Radioscopie d’une addiction
Les étudiants de l’École de Communication Sup de Pub se sont prêtés au jeu de l’auto analyse quant à leur consommation de réseaux sociaux, et leur verdict est sans appel, c’est trop. “Ce que je sais c’est que j’y passe trop de temps, ça peut aller jusqu’à 4-5 heures par jour”. Une consommation reconnue comme excessive donc, notamment parce que c’est un temps qui file sans qu’ils en aient conscience sur le moment. Et la possibilité de consulter son temps d’écran n’arrange rien, ils admettent un sentiment de honte devant des chiffres toujours au-dessus de leur ressenti initial.
Descente et gueule de bois
Ils sont en revanche très lucides sur les risques associés à une telle addiction, à commencer par la perte de temps, et l’inanité de ce temps perdu que le plaisir de consommer des trends ne saurait rattraper. Ils nous ont ainsi fait part du côté excluant du social media, qui vampirise toute l’attention disponible pour ne plus laisser de temps à rien d’autre : la lecture disparaît de leurs activités, jusqu’aux séries qu’ils disent en arriver à parfois délaisser tant ils sont captifs des applications comme Instagram et Tik Tok.
Un social media paradoxal donc si l’on interroge le mot “social”, en ce qu’il contribue à un certain isolement en désocialisant ses pratiquants. Ces derniers reconnaissent également un vrai sentiment d’anxiété voire de déprime lorsqu’ils passent trop de temps sur les apps.
Entre bonnes résolutions et sincérité malhonnête
Conscients des méfaits du doomscrolling, les jeunes de la Gen Z nous ont raconté leurs difficultés à tenter de maîtriser une consommation addictive. Entre ceux qui se font croire à eux-mêmes qu’ils font ça pour le travail et ceux qui testent toutes les techniques proposées par le smartphone pour limiter l’usage des applications, le chemin vers la sobriété semble difficile. Comme si le social media, malgré ses effets délétères sur leur moral et leur concentration, empruntait aussi au rôle du manipulateur narcissique la capacité à gratifier et faire se sentir bien. Il est en effet si difficile de faire la part des choses entre le plaisir mortifère et la vérité des nouvelles formes de liens ainsi créés, les vibrations on line ressenties en vrai, le renforcement du vécu IRL…
On a donc parlé de santé mentale [insérer le lien de l’article suivant dédié à la santé mentale] avec eux, mise en danger par le social media, à retrouver dans le prochain article de cette série.
Jugement dernier ou jugement rapide ?
”Je crains le jour où la technologie dépassera les capacités humaines. Le monde risque alors de voir une génération de parfaits imbéciles.” disait Albert Einstein. Et c’est exactement ce que ces jeunes ont identifié comme jugement émanant des générations précédentes : ils sont devenus limités et tout simplement “moins bien”.
Un commentaire radical et sclérosant, qui les enferme dans ce rôle que l’on assigne si souvent aux générations qui suivent.
Mais un commentaire sclérosé selon eux, qui témoignent du sentiment d’impuissance et d’incompréhension de générations qui ne sont pas capables de gérer le social media et ses effets, comme eux revendiquent savoir le faire.
Compromis, acceptation et empowerment
« Je ne veux pas réduire ma consommation, mais je veux savoir la gérer ». La gérer, c’est-à-dire essayer de la limiter, mais surtout en faire quelque chose d’utile.
Comment la limiter ? Ils admettent tous l’échec de leurs techniques pour passer moins de temps sur les applications, qu’ils finissent par supprimer par période : “regarder des gens qui dansent ne m’apporte rien en fait, donc j’ai supprimé Tik Tok qui devenait maladif”. Les limites de temps proposées par l’iPhone se révèlent en effet inefficaces, il suffit de cliquer pour passer outre le message d’alerte.
Pour satisfaire le besoin de déconnexion, ils font alors exprès de ne pas prendre leur téléphone à certaines occasions sociales, ils font des compromis. Le meilleur étant celui de transformer sa pratique en un moment utile, en dédiant le temps de smartphone à un usage productif (comme nous raconte cette étudiante en stage qui fait exprès de garder des mails professionnels à finir dans le métro puisqu’elle sait qu’elle ne pourra pas s’empêcher d’être sur son téléphone). Et l’on commence alors à parler d’un usage empowering, d’un booster d’efficacité.
L’arme d’une génération éclairée
Parce que le social media ce n’est pas que des vidéos vides de sens et des influenceurs tristement influents, c’est aussi le lieu des communautés, des rencontres, de l’apprentissage et des luttes. Un espace pour faire des rencontres qui pourront se poursuivre IRL, pour créer des groupes autour d’idées ou d’intérêt commun. Un espace pour apprendre, que ce soit la recette du cordon bleu de Diego Alary, ou la gestion de son anxiété sociale avec des thérapeuthes du monde entier. Pour eux c’est le meilleur format pour écouter les vulgarisateurs qui leurr permettent d’apprendre et de réfléchir comme HugoDécrypte. Un espace de revendication enfin, comme aiment à le rappeler les étudiants, véritable terrain d’expression pour leurs luttes sociales.
Le social media apparaît ainsi comme un véritable marqueur de cette génération, cristallisant toute sa dualité. Sur le fond, la Gen Z le revendique comme un outil utile pour grandir et s’exprimer, et non pas uniquement un catalyseur de temps perdu destructeur de l’attention. Et sur la forme, ils racontent une vraie maîtrise de sa consommation, qui même si elle peut être excessive reste gérable. Un ressenti (fond et forme) différent donc des générations précédentes, qui appuient selon eux leur jugement sur leur propre peur d’un outil qu’elles ne savent pas maîtriser. Ils se sentent plus forts face à cela, plus en maîtrise, ça fait partie de leur vie et ils n’envisagent pas que cela change.
En résumé
L’École de Communication Sup de Pub a allié ses forces avec Influencia pour donner la parole à des jeunes communicants issus de la Gen Z dans des interviews “canapé” où s’expriment librement leurs pensées. Tout d’abord représentants de leur génération, ils en sont également des observateurs éclairés. De quoi nourrir une envie d’insights, et redonner ses lettres de noblesse à la notion d’égocentrisme, bien souvent attachée à cette génération.
Une série en 12 épisodes, écrite par Mathilde Beauhaire, à retrouver chaque mardi.