24 janvier 2025

Temps de lecture : 7 min

Isabelle Schlumberger (JCDecaux) : « J’aurais voulu être la journaliste foot des pages sports »

Imagineriez-vous la très élégante Isabelle Schlumberger, poser du papier peint ou de la moquette et faire des travaux d’électricité ? La Directrice Générale Commerce, Marketing et Développement JCDecaux France, Belgique, Luxembourg et Israël répond au « Questionnaire d’INfluencia », autour d’une madeleine et d’un thé, au sein de l’hôtel Swann* – Proust oblige.

INfluencia : Votre coup de cœur ?

Isabelle Schlumberger : Il est pour la Fondation John Bost, une fondation protestante dont j’ai rejoint le conseil d’administration début décembre avec à la fois beaucoup d’humilité et de fierté. C’est un organisme qui a été créé en Dordogne en 1848 par un pasteur qui voulait accueillir ceux que tous repoussaient. Il a donc ouvert ce qu’on appelait à l’époque « des asiles », qui sont aujourd’hui des lieux de soins, de sens et de vie. Je trouve que cette triple terminologie est très belle. La fondation a essaimé dans toute la France. Il y a aujourd’hui 42 centres encadrés par 2300 personnes qui accueillent 2000 résidents (enfants, adolescents, adultes et seniors) en situation de handicap psychique, de polyhandicap/handicap rare, avec trouble du spectre de l’autisme, du développement intellectuel, ainsi que des personnes âgées ou personnes handicapées vieillissantes. C’est une cause extraordinaire qui accompagne tout le parcours de vie en essayant de le rendre le plus agréable possible. Elle met en avant la dignité humaine, le fait qu’il y ait la perspective d’une vie meilleure pour tout le monde et qu’on peut tous être acteurs de la vie sociale d’un pays.

Il faut que le sujet du mal logement soit pris à bras le corps, ce qui n’est pas franchement le cas en ce moment

IN. : Et votre coup de colère ?

I.S. : Je ne vais pas vous parler du contexte politique français depuis juin dernier. Mon coup de colère est contre un mal récurrent, qui s’aggrave fortement : le mal logement. Il y a aujourd’hui plus de 2,7 millions de personnes en attente d’un logement social en France, alors qu’on a mis en chantier en 2023 moins de 300000 logements. C’est un vrai sujet qui touche toutes les tranches d’âge, étudiants, personnes âgées… Pour moi, un logement, c’est à la fois le repos qu’on peut y trouver, la dignité, la construction personnelle par exemple quand on est étudiant, la reconstruction personnelle après un divorce… Donc c’est un sujet phare. Il est invraisemblable qu’un grand pays du G8 comme la France soit toujours englué dans ce problème. On a pourtant les plus grands groupes de bâtisseurs. Nous avons sans doute des législations trop compliquées en matière de construction. Mais en tout cas je pense qu’il faut qu’il y ait plus de coups de colère et que ce sujet soit pris à bras le corps, ce qui n’est pas franchement le cas en ce moment. C’est aussi un sujet de développement durable parce que le logement est un vecteur de consommation énergétique. On sait qu’il y a énormément de passoires thermiques et que la précarité énergétique des gens mal chauffés constitue un véritable drame dans un pays développé comme la France.

Mon père m’a communiqué le sens de l’humour et ce petit twist qui permet de voir les choses de façon un peu différente

IN. : La personne qui vous a le plus marquée dans votre vie ?

I.S. : Je sais qu’il ne faut pas parler de la famille mais celui qui m’a le plus marquée est mon papa, qui est décédé il y a 15 mois. Nous avons beaucoup partagé de choses et notamment une passion commune pour l’histoire -j’ai adoré l’histoire à Sciences Po- et la vie politique. Il m’a donné également très jeune le goût des médias parce qu’il écoutait beaucoup la radio tous les matins, à l’époque Europe 1. Il lisait beaucoup la presse magazine, la presse quotidienne nationale et la presse hebdomadaire régionale puisqu’il habitait à côté de Versailles. Il m’a aussi communiqué le sens de l’humour et ce petit twist qui permet dans la vie de voir les choses de façon un peu différente, l’amour du travail bien fait et le sens de l’entreprise. Il avait monté une SCOP, une société coopérative ouvrière de production. Donc une forme finalement assez inhabituelle, mais qu’on trouve dans le secteur du bâtiment. C’est quelqu’un qui avait également un grand sens de la famille. Et toutes ces valeurs qu’il m’a transmises continuent à vivre en moi.

Je pense que je me serais bien épanouie dans un rôle de préfète en région

IN. : Votre rêve d’enfant ou si c’était à refaire

I.S. : Avant de faire mes études, j’ai toujours voulu exercer des métiers qui n’étaient pas féminisés. Ce n’est pas finalement ce que j’ai fait mais, quand j’étais en quatrième, j’adorais le foot- j’adore toujours le foot d’ailleurs – On était à la fin de années 70. C’était la grande époque de St Etienne, j’achetais L’Equipe tous les jours et j’aurais voulu être la journaliste foot des pages sports. Il n’y en avait pas à l’époque.

