les SUV ; produits qui incitent à consommer à tout prix, qui provoquent l’obésité (en ligne de mire les fasfood, les sodas), etc. ? 

D.G. : la crise actuelle ne peut en aucun cas être une justification pour repousser l’action. Plus on attend, pire c’est, que ce soit pour la santé des gens ou celle de la planète. La crise d’aujourd’hui n’est rien par rapport à la crise de demain. C’est criminel d’attendre. Faut-il pour autant interdire du jour au lendemain. De mon point de vue, il faut accompagner ces secteurs pour qu’ils soient incités à communiquer sur les offres les plus vertueuses de leur portefeuille. Personne ne doit être exclu de la transition climatique, on a besoin des talents de chacun.

IN. : L’ARPP est pointée du doigt par l’Arcom, quelle est votre préconisation pour une action plus radicale et est-elle possible ? 

D.G. : il est quasi impossible pour une instance d‘autorégulation d’être exempte de critiques. Même avec la meilleure volonté du monde, et je connais quelques membres du Conseil d’Administration de l’ARPP qui sont des personnalités vraiment engagées, elles sont, par construction, juge et partie, donc indéfendables. Par ailleurs, la Mission statutaire de l’ARPP « Agir en faveur d’une publicité loyale, véridique et saine dans l’intérêt des professionnels, des consommateurs, du public en général, des citoyens”  ne dit absolument rien de l’objectif de promouvoir une consommation plus responsable. Avec le « conseil développement durable » l’ARPP s’est outillée pour prévenir les campagnes flirtant trop ouvertement avec le Greenwashing, mais là encore, on ne parle pas de promouvoir clairement la création et, ou, les campagnes pour les offres ou les comportements plus durables. Pour une action plus radicale, il faut changer la mission de l’ARPP et lui demander de consacrer toute son énergie, le talent de ses membres et ses moyens à la promotion exclusive de l’offre durable.   

C’est pour faire  “plusieurs Fleury Michon” en même temps que j’ai crée Transformation Positive.

IN. : vous avez été associé à Fleury Michon très en avance à l’époque, un rôle qui vous colle à la peau. Transformation des chaines de production, puis preuves par la com. Avez-vous le sentiment que finalement vous êtes le premier (l’un des premiers) à agir pour une alimentation saine, et qu’aujourd’hui peu prennent un virage aussi sérieux et responsable. Que leur diriez-vous ? 

D.G. : j’ai envie de leur dire que c’est un véritable kiff de le faire : il n’y a rien de plus joyeux que de pouvoir regagner la confiance de ses clients … et de développer ses ventes en même temps. C’est pour faire  “plusieurs Fleury Michon” en même temps que j’ai crée Transformation Positive. Agir pour une alimentation saine est efficace à court terme, mais c’est un investissement également ultra pertinent et rentable à moyen terme. L’alimentation représente 30 % des gaz à effets de serre émis dans le monde. En transformant cette offre, vous transformez le monde. Avec des produits que chacun de nous achète tous les jours. Chaque jour vous offrez à vos clients la possibilité de changer les choses … en mieux. C’est un sujet qui me tient viscéralement à cœur et que je porte également en tant que Président du Collectif En Vérité qui regroupe soixante marques alimentaires (des coopératives agricoles comme d’Aucy, des marques industrielles comme Les 2 Vaches et des Distributeurs comme Biocoop) qui proposent des solutions concrètes pour aider les consommateurs à savoir ce qu’ils mangent.

IN. : pensez-vous que vous auriez pu aujourd’hui dans ce monde à couteaux tirés, faire un travail similaire ? 

D.G. : j’ai la chance que les gens qui viennent nous voir sont tous des Fleury Michon en puissance. Ça compte aujourd’hui encore plus qu’hier. Il y a néanmoins quelques règles à respecter : il faut une volonté portée par les dirigeants : en cinq ans, j’ai rencontré des personnalités sincèrement conscientes des enjeux. Convaincues qu’elles peuvent faire partie de la solution plus que du problème et qui se donnent les moyens d’écrire la feuille de route associée. Je sais que beaucoup de marques, de dirigeants et d’équipes sont dans un état de sidération aujourd’hui : avec la situation géopolitique, les saillies hallucinatoires de l’administration Trump et les crises à répétition. Je suis moi-même sidéré et désespéré parfois. Mais on a tous un rôle à jouer pour éviter le chaos. Et se mettre résolument en action est un antidote puissant à la folie du moment.

