Jean-Pierre Beaudoin, directeur général de l’agence I&E, était juré français au premier jury PR. Un jury unanime pour décerner le grand Prix à « The Best Job In the World»
INfluencia : à la fois Grand Prix PR et Grand prix Direct : la campagne « The Best Job In the World » a remporté deux récompenses suprêmes. Comment expliquez-vous ce succès ?
Jean-Pierre Beaudoin : d’abord, il s’agit d’une campagne transversale sur toutes les disciplines avec une très faible présence publicitaire. C’est un exemple frappant de ce que sont les RP aujourd’hui. Imaginons que le Queensland pour exister en tant que destination touristique ait fait une campagne traditionnelle montrant des grandes plages à perte de vue, une mer bleue azur… Bref des images vues des milliers de fois. C’était l’échec assuré. L’intelligence de cette démarche a consisté à établir un vrai décalage, à ne pas viser le marché traditionnel des touristes mais à s’adresser à l’opinion dans tous les pays du monde. Et cela a merveilleusement réussi : 35 000 candidats en provenance de 201 pays ont postulé pour ce job et envoyé leurs vidéos ! Quelle belle preuve de l’efficacité de la communication !
IN : La grande idée en RP est-elle réplicable partout?
J-P : C’est une vraie question. Oui, tous les primés ont une dimension d’enseignement universel, bien sûr avec des différences culturelles. Nous avons néanmoins été très sévères vis à vis des « me too campagnes », dont on savait qu’elles avaient été faites dans d’autres pays. Dans une compétition internationale, pour gagner, il faut un apport original.
IN : Seuls 18 lions ont été attribués. Une sévérité due à un manque de créativité ou une volonté d’exemplarité pour cette première édition ?
J-P. B : Nous avons voulu primer la grande idée. Et il ne s’agit pas là d’une phrase grandiloquente. Nous avons d’abord établi une shortlist très resserrée, en dessous des 10% traditionnellement retenus par les jurés à Cannes. Ensuite nous n’avons accordé que 18 lions en toute connaissance de cause. Le processus doit avoir valeur d’exemplarité. Il y a là un échantillonnage de ce que la profession fait de mieux dans le monde. Dans la simplicité ou la complexité. Depuis la campagne purement américaine mono media The Great Schlep du Jewish Council For Education, qui incitait les jeunes juifs à faire voter leurs grands parents en faveur d’Obama. En passant par les opérations très élaborées et inscrites dans la durée. C’est le cas de Procter, qui a demandé à des adolescentes américaines de se mobiliser pour aider leurs camarades africaines. Entre ces deux extrêmes nous avons récompensé beaucoup d’idées étonnantes comme ce qu’a fait la ville de Yubari au Japon (cf news Yubari). Ou encore la campagne libanaise pour la Fondation Hariri, à laquelle nous aurions pu également donner le Grand Prix, si la catégorie Grandes Causes n’était pas exclue de la récompense suprême. Tous ces cas montrent combien une idée simple et intelligente à la fois, et qui sort de la logique traditionnelle du marché, et souvent avec des budgets peu élevés, peut résonner dans la société. Et c’est vraiment là le rôle des RP.
IN : cette résonance peut-elle être manipulée ?
J-P : Il faut refuser toute manipulation. Les agences se donnent comme objectif de faire des campagnes créatives et efficaces. Mais l’opinion en fait ce qu’elle veut. Et nous devons l’accepter. D’ailleurs parmi les cas examinés, nous en avons eu un certain nombre qui étaient opaques : création d’un faux produit, d’un faux candidat, sans savoir qui était derrière… Cela a donné lieu à une disqualification immédiate et unanime de la part des 15 jurés.
Propos recueillis par Isabelle Musnik
» the best job in the world »