INfluencia : Votre coup de cœur
Justine Planchon : Il est pour « One day », une série britannique de fiction sur Netflix qui renouvelle totalement le genre comédie romantique, où pour une fois la jeune femme n’est pas « cucul », totalement abêtie devant les hommes. Telle une nouvelle, la série propose dans chaque épisode un moment de vie nostalgique qui n’a souvent rien d’exceptionnel, ce qui en fait la beauté. Parce que ce sont nos propres vies qui nous sont finalement montrées, toutes ces bribes du quotidien que l’on voit peu ou pas portées à l’écran, qui n’ont rien de grandiloquentes, de talentueuses ou d’exceptionnelles. « One Day » raconte très bien l’être humain et la société dans laquelle on vit, elle parle de luttes de classe, des écarts de débouchés qui se cristallisent à l’âge adulte, de ce que signifie « réussir dans la vie », etc. Cela résume merveilleusement bien le fait que le bonheur ne semble jamais très loin, mais qu’il n’est jamais acquis non plus et qu’en réalité nous sommes tous quelqu’un d’exceptionnel. Eh oui, je cite une des productions Mediawan (Drama Republic) mais c’est parce que le coup de cœur est vraiment là…
Le nombre de personnes en situation de handicap représentées à la télévision se compte sur les doigts d’une main
IN : Et votre coup de colère
J.P. : Dans son dernier baromètre annuel, l’Arcom déplore une sous-représentation persistante des femmes, des handicapés, des banlieusards, des inactifs, des plus jeunes et des plus âgés. Une part de la société française reste encore ignorée des médias. Le nombre de personnes en situation de handicap représentées à la télévision se compte sur les doigts d’une main et encore je suis optimiste ! Et pourtant il devient urgent de montrer le pays dans toutes ses diversités pour lutter contre l’ignorance et toutes formes de préjugés ou de discriminations. Cela me met vraiment en colère car je suis de celles qui pourraient faire bouger les chiffres à mon poste. Et nous y travaillons ensemble chez Mediawan en veillant à ce que les programmes, dans leurs thématiques comme dans leurs incarnants, reflètent notre société dans toute sa globalité. C’est par exemple le cas avec nos talents mais aussi nos productions niveau groupe (« Cherif », « Caïd », « Terrain sensible », « Faire famille »…). Sur l’inclusivité, je pense aussi aux thématiques de « Ça commence aujourd’hui » dont parle Faustine Bollaert chaque jour à l’antenne mais aussi « Les Bracelet Rouges », « Joséphine, ange gardien », « Handigang »…
Bref, je m’arrête là mais les médias ont une responsabilité sur ces sujets et j’en ai pleinement conscience. Et je lance autant que possible des appels auprès des membres de la jeune génération parmi ceux qui ne sont pas forcément visibles pour qu’ils nous rejoignent et qu’ils investissent nos bureaux, nos métiers et nos écrans de télévision.
Toulouse-Lautrec : le seul lycée de France qui accueille enfants handicapés et valides
IN.: L’événement qui vous a le plus marqué dans votre vie ? (Pas vos bosses ou les entreprises où vous avez travaillé)
J.P. : Mon arrivée au Lycée Toulouse-Lautrec en 1995, un lycée pas comme les autres – c’est le seul en France – car il accueille à la fois des enfants en situation de handicap et des enfants valides. J’y ai passé ma seconde, ma première et ma terminale. J’y ai appris la vie. C’est là que j’ai appris à regarder les bobos des autres plutôt que les miens, à regarder surtout celles et ceux que la société invisibilise, et à me dire qu’en fait ils étaient encore plus intéressants que moi. Et je pense que si je fais de la télé aujourd’hui, (ndlr : la série « Toulouse-Lautrec », diffusée sur TF1, est basée sur une idée originale de Fanny Riedberger et Justine Planchon), si j’ai à cœur vraiment de raconter la société telle qu’elle est et si je suis tellement en colère de ces chiffres que j’évoquais précédemment, c’est parce qu’il y a eu cet événement fondateur dans ma vie à 15 ans. De manière générale, je ne pense pas qu’on puisse faire ce métier sans observation ni empathie.
IN.: Votre rêve d‘enfant ?
J.P. : C’est d’écrire un livre sur mon histoire et celle de ma famille. J’ai une famille et une histoire de vie atypiques. Et je tiens un journal de bord depuis que j’ai l’âge d’écrire, donc depuis mes 6 ans, où je documente ma vie et celle de mes proches. Je n’ai rien perdu, j’ai tous les souvenirs dans mes carnets et je continue d’écrire peut-être pas quotidiennement, mais a minima une fois par mois.
Je sais que la mère idéale n’existe pas
IN.: Votre plus grande réussite (en dehors de la famille et du boulot)
J.P. : Ma plus grande réussite c’est de ne plus culpabiliser de ne pas être à l’image de la mère idéale que je me faisais, et que la société nous envoie, celle qui prépare des gâteaux pour toute la classe, qui organise des goûters gigantesques et qui ne s’énerve pas quand elle fait les devoirs avec son enfants… Je ne culpabilise plus car, ça y est je le sais, cette mère-là n’existe pas.
