The Good : Comment se porte le Mouvement Impact France ? Quelles sont ses actualités ?
Jean Moreau : Le mouvement va bien ! Nous portons la voix d’environ 15 000 entreprises désormais, dont 1 250 adhérents directs. La dynamique des derniers mois est orientée vers le recrutement de gros acteurs emblématiques de l’impact. Des entreprises comme Aigle, Leboncoin, Maif, Crédit Mutuel Arkéa, L’Occitane en Provence, Biocoop, Harmonie Mutuelle, et La Poste nous ont rejoints. Notre pari avec Eva Sadoun (co-présidente du mouvement) était de sortir du champ de l’ESS pour s’ouvrir à l’économie plus traditionnelle afin de créer une forme de bascule et polliniser tous les mouvements. Nous sommes donc en bonne voie. Cela permet également de donner du crédit à nos engagements. Quand des groupes qui emploient plusieurs milliers de salariés nous rejoignent, cela démontre que l’Impact n’est plus une bataille de pionniers, de militants, mais une forme de norme, que l’on essaye d’installer.
Par ailleurs nous arrivons au terme de notre mandat de 3 ans avec Eva, et nous sommes amenés à réfléchir à la nouvelle gouvernance du mouvement. Nous aimerions qu’un nouveau duo paritaire se forme, et pourquoi pas, un duo issu d’une grande structure, d’une structure plus militante, plus pionnière.
T.G : Le Mouvement Impact France est à l’origine d’une tribune sur la sobriété parue fin juin et qui a rencontré un franc succès. Vous y attendiez-vous ?
J.M : Notre tribune a fait suite à celle des dirigeants d’Engie, EDF et Total appelant à une sobriété énergétique conjoncturelle. Nous voulions prendre le contrepied, et rappeler que c’est probablement le bon moment pour bien gérer la cadence de la sobriété, qu’elle soit choisie plutôt qu’imposée. Je pense que notre discours était juste et que nous avons trouvé le bon ton. Il y a quelques années, le mot sobriété sonnait comme pessimiste et rimait avec décroissance, voire anticapitalisme, cela faisait peur à tout le monde. Nous avons réuni 84 signataires, dont des dirigeants de grandes entreprises. Le timing était donc le bon.
T.G : La sobriété sera au cœur des UEED. Pourquoi avoir choisi ce thème ? Comment allez-vous l’aborder ? Quels seront les intervenants ? Les grands moments ?
J.M : Nous avons choisi ce thème dès le mois de mai dernier. La sobriété peut faire peur car elle implique de sortir d’une logique d’hyper croissance, et d’accepter de faire un peu moins, mais mieux, y compris dans la consommation. Or ce qui peut parfois bloquer les transitions c’est la question de l’emploi, surtout quand il faut revisiter certains secteurs. Nous devons réfléchir collectivement aux manières d’anticiper tout cela, comment créer de la valeur, et ne pas mettre en péril la dimension sociale. La transition se fera avec tout le monde, c’est pourquoi nous souhaitons mêler essayistes, économistes, influenceur.se.s, chef.fe.s d’entreprises, politiques, ..
Six membres du gouvernement et de nombreux députés seront présents. Nous aurons aussi Paul Polman, ancien CEO d’Unilever et ambassadeur du mouvement Net positif, Catherine Touvrey PDG d’Harmonie Mutuelle, Philippe Zaouti (Mirova), Youssef Achour (Groupe Up), Pascal Canfin (député européen), Jean-Bernard Lévy (EDF), Antoine Hubert (Ynsect), Jean-Marc Jancovici (The Shift Project), Hervé Navellou (L’Oréal France), Navi Radjou (essayiste), des étudiants et des membres de Les Collectifs, qui regroupe les salariés engagés.
T.G : Comment accompagner les entreprises vers plus de sobriété ?
J.M : Il y a plusieurs nuances de gris dans l’Impact. Il y a ceux qui ont l’impact chevillé à leur modèle économique, les Impact Native, et ceux qui viennent vers l’Impact. On ne peut pas attendre de toutes les entreprises qu’elles se comportent comme les entreprises Impact Native. Mais elles peuvent toutes aller vers plus de sobriété, comme privilégier le train et interdire les vols intérieurs, favoriser les mobilités douces, utiliser du matériel reconditionné pour la téléphonie, les ordinateurs, le mobilier de bureau, développer une politique d’achat durable, de privilégier le circuit court et le Made In France, etc… Si tout le monde le faisait, ce serait déjà un bon premier pas. L’étape d’après c’est comment re-questionner les modèles économiques, orienter vers l’usage plutôt que la possession, l’économie de la fonctionnalité par exemple.
T.G : Vous avez œuvré lors des dernières campagnes présidentielles et législatives à faire émerger une Impact Nation. Comment vos propositions ont-elles été reçues ? Quelles sont les propositions que vous porterez suite aux UEED ?
J.M : Nous avons été reçus partout et avons bénéficié d’une bonne écoute. Nous devons encore nous structurer pour porter des amendements sur des projets de loi, les accompagner d’études d’impacts, etc… Mais nous sommes mus par des vents porteurs, malgré les crises qui arrivent comme l’inflation et le pouvoir d’achat. Nous devons rappeler que des modèles à impact comme la seconde main permettent de faire des économies, de lutter contre le gaspillage. Cela devient mainstream chez les jeunes générations, qui nous montrent que l’on peut aligner écologie et économie, geste pour la planète et pouvoir d’achat. C’est un élément de fierté, une nouvelle routine de consommation.