4 octobre 2024

Temps de lecture : 6 min

Jean-Patrick Chiquiar (ROSA PARIS) : « Pendant dix ans, j’ai fait partie d’un orchestre et joué du violoncelle Salle Pleyel »

Un conseil : n’imposez pas vos non-talents de karaokéman ou woman à Jean-Patrick Chiquiar… Le cofondateur de ROSA PARIS répond au « Questionnaire d’INfluencia », autour d’une madeleine et d’un thé, au sein de l’hôtel Swann* – Proust oblige.

INfluencia : votre coup de cœur ?

Jean-Patrick Chiquiar : j’en ai deux. Le premier est pour l’exposition de Mary-Hellen Mark que j’ai vue aux Rencontres de la photo d’Arles. Je ne connaissais pas cette photographe portraitiste américaine décédée en 2015, qui faisait des photos en noir et blanc essentiellement, sur la période entre 1970 et 2010. C’est quelqu’un qui s’immergeait complètement avec les gens qu’elle rencontrait, qui sont un peu les laissés pour compte de la société américaine : des SDF, des prostitué(e)s, des personnes internées dans des hôpitaux psychiatriques, des femmes, des enfants des rues, des membres du Ku Klux Klan, des jumeaux, etc. Et elle les shootait non pas avec un œil inquisiteur mais avec une grande bienveillance. Elle construisait ses reportages sur le long terme, parfois en suivant certains sujets ou certaines familles pendant des années. Elle a passé 36 jours enfermée avec des patientes dans l’hôpital psychiatrique où a été tourné le film « Vol au-dessus d’un nid de coucou ». Il y a une photo par exemple où on voit juste des pieds de femmes qui sont enchainées sur un lit, pour les empêcher de bouger. Ses photos sont d’une puissance incroyable. J’ai adoré. Pour moi c’est la révélation des rencontres de cette année.

Mon deuxième coup de cœur – pour ne pas tomber dans le poncif de Thomas Jolly et de la cérémonie d’ouverture des JO –  est pour un spectacle magistral de danse contemporaine autour du Vendée Globe que j’ai vu avant l’été au Théâtre 13e art, au centre commercial Italie Deux, qui s’appelle « Zéphyr », réalisé par Mourad Merzouki (qui avait fait « Pixel » en 2014, un spectacle dont on avait pas mal parlé à l’époque). Il a toute une troupe de danseurs qui viennent du monde du hip-hop et de la danse contemporaine, qui mixent cette énergie et en même temps des thèmes hyper poétiques comme le vent. C’est magnifique.

Je déteste ce principe où les algorithmes ne nous poussent que ce que nous avons envie d’entendre ou de lire

IN. : et votre coup de colère ?

J-P. C. : il est contre les algorithmes. Je déteste ce principe où finalement les algorithmes ne nous poussent que ce que nous avons envie d’entendre ou de lire. C’est super dans la musique parce que, quand on aime bien une musique, c’est sympa de recevoir des morceaux qu’on va aimer. Mais c’est beaucoup moins bien dans les pensées. Nous vivons dans une société où il n’y a plus de débats et, comme les algorithmes nous imposent des contenus qui sont conformes à ce que nous pensons, cela nous conforte dans le fait que nous pensons ce que la majorité des gens pense. Les algorithmes sont en train de perturber complètement notre façon de réfléchir. Les gens ne s’écoutent plus, ils s’affrontent. Je pense que la technologie, même si elle a plein d’atouts, a une grosse part de responsabilité dans la société qu’on est en train de vivre et je voudrais bien parfois que cela s’arrête. J’ai une fille de 24 ans et j’ai envie de lui demander de temps en temps : « montre-moi le fil de ce que tu suis, et abonne-toi à d’autres, juste pour changer le spectre de ce que tu crois être la vérité ».

IN. : la personne qui vous a le plus marqué dans votre vie ?

J-P. C. : c’était mon chef d‘orchestre et directeur du conservatoire du 9ème arrondissement quand j’étais petit, il s’appelait Alfred Loewenguth. Je jouais du violoncelle. J’en ai fait jusqu’à 20 ans. Dans la famille Chiquiar, j’étais violoncelliste, ma sœur cadette violoniste et mon ainé pianiste et altiste. J’ai encore des photos de nous, en petit costume en velours et chemise à jabot… Alfred Loewenguth faisait quelque chose de génial. Il partait du principe qu’à partir du moment où quelqu’un jouait d’un instrument, même débutant, il pouvait assez rapidement maîtriser une œuvre. Donc, il adaptait des morceaux par rapport au niveau de ses élèves. Et il a monté des orchestres avec des jeunes de 10-12 ans, comme moi, qui jouaient de vraies œuvres. Et pour moi qui pratiquais le violoncelle – un instrument très difficile car il faut avoir la maîtrise de la partition, pas question d’improviser – c’était le seul moment sympa. C’était une récompense. Et chaque année pendant dix ans, j’ai fait partie d’un orchestre et joué Salle Pleyel. Une des plus belles salles de Paris à l’époque. Un rêve pour un musicien, et à plus forte raison pour un jeune. Cela m’a donné l’oreille musicale, je ne supporte absolument pas les gens qui chantent faux (rires). Et personne ne le sait mais souvent en réunion je reproduis avec mes doigts le vibrato que l’on exerce au violoncelle (ndlr : léger changement de la hauteur du son. Il s’obtient par un mouvement de vibrato du doigt sur la corde. L’intensité de la note est contrôlée par l’archet et reste constante). Je pense que cela m’a également marqué dans ma vie car cela m’a donné très tôt le sens d’être un individu au sein d’un collectif. J’ai aujourd’hui complètement arrêté. Mais je rêve, quand j’aurai du temps, de me mettre au piano ou à la guitare.

