La fraude publicitaire numérique a généré 697 milliards de dollars de pertes en 2022
Création de faux comptes, empilement de bannières, usage de bots ou encore diffusion du display dans un format proche du pixel : la fraude publicitaire, par son inventivité, fait perdre chaque année des sommes astronomiques aux annonceurs et aux éditeurs de contenus. Et comme vous allez le voir, aucun acteur ne semble – encore – en mesure d’y échapper.
La cybercriminalité vampirise le marché publicitaire mondial. Si les impressions frauduleuses causées par l’arme n°1 des fraudeurs, le… bot…, terrorisent les annonceurs, elles menacent également les éditeurs dont l’activité dépend de la confiance qu’entretient l’industrie avec la fiabilité du marché publicitaire. En bref, personne n’est épargné. Aphérèse de robot, le bot se définit comme un agent logiciel automatique ou semi-automatique qui interagit avec des serveurs informatiques. Tel un programme client utilisé par un humain, le bot peut aussi hacker, spammer et frauder. Ses malveillances sont encore trop souvent sous estimées et mal connues, y compris chez les acteurs de la pub en ligne. Tout cela en sachant pertinemment qu’il n’est que la face plus visible de l’iceberg.
Selon étude publiée en mars dernier par la plateforme de cybersécurité CHEQ, la fraude publicitaire numérique devrait couter dans son ensemble la bagatelle de 697 milliards de dollars sur l’année écoulé. 115 milliards uniquement de coûts de main-d’œuvre pour des prospects qui n’existent pas. Et pour cause, après avoir décortiquer les données de 50 000 sites différents, les auteurs de l’enquête sont arrivés à la conclusion que près d’un tiers du trafic sur les plateformes d’e-commerce proviendrait de bots et de faux utilisateurs. Environ 17% du trafic provenant de programmes d’affiliation serait faux, contre 10% il y a deux ans, et 27% du trafic global serait carrément anormal.
La confiance règne
Sans oublier que le diable est partout. Le 31 mars dernier, c’était au tour de Facebook d’être accusé d’avoir trompé des annonceurs. A l’origine, une plainte avait été déposée devant un tribunal fédéral de San Francisco en 2018 dans laquelle plusieurs annonceurs accusaient la plateforme d’avoir gonflé sa portée publicitaire en augmentant le nombre de personnes potentiellement atteintes jusqu’à 400 % et en facturant des primes artificiellement élevées pour des placements publicitaires. Les plaignants avaient également affirmé que des cadres supérieurs de l’entreprise étaient au courant de ces pratiques illégales depuis plusieurs années, sans pour autant arranger la situation. Ils auraient même tenté de camoufler ces malversations. Selon la lanceuse d’alerte Frances Haugen, une ancienne informaticienne de la plateforme spécialisée dans la conception algorithmique : « La mauvaise gestion par Facebook des comptes en double constitue une fraude étendue contre ses annonceurs et des fausses déclarations aux investisseurs ». En déformant le nombre réel d’utilisateurs, l’entreprise aurait ainsi « systématiquement surfacturé les annonceurs ».
Toujours le 31 mars dernier, décidemment, DoubleVerify, une société spécialisée dans la mesure d’impact publicitaire a carrément a mis au jour une nouvelle technique de fraude publicitaire sur le numérique dénommé ViperBot. Ses auteurs s’en servait pour extorquer plus de 8 millions de dollars par mois aux annonceurs – !!! –, notamment via la télévision connectée – CTV — et la vidéo mobile. « ViperBot est l’un des systèmes de fraude les plus sophistiqués que nous ayons jamais identifiés », s’était enorgueillie Mark Zagorski, PDG de DoubleVerify. « Le dynamisme actuel des systèmes de fraude souligne le fait que les annonceurs ont besoin d’un partenaire qui se concentre sur la protection de leurs intérêts et qui opère indépendamment de la transaction média pour rester neutre lors de la détermination de la qualité de l’inventaire. En découvrant ViperBot, nous redonnant de la confiance aux marques dans leur investissement numérique tout en assurant la performance des campagnes à venir ». Ce « dynamisme » et cette « sophistication » des systèmes mis en place indiquent surtout que du côté des black hat, les moyens financiers et technologiques augmentent considérablement. La traque sera longue et loin d’être aisée.
Le vent souffle
Et comme nous l’expliquions en introduction, la peur d’en être la prochaine victime ne fait que grandir. A travers sont étude Améliorer la qualité média dans l’audio numérique parue cette semaine en partenariat avec YouGov, IAS – IntegralAdScience – a interrogé plusieurs professionnels des médias numériques, notamment des éditeurs, des acheteurs de publicité et des experts adtech, sur leurs attentes en matière de publicité digitale en univers audio programmatique. Les résultats ont révélé sans surprise – c’est un peu le sujet de notre article… – une appréhension importante concernant la fraude publicitaire sur l’audio numérique. Selon l’enquête : « Près de neuf experts des médias sur dix – 87 % – sont préoccupés ou très préoccupés par la fraude publicitaire dans l’audio etla majorité d’entre eux sont prêts à s’appuyer sur une vérification par un tiers pour préserver la qualité média avant d’investir davantage ». On comprend mieux pourquoi des entreprises spécialisées en cybersécurité telles que IAS et DoubleVerifyse frottent les mains. Pourtant, ces mêmes professionnels restent sur leur garde. Moins de la moitié d’entre eux se déclarent en confiance lorsqu’ils parlent de la mesure de l’audio avec leurs clients. Les critères d’audibilité leurs paraissent insuffisants pour être comparés à ceux de la visibilité, ce qui rend difficile la comparaison des performances entre les formats pour les annonceurs. Pas facile dans ces conditions d’y voir clair financièrement.
Surtout que nul n’y échappera. Le grand public a tendance à considérer la fraude publicitaire comme le seul problème des annonceurs. Cependant, à part quelques plateformes/médias qui s’appuient sur des modèles d’abonnement, la grande majorité des éditeurs numériques se financent en offrant leurs lecteurs comme auditoires pour les annonceurs. Comme l’explique Tamer Hassan, rédacteur pour Human, une autre entreprise spécialisée dans la mesure d’impact publicitaire : « Les cybercriminelles viennent créer des contrefaçons de ce produit vital, incitant les annonceurs à acheter des impressions qui ne proviennent pas d’utilisateurs réels et intéressés ». Alors certes, ils se retrouvent à casquer sans pour autant créer de la valeur, mais cette situation « supprime aussi la valeur du produit sur lequel les éditeurs et les créateurs de contenu fondent leur entreprise. Comme les fraudeurs n’ont pas à dépenser de l’argent pour créer du contenu qui attirera de vrais utilisateurs, ils peuvent offrir leur faux inventaire à des prix beaucoup plus bas », forçant les éditeurs légitimes à en faire de même, ce qui déflate artificiellement l’industrie toute entier. Au risque de se répéter la traque sera longue… est semée d’embuches. Alors choisissez bien vos partenaires et garder l’œil – bien – ouvert.
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