De plus en plus connectés au monde, les jeunes représentent aujourd’hui un bassin d’audience considérable. Alors comment les marques réussissent-elles à convaincre parents et enfants ?
Depuis quelques années, les marques et entreprises avaient tendance à développer des stratégies pour atteindre les millennials, ou la génération Y, Z… Ce procédé visant à rajeunir sa cible, pour moderniser sa marque a été considérablement exploité. Alors, même si les fondements sont toujours valables, il semblerait que la pression publicitaire subie par les millennials nécessite de trouver des relais de croissance sur des cibles n’étant pas encore confrontées aux discours publicitaires. Alors, en équilibrant leurs messages entre pragmatisme et émotion, mais surtout en insistant sur la sécurité, petit à petit de nouveaux émetteurs apparaissent dans le quotidien des enfants et gagnent l’approbation des parents.
Trigger 1 : les kids en ligne
En décembre 2017, Messenger annonce le lancement d’une plateforme optimisée et dédiée aux enfants. Le principe est identique à l’application générique : un chat en temps réel, des emojis, des gifs, des envois de photos… Seule différence notable : les parents sont les créateurs des comptes de leurs enfants et ils doivent approuver les contacts de ces derniers. Cette initiative rappelle le lancement de Youtube Kids en 2016 : une interface simplifiée, une agrégation de contenus internationaux dédiés aux tous-petits et une mise en avant de la sécurité, ici assurée par un algorithme.
Ce discours rassurant est la clé de la réussite d’une telle stratégie d’élargissement de cible. En effet, on assiste à un changement de paradigme : les produits ne sont plus conçus pour les enfants, mais adaptés d’une version adulte ancrée dans les mœurs et habitudes à une version simplifiée et sur-sécurisée. Ce premier message de « contrôle parental » est évidemment pensé dans l’optique de séduire les vrais décisionnaires, les adultes responsables. Ainsi, la sécurité est l’un des éléments centraux d’une stratégie d’adaptation de l’offre à un jeune public.
Trigger 2 : les « Salle Mômes »
Mais afin de convaincre les enfants, qui seront les prescripteurs, les marques doivent également déployer des discours émotionnels et affectifs : c’est le deuxième pilier de cette kiddification. Et justement, pour susciter l’envie des enfants, les cinémas Pathé de La Villette ont eu l’idée de revisiter les classiques salles de projection. En partenariat avec la marque Lego, un espace intégralement pensé pour plaire aux plus petits a été développé. Lumières tamisées, décor coloré, briques de Lego et Duplo à disposition, sièges ultra-confortables : tout est imaginé pour plaire aux enfants mais aussi aux parents auxquels on promet une séance tranquille et sereine -même si en réalité, 30 enfants et des Lego, c’est plutôt très bruyant… !
C’est ainsi, en développant une nouvelle offre et pas simplement en adaptant l’ancienne, que les cinémas Pathé ont pu revisiter leur expérience et convaincre les familles de venir vivre le cinéma autrement. Les enfants sont, ici, clairement au cœur de l’offre proposée, qui transcende sa fonction initiale : il n’est plus simplement question de venir voir un film mais bien de profiter d’un moment unique, ludique et complet. Cette adaptation d’une situation courante en un instant sublimé et léger est un des piliers d’une stratégie de kiddification de l’offre.
Trigger 3 : quand les enfants se mettent au travail
Mettre en scène la réalité : c’est là, le cœur du concept de Kidzania, un parc d’attractions pensé pour les enfants qui reproduit la société des adultes. Dans l’un des 24 parcs ouverts à travers le monde, les petits pourront s’amuser à faire tout comme leurs parents : choisir un métier, travailler, toucher un salaire et le dépenser dans les boutiques présentes. Une monnaie spéciale, les « Kidzos » a été inventée afin de rendre le concept encore plus réaliste. Le parc devrait faire son apparition en France dans quelques temps, et nombreuses sont les marques à vouloir en faire partie. En effet, les 31 millions d’enfants à travers le monde, ont déjà pu travailler pour H&M, Mc Donald’s, Samsung, DHL ou encore Renault.
C’est là, le troisième pilier identifié dans ces stratégies : réussir à faire passer le message de la marque auprès d’un tout nouveau public. Cette vision édulcorée de la réalité a une visée éducative : faire comprendre le système du travail et de la société aux enfants, les responsabiliser de manière pédagogique et les préparer à la vie réelle. Si l’idée fondatrice peut sembler très pragmatique, la force du concept a été de gamifier et de rendre ludique cette immersion dans la « vraie vie ».
Tendance : quand les enfants jouent aux adultes
Depuis toujours, les enfants veulent imiter leurs parents, c’est ce que Roger Caillois appelle le champ du « faire comme si ». En théorisant le jeu, le philosophe a noté que l’enfant s’empare naturellement des comportements des adultes, pour en imiter leur culture : ils imaginent avoir leur propre famille, ils imitent certains métiers, ils reproduisent des comportements. Mais dans une époque où la moitié des petits Américains de 11 ans possèdent un smartphone, cet imaginaire se concrétise quelque peu.
Ce jeu de rôle connaît un glissement vers un paradigme symboliquement plus puissant puisque c’est la culture qui leur est adaptée. On met à disposition des enfants les codes des adultes, que ce soit dans la manière de communiquer, de se divertir et même de consommer. Si l’apparence est ludique et sympathique, la réalité est plus profonde puisque les signifiants marketing et publicitaires sont de plus en plus présents. L’intervention des marques dès le plus jeune âge pose évidemment une question éthique : quelles sont les limites à se fixer afin de ne pas sombrer dans un conditionnement à la consommation ?
What if :
Et si, une plateforme de VTC lançait une offre dédiée aux enfants tout en assurant une sécurité maximale aux parents ?
Et si, une radio créait une programmation pensée pour les enfants, en adaptant les flashs infos, la météo…?
Et si, le temps d’un événement, une enseigne de distribution alimentaire interdisait l’entrée de ses magasins aux parents ?