Ma plus grande frustration est que je suis un sportif moyen dans plein de domaines 

IN. : votre rêve d’enfant ou si c’était à refaire

J-P. C. : ce serait d’être un grand sportif. Ma plus grande frustration est que je suis un sportif moyen dans plein de domaines : j’aime autant les sports collectifs qu’individuels. J’ai joué au tennis, au hand, j’ai fait de la natation, du ski, du volley, de la planche à voile, je me suis mis au kitesurf. À la fois c’est cool car j’ai cela en moi et cela fait partie d’un équilibre de vie mais j’aurais aimé vraiment être encore meilleur. Pas pour performer, je ne suis pas dans la surcompétition, mais pour maîtriser parfaitement toutes ces disciplines.

IN. : votre plus grande réussite ? (pas professionnelle)

J-P. C. : c’est peut-être tout simplement mon équilibre dans ma vie personnelle et professionnelle, d’avoir pu avancer dans la vie sans avoir besoin de renier mes valeurs, de m’opposer aux autres pour réussir. Je n’aime pas les extrêmes, ni les gens qui sont agressifs. Je suis fidèle à mes amis. Mes meilleurs amis je les ai depuis 50 ans. C’est très banal ce que je dis mais peut-être que ma plus grande réussite est de me nourrir de cette banalité.

IN. : votre plus grand échec ? (idem)

J-P. C : ne pas faire un « passing shot de revers long de ligne » correctement alors que cela fait 40 ans que je joue au tennis. J’ai trouvé un petit revers chopé tout moche qui me permet de renvoyer la balle, mais dès qu’il faut attaquer je n’y arrive pas. Et pourtant je le travaille. Samedi soir encore, j’étais à la campagne et je m’entrainais, mais rien à faire…

Je pense que j’ai du mal à montrer que je suis attentif aux autres alors que j’ai l’impression d’être un gros nounours

IN. : un malentendu vous concernant

J-P. C. : on dit de moi que suis souvent hyper dur alors que ce n’est pas du tout vrai. J’ai un physique qui le fait peut-être croire, mais c’est faux. Je ne prends peut-être pas assez en compte l’intelligence émotionnelle du moment, ce qui fait que parfois les gens sont troublés. Je suis très exigeant et perfectionniste. Quand je pointe une faute dans une slide par exemple, mes collaborateurs peuvent avoir l’impression que c’est pour leur faire un reproche alors que c’est parce que j’ai le sens du détail. Je suis assez cash et dis ce que je pense mais ensuite je passe à autre chose. Il peut y avoir un décalage entre ce que mes interlocuteurs reçoivent et ce que je veux leur transmettre. Il n’y a jamais aucune malice ou volonté de faire mal. Et à l’inverse quand on me connait, on voit que je suis quelqu’un de très attentif aux autres et très en empathie. En revanche, je pense que j’ai beaucoup de mal à le montrer alors que j’ai l’impression d’être un gros nounours (rires).

Je choisis d’ailleurs mes vacances en fonction des spots de kite

IN. : vos astuces pour décompresser

J-P. C. : comme mon défaut est de ne jamais prendre suffisamment de temps pour moi, le fait de m’être mis au kitesurf il y a 10 ou 15 ans est une vraie pause. Je pars en Camargue, au fin fond de la baie du golfe de Beauduc. C’est un des plus beaux spots européens, il n’y a que des gens qui connaissent qui vont là-bas. Ne serait-ce qu’y aller – 45 minutes ou une heure au milieu de la piste – me fait du bien. Mes seuls compagnons de voyage sont des flamants roses. Et ensuite, une fois que je suis sur place, j’ai trois ou quatre heures pour me concentrer uniquement sur moi-même et sur mon plaisir. Cela me permet de décompresser totalement avec la mer, le vent et un peu de danger. Je choisis d’ailleurs mes vacances en fonction des spots de kite.

IN. : quelle vedette de film ou de télé-réalité emmèneriez-vous sur une île déserte ?

J-P. C. : sans hésitation Mike Horn pour la télé-réalité car c’est un expert pour survivre sur une île déserte. Ou James Bond parce qu’il aurait toujours un moyen de joindre Q pour nous aider à sortir de l’île… (rires) 

* l’Hôtel Littéraire Le Swann, situé au cœur du quartier historiquement proustien de la plaine Monceau et de Saint-Augustin, présente une collection d’œuvres originales sur l’écrivain ainsi que des pièces de haute couture, des photographies, des tableaux, des sculptures. Notre interviewé(e) pose à côté d’une sculpture de Pascale Loisel représentant bien sûr l’auteur d’ « À la recherche du temps perdu ».

En savoir plus

L’actualité de Jean-Patrick Chiquiar

ROSA PARIS vient de gagner plusieurs budgets alimentaires, dont Andros
– La campagne pour Grand Frais « Pascal le grand frais » a beaucoup buzzé et cartonné sur les réseaux sociaux. Au total 50M de vues (Tik Tok et YouTube dont 40M sur Tik Tok). Un taux de complétion exceptionnel de 48% et la campagne a généré 95% de commentaire positifs.

– A sorti pour GRDF avec Jamel Debouzze une campagne pour promouvoir le gaz vert- Première publicité avec Gérard Darmon « parions sport » pour FDJ
– Va annoncer des nouvelles offres dans quelques semaines

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