L’artiste n’a comme limite que sa propre imagination. Ainsi tant qu’il est porté par le désir, il peut tout inventer. Joachim Romain opère aujourd’hui le temple du commerce en ligne.
Photographe-sculpteur, sculpteur-photographe, qu’importe. Après s’être intéressé aux matières produites par notre société de consommation, pour les recycler et ainsi les faire vivre autrement, en créant parfois des monstres urbains, Joachim Romain se plonge aujourd’hui dans la frénésie acheteuse du web, avec un ensemble d’œuvres photographiques intitulées Fast Shop. Si son envie de transformation transgressive de l’univers boulimique publicitaire urbain de la ville était chez lui insatiable, il puise dans l’achat en ligne, des intuitions, des sensations et de pulsions frénétiques sans imaginer au départ que cela modifierait sa création.
Capturer la frénésie
Dans sa série Fast Shop, l’artiste traque les pulsions irrépressibles provoquées par l’achat en ligne.
Pense l’humain, -qui sans se déplacer pour gagner du temps (mais de quel temps s’agit-il puisqu’il n’existe pas ?) va choisir, comparer les prix, profiter des meilleures offres, bénéficier d’avis d’autres clients, acheter à l’étranger, accéder en quelques clics à une gamme de produits largement plus étendue que dans le commerce…
Mise en abime des sites marchands
Pour ce travail, Joachim Romain s’est appliqué à naviguer sur des boutiques en ligne en collectant, classifiant, archivant des signets, en hackant localement les pages pour modifier le code html des sites et ainsi modifier à sa guise leur chartre graphique. Puis il a réalisé des prises de vue de son écran d’ordinateur pour réussir à capter l’essence et l’énergie de notre cadence délirante à consommer toujours plus vite.
Virtuel bien réel au final
Avec son appareil photo mis sur trépied devant l’ordinateur, il shoote en pause longue les pages de ces boutiques virtuelles au moyen du curseur, fait bouger l’image de l’écran pour créer des formes et des couleurs aléatoires, crée la profusion et la vitesse qu’offre ce shoppings compulsif. Superpositions, répétitions, flous, pixels morts, décadrages d’images, démultiplications, saturations d’encres expriment sa vision de notre comportement d’achat dans le monde virtuel.Les photographies obtenues subissent ensuite la torture artistique finale de Joachim Romain qui brûle, arrache, peint, colle les photos ainsi obtenues pour créer ses propres tirages et recréer sur toile l’usure urbaine dont son art est issu. Et retomber ainsi sur ses pieds. À découvrir du 12 septembre au 12 octobre à la galerie Art&Craft.