Quand l’Europe devient raciste et rejette ses maux structurels et économiques sur les dernières vagues d’immigrés syriens, afghans ou somaliens, les nouveaux arrivés doivent innover pour se faire accepter. Quitte à carrément brander un projet d’intégration, comme l’a fait une équipe de bandy en Suède.
Les tubes cathodiques sont aussi parfois ceux de l’été au cinéma. Quand un skieur sénégalais faisait marrer la planète lors de la descente aux Jeux olympiques d’Albertville, un an plus tard le film Rasta Rocket cartonnait sur grand écran et sa chanson, « I Can See Clearly Now », kidnappait les ondes. Entre la réalité d’un courage sportif et la fiction d’un long-métrage tiré d’une histoire vraie, l’exemplaire campagne « Integration on Ice » de l’Institut suédois choisit de conserver la même genèse : la curiosité du grand public pour la pratique d’un sport d’hiver par des sportifs d’Afrique Noire.
Le Bandy vous connaissez ? Pas celui de grand chemin non, on vous parle là d’un sport principalement pratiqué en Russie et en Scandinavie. Mélange de hockey sur glace et de football, la discipline remplace le palet par une balle et envoie onze gaillards et leur crosse se frotter patins aux pieds. Dans ce sport de bûcherons barbus virils, la Suède excelle. La Somalie beaucoup moins. Pourtant son équipe nationale, basée sur les terres de la monarchie scandinave, suscite un engouement populaire tel qu’il a donné des idées aux immigrés syriens et afghans du pays. Si le ministère de l’immigration s’en félicite, l’Institut suédois a lui décidé de brander le phénomène. Et voilà comment est née « Integration on Ice ».
Tout a commencé dans la fausse quiétude de Borlänge, commune de 50 000 habitants à 200 kms au nord de Stockholm. Entre l’extrémité orientale de la Corne africaine et le grand nord européen, le fossé n’est pas que géographique et pour les 3000 immigrés somaliens de la ville, l’intégration est difficile. Est-ce que pratiquer une des activités sportives hivernales les plus populaires du pays pourrait aider à se sentir acceptés ? Fondée par le Suédois, Hans Grandin, « l’équipe des réfugiés africains » comme l’ont d’abord appelé les blonds de Borlänge, a tenté le coup. Pour trouver sa place dans une nouvelle culture, socialiser, apprendre la langue et se sentir chez soi loin des siens, il faut savoir prendre des risques pour forcer l’hostilité et la muer en sympathie.
Un modèle d’intégration pour sauver la social-démocratie ?
A l’image d’Abdirahman Barhadle, assistant-coach mis en scène dans le film (voir ci-dessous) réalisé par le gouvernement suédois, le projet d’intégration a été une réussite au-delà des espérances de ses instigateurs. A 19 ans lui aussi, Abdirahman Barhadle, confie dans le même spot promotionnel être devenu un modèle pour les plus jeunes immigrés somaliens, et une source d’inspiration pour les ados suédois. D’autres joueurs de la désormais sélection nationale de Somalie ont pu aller au lycée ou trouver un boulot grâce à « Integration on Ice ».
Que l’équipe n’ait pas encore gagné un seul match pour sa 3ème participation aux championnats du monde, la Suède s’en moque. Elle est conquise et chaque épopée de cette bande est érigée en parangon par les autorités du royaume. Avec plus de 200 000 réfugiés et demandeurs d’asile sur son sol, le pays le plus démocratique du monde en 2008, selon The Economist, fait face à d’inédites tensions identitaires. L’acceptation des nouveaux immigrés constitue un défi crucial pour sa social-démocratie. L’Etat sera donc ravi de voir que les communautés syriennes et afghanes vont imiter leurs modèles somaliens et monter elles aussi leur équipe nationale de Bandy. Pour participer à leur tour aux prochains championnats du monde.