Je ne sais faire qu’une chose : le poulet rôti !
IN.: Et votre plus grand échec dans la vie (idem)
J.P. : Mon plus gros échec est culinaire. Je rêve véritablement de cuisiner parce que je trouve que la cuisine fédère énormément et je suis très admirative du travail que font les grands chefs ou ces jeunes pâtissiers qu’on voit émerger ici et là. Je trouve que c’est fascinant parce que cela demande à la fois un grand sens des détails et de la créativité, un peu comme dans mon métier. Je vous jure que je m’évertue à bien faire les choses, bien peser les ingrédients, lire les consignes… Mais à chaque recette tentée, c’est un échec de plus. Je ne sais faire qu’une chose : le poulet rôti ! J’espère que nous nous reverrons dans quelque temps et que je pourrai vous annoncer que j’ai enfin réussi à cuisiner autre chose (rires…)
IN.: Vos héroïnes préférées dans la fiction
J.P. : J’aurais pu vous en citer dix mais celle qui m’a guidée tout au long de mon enfance, mon adolescence et encore aujourd’hui c’est Sophie de Réan dans « Les malheurs de Sophie », de la Comtesse de Ségur. C’est une petite fille qui n’en fait qu’à sa tête, elle a tous les défauts du monde : menteuse, gourmande, égoïste, colérique, bagarreuse, etc. Mais elle est aussi courageuse et intrépide. Elle brave les interdits pour vivre pleinement sa vie et ses envies. Et finalement elle est libre. C’est une œuvre très importante, dans laquelle les petites filles sont présentées comme ayant un pouvoir sur leur vie et pouvant agir librement. Un personnage avant-gardiste et finalement très contemporain aujourd’hui, qui adresse un message à toutes les petites filles du monde sur le principe même de la liberté et qui continue de m’inspirer aujourd’hui. Quand je suis face à une situation délicate, je repense à cette petite fille qui continue d’exister en moi de manière très forte
Le bonheur : des snickers glacés au chocolat blanc…
IN: Votre idée du bonheur
J.P. : C’est plutôt une image : un jardin, un étang, des amis, tous issus de milieux et de mondes différents, du soleil, mon fils et mon mec… et des snickers glacés au chocolat blanc.
Depuis des années tous les messages de mon répondeur sont stockés sur un disque
IN.: Qu’aimeriez-vous emporter sur une île déserte ?
J.P. : Mes messages… En fait, quand on me laisse des messages sur mon répondeur, je ne les écoute pas. Je dis toujours : « envoyez-moi plutôt un texto ». Mais ma particularité est que depuis des années, je ne les efface jamais. Et ils sont tous stockés sur un disque, qui est un peu le disque de ma vie, avec des mots laissés par des proches, comme mon fils, ou des parents qui me sont chers mais qui ont disparu comme mon grand-père ou des gens que je ne connais pas. Je partirais donc avec ce disque. Il y a quelque chose de réconfortant, de très chaud dans une voix. Sur une île déserte, je ne m’ennuierais pas, je pourrais entendre untel ou unetelle, un peu comme s’il s’agissait d’une conversation. Je serais bien avec mes messages.
*Mediawan vient de racheter Leonine Studios et devient ainsi le N°2 mondial indépendant derrière Banijay
** l’Hôtel Littéraire Le Swann, situé au cœur du quartier historiquement proustien de la plaine Monceau et de Saint- Augustin, présente une collection d’œuvres originales sur l’écrivain ainsi que des pièces de haute couture, des photographies, des tableaux, des sculptures. Notre interviewé(e) pose à côté d’une sculpture de Pascale Loisel représentant bien sûr l’auteur d’« À la recherche du temps perdu »
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L’actualité de Justine Planchon
- Plusieurs programmes seront délocalisés pendant le festival de Cannes: « C’est à Vous », (France 5) qui sera tous les soirs sur la Croisette avec Anne-Elisabeth Lemoine (produite par 3e Œil Productions), et également de « Beau Geste » (France 2), émission produite par Black Dynamite qui vient par ailleurs d’être renouvelée pour une 3e saison.
- Mediawan a plusieurs films sélectionnés pour le Festival de Cannes :
LE COMTE DE MONTE-CRISTO de Matthieu Delaporte et Alexandre De La Patellière est en Sélection Officielle Hors Compétition (Produit par Chapter 2 /Dimitri Rassam) et Pathé Films.
LE DEUXIÈME ACTE – Quentin DUPIEUX / CHI-FOU-MI PRODUCTIONS (hors compétition)
L’AMOUR OUF – Gilles LELLOUCHE / CHI-FOU-MI PRODUCTIONS (compétition)
LIMONOV – THE BALLAD – Kirill SEREBRENNIKOV / Chapter 2 (compétition)
LE ROYAUME – Julien COLONNA/ CHI-FOU-MI PRODUCTIONS (Un certain regard)
- Et pour les fans, le retour de Morgane Alvaro dans la saison 4 de « HPI » est pour le jeudi 16 mai sur TF1 à 21h10…