Depuis plusieurs années de nombreuses évolutions technologiques ont bouleversé les modèles économiques des médias traditionnels. Certaines révolutions représentent cependant des avantages pour le journalisme. Mais comment évoluer, par le biais de quels outils et quelles sont les solutions ? Vers une dualité technologie/journalisme ?
C’est une révolution majeure, qui s’accélère à grands pas et nous plonge dans un avenir parfois incertain mais passionnant. Un bouleversement – celui de la transformation des médias, à la faveur de l’avènement d’internet, des technologies mobiles et des nouveaux usages – dont les éditeurs et producteurs de contenus doivent maitriser rapidement les enjeux et les solutions au risque de péricliter voire pire, de disparaître. L’enjeu est de taille, voire cruciale, alors que les géants américains du web, forts de milliards d’utilisateurs bien souvent, font chaque jour davantage la Une de l’actualité pour leur approche, parfois controversée, vis-à-vis des médias.
Mais cette révolution numérique n’est pas venue à l’improviste. Elle est le fruit de différentes évolutions, opérant depuis plus d’une décennie. Internet, bien sûr, a tout bouleversé sur son chemin. Il a naturellement démocratisé l’accès aux savoirs – une excellente nouvelle – mais il a aussi profondément perturbé les modèles économiques des médias traditionnels, sapant ainsi des schémas parfois anciens. Des deux côtés de l’Atlantique notamment, depuis le début des années 2000 les médias sont rentrés dans une spirale infernale dont ils ont encore du mal à sortir la tête de l’eau. Les facteurs sont nombreux et connus : baisse des revenus publicitaires, concurrence accrue, immédiateté de l’information, impact des réseaux sociaux qui ont pris un rôle considérable, devenant eux-mêmes des médias à part entière. Et les conséquences ont été nombreuses et souvent désastreuses : suppressions de milliers de postes de journalistes, augmentation des prix des journaux en même temps qu’une baisse de leurs diffusions mais aussi plus généralement déprime du secteur.
Regarder droit devant
Pourtant, certaines révolutions présentent (aussi) des avantages. Ils permettent notamment de pouvoir écrire une nouvelle histoire. Dans ce monde bouleversé dans lequel nous vivons aujourd’hui, la technologie alliée intelligemment au journalisme en fait partie. Cette dualité est essentielle. Le but est simple : informer le lecteur sur l’actualité – sans tomber dans le piège de « l’infobésité » – mais aussi pouvoir lui offrir les contenus qu’il souhaite à tout moment, le tout avec une expérience utilisateur (UX) renforcée. Le statu quo est à proscrire : les éditeurs doivent s’adapter aux nouveaux modes de consommation de l’information. Il ne faut plus regarder vers des schémas passés mais bien se tourner – vite et au maximum – vers le futur même si celui-ci n’est pas toujours aussi clair qu’il pourrait l’être. A l’heure où se multiplient les projets innovants (réalité virtuelle, intelligence artificielle, etc) et où les “bots”, ces petits robots intelligents débarquent, les éditeurs de presse ont un rôle à jouer face aux géants du web.
L’enjeu de cette révolution est grand. Et parce que la déontologie de l’information est une valeur intrinsèque aux professionnels dont c’est le métier, les éditeurs se doivent de gagner cette bataille internationale, culturelle et d’avenir. Ils doivent donc devenir davantage agiles et s’immerger dans une démarche plus ou moins entrepreneuriale et de rupture. L’objectif ? Bouleverser positivement ce secteur si crucial mais si perturbé et gagner eux-mêmes la bataille de l’innovation. Avec un atout en poche : une meilleure connaissance de leurs audiences grâce aux données pour mieux servir – et séduire – de nouveaux publics. Aujourd’hui, cela est rendu plus facile grâce à la multitude d’outils mais aussi au « machine learning », qui apprennent de nos pratiques pour s’améliorer, répondre à nos attentes mais aussi parfois nous surprendre.
« A-t-on encore besoin de journalistes ? »
Ce mouvement de transformation doit aussi passer par les journalistes eux-mêmes. Nous devons être les acteurs de cette révolution. Nous devons prolonger les missions de notre métier et l’ouvrir à de nouveaux pans, nous immerger dans un esprit start-up, de création et d’innovation. Sans oublier nos principes, celui de curieux, de créateurs (passionnés) de contenus et de médias. Ne plus nous apitoyer sur le déclin de notre profession mais regarder vers les moyens d’accélérer sa transformation. « A-t-on encore besoin de journalistes ? » s’interrogeait (déjà) en 2011, dans un ouvrage éponyme, Eric Scherer, directeur de la prospective à France Télévisions. La réponse est oui évidemment. Et même plus que jamais. Dans un monde qui a sans cesse besoin d’analyse, de pédagogie et d’échange d’idées, notre action est essentielle. Mais au-delà du travail journalistique classique il nous faut aussi nous ouvrir davantage à de nouvelles compétences car nos métiers évoluent. Nous devons développer des « superpouvoirs journalistiques » pour paraphraser le professeur et commentateur américain Jeff Jarvis.
Finalement, après l’apparition de nombreuses technologies prêtes à révolutionner l’industrie des médias, on se rend compte tout de même que le contenu garde une place de choix. L’apport de ces outils est considérable mais semble en effet ne pas suffire pour satisfaire les lecteurs, exigeants, qui souhaitent avant tout obtenir une information de qualité. Une solution gagnante pour tous – lecteurs et éditeurs notamment – passe par les atouts du numérique mais reste stérile sans la contribution du cerveau humain : une alliance entre technologie et excellence journalistique en somme.