INfluencia : Votre coup de cœur en ce moment
Valérie Decamp : C’est le show de Madonna auquel j’ai assisté récemment et qui m’a émerveillé. Elle m’a redonné une énergie que j’avais un petit peu perdu ces derniers jours. C’était magique. On a tous dansé. J’ai vu 10 de ses concerts sur 12 mais celui-là, pour moi, est le « best show ever ». Je ne m’y attendais pas forcément et j’étais un peu inquiète parce qu’elle a eu des gros problèmes de santé il n’y a pas longtemps et a failli annuler sa tournée. En fait, elle est passée encore à un stade supérieur au niveau de la technique, des lumières, de la scénographie, des costumes, des danseurs. Ses enfants étaient présents et on ressentait beaucoup d’amour sur scène. Elle a également rendu un hommage sublime à tous les gens morts du sida, dont beaucoup ont été considérés comme pestiférés et qu’elle a été l’une des premières à soutenir. En fait c’est 40 ans de notre vie que nous voyions défiler.
Madonna m’a accompagnée dans beaucoup de moments. J’inventais des chorégraphies dans les soirées sur Express Yourself. J’ai toujours beaucoup pratiqué de sport et elle était dans mes oreilles, me motivait… Elle s’est beaucoup battue pour que les femmes s’assument, se sentent libres de leur comportement et de leur sexualité sans forcément se préoccuper du jugement des autres. J’étais timide, voire coincée et elle m’a un peu façonnée dans ce côté « je n’ai peur de rien, j’ose et je me réinvente sans cesse ». Et elle a beaucoup fait pour moi en tant que femme.
IN.: Votre coup de colère
V.D. : Alors sans hésitation, quel que soit son bord, notre classe politique. Elle a oublié son rôle fondamental, qui est quand même a priori d’équilibrer les sociétés et de définir les orientations pour maintenir le bien commun.
On dit régulièrement que les Français ne s’intéressent plus à la politique, ce qui est vrai, mais il faut peut-être se demander pourquoi. Aujourd’hui, on a des politiques que je ne considère même plus comme des politiques mais comme des communicants de plus ou moins bon niveau, qui ne font que récupérer les éléments de langage de l’autre candidat pour en faire un sujet. Et pendant ce temps-là les vraies décisions ne sont pas prises. Je trouve que nous méritons mieux que cette classe politique. Je suis extrêmement déçue et en colère. Je suis maman et je suis très inquiète pour nos enfants.
Mon père m’a transmis le sens du combat, la résilience et le sens du devoir
IN.: La personne qui vous a le plus marqué dans votre vie.
V.D : C’est mon père. Il a été militaire pendant 18 ans. Il a fait trois guerres. Il a d’abord participé très jeune à la fin de la deuxième guerre mondiale, puis il s’est battu en Indochine et en Algérie, cette « guerre sale » dont il parlait peu. Il a quitté l’armée parce qu’à 36 ans il est tombé dans une embuscade et a reçu quatre balles dans la jambe. Ensuite, il a mené une autre carrière dans la société civile. Il y avait chez lui ce courage et cette abnégation que je n’ai jamais retrouvés chez quelqu’un d’autre. Je pense, et j’espère en tous cas, qu’il m’a transmis le sens du combat – pas sur le même terrain heureusement – la résilience et le sens du devoir. J’ai commencé professionnellement à « décoller » à sa mort parce que c’était quand même quelqu’un que je craignais énormément, j’avais peur de ne pas assez l’impressionner. Et quand il est décédé, je n’ai plus eu peur de personne. Jean-Paul Beaudecroux, le président de NRJ, l’a senti et a commencé à me donner des missions et j’ai évolué dans ma carrière.
Une deuxième personne m’a marquée : mon maître d’école quand j’étais en CE2, monsieur Leroy. C’était un instituteur à l’ancienne, avec ce côté noble de l’ancien modèle d’éducation. Il était très exigeant et en même temps accessible. Tous les jours en fin de journée, il réunissait les trois classes, le CE2 le CM1 et le CM2, et posait des questions, aussi bien de français, que d’arithmétique ou sur l’actualité. Et je trouvais formidable cette façon de réunir des gamins de tous les âges, de toutes les origines et de les faire discuter de tous les sujets. Le fait de casser les silos m’a marqué dans ma vie professionnelle. Quand j’ai un projet, je mets tout le monde autour de la table.
Je me débrouillais bien au théâtre, surtout en impro
INf. : Si vous aviez suivi vos rêves d‘enfant
V.D. : Je ne vais pas vous chanter la chanson, mais j’aurais voulu être un artiste. Bien sûr comme la plupart des gamins, je chantais avec la brosse à cheveux devant le miroir. J’ai fait du théâtre et de la danse. J’étais a priori bien disposée, je me débrouillais bien au théâtre, surtout en impro, et il paraît que scéniquement j’avais une présence.
J’aurais adoré être performeuse, faire un one woman show ou être humoriste. Lors des spectacles de fin d’année à chaque fois, je faisais toujours des numéros qui amusaient tout le monde. Je fais toujours beaucoup rire tous mes copains. Avec une amie qui a du talent pour écrire et qui est très drôle, nous nous disons souvent que nous pourrions peut-être essayer de monter un numéro toutes les deux. J’aimerais bien un jour également prendre des cours de chant.