IN. : l’aventure était magnifique. Aujourd’hui racontez-nous votre rôle ? 

D.G. : c’est de repérer et d’accompagner toutes les enseignes et , marques nombreuses. En alimentaire, mais aussi en cosmétique, dans le textile, dans le luxe, la publicité, j’ai eu l’occasion de travailler avec des secteurs très variés, et c’est aussi le plaisir que je trouve dans cette nouvelle étape de ma carrière. J’ai aussi trouvé l’énorme joie de transmettre : je donne des cours de Marketing Durable à SciencesPo depuis quatre ans et c’est fantastique de voir la façon dont la génération qui vient adresse ces enjeux. La bonne nouvelle, c’est qu’ils n’auront pas la patience que nous avons eue à leur âge. Ça fait des étincelles dans certaines équipes, mais c’est une chance, il faut compter sur eux … et ne pas oublier tous ceux qui sont déjà en place et qui sont des extraordinaires alliés pour accéder les développements à impact. 

IN. : cette époque ne vous manque-t-elle pas ? 

D.G. : je n’ai jamais regardé le passé avec nostalgie, j’essaie d’y puiser l’énergie pour écrire le présent et, je l’espère, préparer un meilleur avenir.

Je sais outiller cette équipe pour qu’elle obtienne un succès commercial qui va lui donner encore plus d’énergie pour accélérer sa transformation. 

IN. : avez-vous l’impression de pouvoir agir, et ce grâce à quels leviers ? 

D.G. : on attribue cette phrase à Victor Hugo : « Rien n’est plus fort qu’une idée dont l’heure est venue ». J’ai l’impression que je suis utile quand je parviens à convaincre une marque, un comité de direction, qu’il est dans cette position. La force et l’énergie qu’une équipe est capable de déployer pour mettre en œuvre un projet auquel elle croit me fascine. Et je sais outiller cette équipe pour qu’elle obtienne un succès commercial qui va lui donner encore plus d’énergie pour accélérer sa transformation. 

IN. : l’écologie, la biodiversité, le réchauffement climatique semblent être quelque peu éteints dans l’actu aujourd’hui, comme trahis par Trump et tous ceux qui avancent en écrasant tout sur leur passage. Quelle est votre réflexion là-dessus ? 

D.G. : dans une période de profonde incertitude comme celle qu’on traverse, il y a deux options, toutes deux profondément humaines, mais qui ne mènent pas au même endroit. La première consiste à se dire que c’était mieux avant, qu’on va retrouver la prospérité en appliquant les recettes du passé. Make America great again en quelque sorte. C’est un leurre absolu car ce passé-là n’existe plus. C’est une chimère dévastatrice car elle ne génère que déception et désillusion. Et pour éviter de reconnaître qu’on s’est trompé, on cherche systématiquement un bouc émissaire : l’immigration, les minorités. C’est lâche et c’est une négation de notre humanité. La seconde option consiste à regarder la réalité en face (je vous conseille à ce sujet de regarder les trois remarquables vidéos du programme the week : c’est dur au début, joyeux à la fin). C’est tout le sens de cette deuxième voie. C’est l’ouverture d’un nouveau siècle des lumières où l’humanité prend réellement son destin en main en se disant qu’elle a le devoir mais surtout la possibilité de construire un avenir désirable. Les scientifiques nous disent que nous avons toutes les cartes en main pour éviter le chaos (lire notamment l’ouvrage de Bertrand Picard “Soyons logiques autant qu’écologiques, éditions Stock). Il faut les jouer de manière structurée et déterminée. En donnant une partie de ces cartes à chacun pour que tout le monde puisse entrevoir une solution pour lui-même et sa capacité d’y contribuer. C’est quand même plus puissant, plus vibrant, plus enivrant non ?

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