Leviers performants pour accompagner les changements, les valeurs semblent assez peu intéresser les dirigeants en période de crise. Focalisés sur des sujets opérationnels dont ils attendent des résultats rapides et visibles, ils privilégient souvent une logique court-terme sur le long-terme. Pourtant, le pilotage optimal des valeurs permet de mieux traverser une crise, et surtout de l’anticiper… Une étude Ad’Verbe.
« Excellence » de Lehman Brothers, « professionnalisme » de la SG… quand la réalité divorce avec les mots… Outil de motivation en interne et de différenciation en externe, les valeurs peuvent aussi miner la crédibilité de l’entreprise et déstabiliser son positionnement. « Faire les bons choix ; (…) démontrer notre recherche de l’excellence ; (…) se respecter les uns les autres (…) ; rendre des comptes à la communauté (…) » tels sont quelques-unes des « valeurs » et « principes opérationnels » que l’on pouvait lire dans l’éditorial du dernier rapport annuel de Lehman Brothers. En France, la Société Générale affiche 3 valeurs : « professionnalisme, esprit d’équipe, innovation ». Difficile de penser que les derniers mois ont offert une incarnation convaincante de ce positionnement de marque…Donner du sens, la formule est usée… au point qu’elle n’en a plus guère ! Pourtant, en cette période critique, la capacité des entreprises à limiter les écarts entre comportements manifestés et comportements souhaités, identité réelle et identité projetée, valeurs revendiquées et valeurs vécues sera décisive.
Deux constats de l’étude : éthique et relation… du trop au trop peu !
1. Une logique de l’éthique qui place l’entreprise face à ses responsabilités
Dans le Top 20 des valeurs des entreprises françaises, la famille éthique est surreprésentée. C’est une réponse implicite de l’entreprise à une demande sociale forte en matière de responsabilité, de transparence, de partage et de respect. Un contexte général que la crise actuelle accentue, comme en témoigne le débat sur la « moralisation du capitalisme » et sa forte résonance dans l’opinion. Encore faut-il que ces valeurs éthiques généreusement proclamées répondent vraiment à cet enjeu. En 2001 déjà, la société Enron brandissait fièrement son système de valeurs : « communication, respect, intégrité, excellence »… Si la famille éthique occupe le premier rang dans la typologie des valeurs, les entreprises n’en sont pas moins soulis au régime de la preuve : l’exigence éthique ne se paie pas de mots.
2. Une carence relationnelle qui place l’entreprise face à la défiance
Les valeurs relationnelles – proximité, partenariat, confiance, solidarité, diversité… – n’occupent que la troisième place dans le Top 20 des valeurs des entreprises françaises. Pourtant, la notion de relation est au centre du discours de nombreuses entreprises et marques, qui revendiquent la nécessité de nouveaux rapports avec les salariés comme avec les clients, et avec la société civile en général. La crise actuelle est aussi – et peut-être d’abord – une crise de confiance. La présence, et surtout l’incarnation, de valeurs relationnelles dans le système des valeurs des entreprises constituera une réponse à ce besoin de renouveler les rapports avec l’ensemble des parties prenantes. Dans le cas contraire, c’est la crise de confiance qui s’en chargera…
Le développement durable dans une croissance retrouvée, c’est d’abord et avant tout l’entreprise durable : celle dont la vision dépasse le court terme et dont les valeurs garantissent la cohérence.
LA METHODOLOGIE
1. Une analyse en 2 phases : quantitative (analyse lexicométrique) ; qualitative (analyse sémantique). Le corpus de l’étude a été constitué à partir des entreprises du SBF 120 dotées de valeurs explicites, et de 25 autres entreprises françaises, hors cotation, représentatives des différents secteurs d’activité (INSEE, NAF rev. 2, 2008). Sans prétendre à l’exhaustivité, ce panel est qualitativement représentatif des grandes entreprises françaises et de leurs systèmes de valeurs. Ces derniers ont été extraits d’un corpus constitué par des documents publics corporate des entreprises du panel.
2. Des fiches signalétiques, uniques en leur genre, réalisées sur le Top 20 des valeurs. Au-delà de données chiffrées (numéro de classement de la valeur, taux d’utilisation par les entreprises) et de l’indication du positionnement dominant de la valeur dans les systèmes où elle apparaît, ces fiches présentent 3 niveaux d’information :
Description et illustration par des verbatims des usages et connotations relevés Eclairage du potentiel de significations de la valeur à travers un cadrage sémantique Des remarques et observations, rédigées à partir de l’expérience concrète des consultants d’Ad-Verbe, qui soulignent les facteurs de risques et de succès attachés à la valeur
3. Une typologie inédite de 5 familles de valeurs. L’étude, réalisée à partir d’un corpus constitué par des documents publics corporate (sites Internet, rapports annuels, chartes éthiques…) a permis de dégager une typologie de 5 familles de valeurs :
Ethiques (34 %) : elles connotent un engagement moral de l’entreprise (Humain, Solidarité, Intégrité, Transparence, Équité…) Performatives (29 %) : elles renvoient à l’action, à la performance à l’efficacité (Qualité, Réactivité, Expertise, Rentabilité, Pragmatisme…) Relationnelles (29 %) : elles concernent l’accent mis sur les relations entre l’entreprise et ses parties prenantes (Proximité, Partenariat, Confiance, Solidarité, Diversité…) Psychologiques (8 %) : elles caractérisent des inclinations mentales tantôt cognitives, tantôt émotionnelles (Créativité, Passion, Audace, Enthousiasme, Initiative…) Politiques (< 1%) : elles expriment la vision de l’entreprise en tant qu’acteur collectif engagé (Pérennité, Indépendance, Démocratie, Leadership, Liberté…)