IN.: Votre plus grande réussite (en dehors de la famille)
V.D. : Dès que je fais une table ronde, je reçois beaucoup de mails de femmes qui reconnaissent être encouragées par mon parcours et qui me disent « merci pour ce que vous nous apportez ». Cela m’étonne toujours et, en même temps, cela me fait très plaisir. C’est peut-être cela ma réussite : être perçue comme quelqu’un d’inspirant, en premier lieu par mes équipes et ensuite par des gens que je ne connais pas et que je peux aider.
Mon plus grand échec est de ne pas être encore patronne de ma propre entreprise
IN. : Et votre plus grand échec dans la vie
V.D. : Je suis quel qu’un d’assez positif mais mon plus grand échec est de ne pas être encore patronne de ma propre entreprise. Je n’ai pas réussi à le devenir à la Tribune**, alors que c’était quand même l’objectif que nous avions avec Alain Weill à la base. J’ai été à 80 % patronne du journal mais malheureusement ça s’est fini en dépôt de bilan. Je ne m’en veux pas, on ne pouvait pas prévoir la crise des subprimes, et j’ai fait le maximum pour sauver le journal.
Devenir patronne de ma propre entreprise est vraiment quelque chose que je souhaite. J’ai toujours créé de la valeur pour les entreprises que je dirigeais. Alors pourquoi ne le ferais-je pas pour moi ? Ce serait quand même un peu l’aboutissement logique de ma carrière.
Après le dépôt de bilan de La Tribune en 2012, j’ai voulu remonter une boîte avec un certain nombre de journalistes qui me suivaient dont François Roche, Eric Chol qui est maintenant directeur de la rédaction de L’Express et Pierre-Angel Gay qui était directeur adjoint de la rédaction de La Tribune. J’avais déjà trouvé le nom : « La fabrique éditoriale ». L’idée était de créer une agence de contenu autour de l’information économique. Je n’ai pas eu le cran d’y aller parce qu’on était tout juste en sortie de crise. Ce n’était pas gagné et puis, à l’époque, mon mari retournait à l’école. Comme je venais de déposer le bilan et qu’en tant que mandataire social je ne touchais rien, je n’ai pas osé.
A date c’est un échec, mais cela ne veut pas dire que j’ai dit mon dernier mot. Je n’ai pas encore créé mon entreprise, mais peut-être que dans deux ou trois ans j’y arriverai.
Des points communs avec Françoise Giroud, Simone Veil et Peggy Guggenheim
IN. : Quel personnage historique vous inspire ?
V.D. : En fait il y en a trois avec lesquelles je me trouve des points communs, même si je me sens toute petite par rapport à elles : Françoise Giroud, parce qu’elle a été la première femme à diriger un news politique à une époque où les femmes devaient vraiment se battre, et parce que j’ai été la première femme à diriger un quotidien économique.
La deuxième – et je trouve que cela résonne bien avec le contexte actuel – c’est Simone Veil. Pas seulement pour son courage, sa résilience et tout le travail de mémoire qu’elle a fait avec son mari, mais aussi pour son combat pour l’avortement. Elle a également été l’une des premières femmes à soutenir les premiers malades du sida, qui étaient aussi victimes de discrimination. Je me sens proche d’elle, moi aussi j’aime les combats difficiles.
Et la troisième que j’ai découverte en visitant sa collection à Venise, c’est Peggy Guggenheim. Je ne connaissais pas son histoire. Quelle modernité, quelle liberté d’action et de pensée ! Comme elle, j’aime casser les codes, avoir une certaine liberté de ton, ne pas se soucier de ce qu’on pense de moi.
Je n’ai toujours pas compris comment repérer le Nord et le Sud par rapport au soleil
IN.: Un secret à nous confier
V.D. : J’ai un très mauvais sens de l’orientation. Le pire c’est à la montagne. Je suis allée pendant près de 20 ans à Méribel et je ne sais toujours pas comment me diriger dans les 3 vallées. Je peux me perdre dans Paris à pied ou en voiture et je n’ai toujours pas compris comment repérer le Nord et le Sud par rapport au soleil. Mon compagnon, qui est skipper a beau m’expliquer, cela ne rentre pas. C’est d’autant plus frustrant que je me suis mise à la voile cet été avec ma fille et que, là, il faut quand même comprendre le sens du vent. Eh bien, je n’ai pas arrêté de dessaler…
IN.: Quel objet emmèneriez-vous sur une île déserte ?
V.D. : On a vite fait le tour d’une ile déserte, alors j’emporterais mon ordinateur avec mon abonnement Netflix. Je rattraperais enfin toutes les séries que je n’ai jamais le temps de voir car lorsque je parle avec mes amis je réalise que je ne suis pas du tout à jour.
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L’actualité de Valérie Decamp
- Professionnelle : Metrobus vient de regagner pour 4 ans (plus deux ans optionnels) le réseau de transport de la ville de Marseille, la RTM
- Personnelle : « j’ai décidé ce weekend de partir au Vietnam en janvier. Mon père m’a toujours dit que c’était un pays extraordinaire, mais il est décédé trop vite et nous n’avons jamais eu l’occasion d’y aller ensemble. De plus, j’ai un neveu qui vit là-bas et que je n’ai pas vu depuis des années »