nous prenons une commission de l’ordre de 30% sur tous les deals que nous bouclons pour nos talents.
INfluencia : comment vous êtes-vous lancée dans le marketing d’influence.
Carine Fernadez : tout a commencé en 2013. Je n’avais pas encore fini mes études et j’ai commencé à voir des personal shoppers lancer leurs blogs sur le net pour partager leurs coups de cœur. J’ai alors réalisé qu’il y aurait un truc à faire dans ce secteur. Au fil du temps, je me suis rapprochée de certains d’entre eux et de fil en aiguille, j’ai constaté qu’ils étaient de plus en plus approchés par les marques. J’ai alors commencé à chercher à tisser des liens entre ces bloggeurs et les annonceurs. Pendant trois ans, j’ai joué ce rôle d’apporteuse d’affaire. Je prenais une commission sur chaque deal bouclé mais cela n’était rien de plus qu’un hobby pour moi. Je faisais cela le soir et le weekend. Durant la semaine, j’étudiais et j’ai ensuite travaillé en CDI pendant quatre ans et demi chez Orange.
IN : quand avez-vous transformé ce hobby en job ?
C.F. : j’ai quitté Orange en 2018 car mon activité d’agent prenait de plus en plus d’ampleur. La hausse de mon chiffre d’affaires m’a imposé d’abandonner mon statut d’autoentrepreneur pour créer ma société et j’ai fini par recruter 4 personnes à Lyon où j’étais basée. Début 2020, nous avons décidé tous ensemble de nous installer à Paris car la dizaine de créateurs pour lesquels nous travaillions à l’époque ainsi que la plupart des marques étaient basées dans la capitale. Le Covid a éclaté deux semaines après notre déménagement…
Entre le début et la fin du Covid, nous avons doublé nos revenus. Nous avons longtemps enregistré des rythmes de croissance annuelle de l’ordre de 100%.
IN : la pandémie n’a pas mis un coup d’arrêt à vos activités ?
C.F. : pas du tout. Nous devions par contre faire un gros travail de pédagogie auprès des clients potentiels que nous allions voir. La plupart ne savait même pas ce qu’était le marketing d’influence. Je devais leur expliquer qui on était et ce que l’on faisait. Au début, les marques se contentaient de donner des codes promos aux influenceurs pour qu’ils les citent sur leurs réseaux.
IN : comment parveniez-vous à convaincre les influenceurs pour qu’ils rejoignent votre agence ?
C.F. : au début, il était possible de rencontrer au culot les gros influenceurs avec lesquels je voulais collaborer. Je leur envoyais des mails, je leur expliquais avec qui je travaillais, on discutait et ils me testaient sur un projet ou deux.
IN : quels étaient vos interlocuteurs chez les annonceurs ?
C.F. : les premières années, nous parlions surtout avec les chefs de projet digital. Aujourd’hui, nous discutons avec des cadres nettement plus seniors. Le gros tournant a été pris à la sortie du Covid. Les marques ont en effet réalisé à cette période que le marketing d’influence était devenu un enjeu majeur pour elles et ce sujet a monté de plusieurs lignes sur leurs listes de priorités.
IN : qui entre en contact avec qui dans ce secteur ?
C.F. : aujourd’hui, 70% des deals que nous bouclons font suite à une demande d’une marque et les 30% restants sont la conséquence de propositions que nous avons faites à des annonceurs. Ce rapport était plus proche de 50/50 avant la pandémie. Entre le début et la fin du Covid, nous avons doublé nos revenus. Nous avons longtemps enregistré des rythmes de croissance annuelle de l’ordre de 100%.
IN : qui sont les talents que vous représentez ?
C.F. : ce sont des talents que nous voulons premium dont le nombre d’abonnés peut varier de 100.000 à 6 millions. Ils regroupent, à eux tous, une communauté d’environ 50 millions de followers à 80% féminine et souvent âgée de 18 à 35 ans. Nous couvrons de nombreux secteurs et notamment les cosmétiques, le voyage et la décoration. Nos acceptons uniquement les talents qui ne font pas doublon avec les créateurs que nous représentons déjà. Nous voulons aussi nous assurer qu’ils puissent nous apporter quelque chose et que nous pouvons également, de notre côté, leur apporter des choses dont ils ont besoin. Ce qui nous intéresse le plus n’est pas leur nombre d’abonnés mais plutôt leurs discours et leur potentiel de développement. Nous avons, par ailleurs, installé au sein de notre agence un studio de 200m2 afin de créer des contenus organiques pour eux.
IN : les prix pratiqués sur ce secteur se sont-ils envolés depuis la fin de la pandémie ?
C.F. : le prix par CPM (coût pour mille) n’a pas beaucoup augmenté mais nous sommes capables de mieux valoriser la qualité des audiences. Le panier moyen payé par les marques a, en conséquence, tendance à augmenter. La crise l’an dernier nous a également contraint, comme tous les autres, à accroître un peu nos tarifs.
IN : comment vous financez-vous ?
C.F. : nous prenons une commission de l’ordre de 30% sur tous les deals que nous bouclons pour nos talents.
Les délais de paiement des grands groupes ne cessent de s’allonger et les agences qui se sont développées très rapidement en recrutant massivement pourraient rencontrer des problèmes financiers.
IN : le boom actuel du marketing d’influence est-il appelé à durer ?
C.F. : nous ne pouvons pas continuer à doubler de taille chaque année ad vitam aeternam. La diversité d’acteurs présents sur ce marché est encore appelée à progresser dans les années à venir. Je pense que de plus en plus d’agents indépendants vont se lancer pour accompagner des créateurs de contenu mais un certain nettoyage va aussi s’opérer dans ce secteur. Les délais de paiement des grands groupes ne cessent de s’allonger et les agences qui se sont développées très rapidement en recrutant massivement pourraient rencontrer des problèmes financiers. Les grands groupes de communication et de publicité vont, eux aussi, continuer à investir dans le marketing d’influence mais je ne pense pas qu’ils voudront représenter des créateurs de contenu. Ils feront toujours appel à des agences comme la nôtre lorsque leurs clients voudront lancer des campagnes d’influence.