J’ai toujours également eu le sens des métiers qui tournaient autour de l’Etat. En troisième, je voulais être Première ministre, aucune femme ne l’avait encore été. Et en seconde, j’aurais souhaité être préfète. La première femme préfète a seulement été nommée par François Mitterrand en 1981. En fait, je suis rentrée à Sciences Po plutôt pour faire une carrière publique mais le droit public n’a pas trop été mon ami et j’ai changé d’orientation. Je pense que je me serais bien épanouie dans un rôle de préfète en région, ancrée dans un territoire, avec une dimension terrain, de collectif, de coordination et de réactivité. 

Partir à l’étranger a été une des meilleures décisions que nous ayons prises

IN. : Votre plus grande réussite ? (pas professionnelle)

I.S. : L’une de mes plus grandes réussites, est d’avoir saisi une opportunité qui m’a été donnée de partir à l’étranger. Je venais d’une famille où on voyageait assez peu, j’ai pris l’avion à 18 ans pour la première fois. Je n’ai pas fait de « gap year », comme le font les jeunes aujourd’hui qui partent à l’autre bout du monde. Je connaissais un peu l’Europe quand on m’a proposé, à l’âge de 32 ans, d’aller travailler à Londres. Au début j’ai refusé parce que j’avais deux très jeunes enfants, de 18 mois et 3 ans. Puis finalement j’ai accepté et cela a sans doute été une des meilleures décisions que nous ayons prises avec mon mari. Nous sommes restés six ans, ma fille est née là-bas. Je suis rentrée enceinte du petit dernier et cela a finalement beaucoup changé notre vie parce qu’après j’ai pu continuer une carrière internationale chez Decaux. Tous mes enfants sont bilingues. Ils ont fait des études internationales et ont tout de suite été à l’aise partout dans le monde avec des copains de toutes les nationalités.

Je vois toujours la nouveauté comme quelque chose de positif

Mon autre réussite est sans doute d’avoir gardé ma curiosité intacte au fil des ans. J’étais déjà curieuse petite et je continue à être curieuse de tout, des hommes, des femmes, des situations, des nouvelles technologies et des idées… Souvent on dit que la curiosité est un vilain défaut. Je pense au contraire que c’est une grande qualité. Je vois toujours la nouveauté comme quelque chose de positif, je suis assez progressiste, en pensant que les choses vont pouvoir s’améliorer.

« Écoute, si tu chantais en arabe ce serait mieux »

IN. : Votre plus grand échec ? (idem)

I.S. : C’est de ne pas savoir chanter du tout. Et quand je dis du tout, c’est vraiment du tout (rires…) Je m’étais dit : « si je me marie, je voudrais chanter. Si j’ai des enfants, je voudrais leur fredonner des berceuses, je voudrais aussi pouvoir participer à des karaokés, etc. ». Je trouve que c’est en plus quelque chose de tellement génial qu’on peut faire seul, avec des amis, à l’église… Et finalement, je n’ai pas chanté à mon mariage, je n’ai pas fredonné de berceuses à mes enfants, je ne chante aucun cantique et je fais du play-back à l’église. Je ne chante jamais sous la douche ni dans les karaokés. Il n’y a aucun espoir. Une amie professeur de chant a essayé de me faire chanter juste. Elle n’a pas réussi. Elle m’a dit : « écoute, si tu chantais en arabe ce serait mieux », car apparemment je chanterais en quart de ton… Il y a peut-être quelque chose à creuser de ce côté-là. (rires)

Pour moi c’est un gros manque car je ne joue pas non plus d’un instrument de musique. Je suis très admirative des copains qui peuvent sortir une guitare, chanter a capella et qui connaissent un nombre incroyable de couplets. Je suis une spectatrice attentive mais très frustrée car je ne peux pas participer. Mes quatre enfants chantent juste, et c’est tant mieux.

Le challenge de réussir à cuisiner pour moins de 2 euros par personne m’amuse  

IN. : Votre occupation favorite

I.S. : Je suis assez manuelle. Ma mère m’a transmis beaucoup de choses, qui sont plutôt de l’ordre de la maison, je sais poser du papier peint et de la moquette, faire des travaux électriques, tricoter, coudre, broder.

Mais ce que j’aime vraiment, c’est faire la cuisine. Je sais que c’est assez banal mais c’est sincère. J’adore cuisiner avec mes quatre enfants qui cuisinent très bien, avec mes cousins quand nous sommes en vacances, mes amis. Pour 8, pour 16, ou pour 80 au temple quand il y a les repas d’après culte. En plus, le challenge de réussir à cuisiner pour moins de deux euros par personne m’amuse. J’adore vraiment ces moments créatifs, cela encapsule tout ce que j’aime : la transmission, le partage, la convivialité, la gourmandise. J’ai reçu à la maison 28 personnes pour le 31. J’ai adoré les deux jours de préparation.

IN. : La couleur que vous préférez

I.S. : Depuis toujours, c’est l’orange. C’est une couleur qui peut être très subtile, mais qui est joyeuse. Je la porte été comme hiver, elle donne du peps.

IN. : Quel chanteur emmèneriez-vous sur une île déserte ?

I.S. : Je partirais avec Alain Souchon parce que je crois qu’on ne s’ennuierait jamais avec lui. Lui aussi a un twist dans sa façon de voir la vie, il pose des mots extraordinaires sur le quotidien, sur les sentiments, sur des choses très profondes et très graves. Il donne à réfléchir et exprime des convictions de façon très intelligente. Il a un répertoire exceptionnel qui a accompagné une grande partie de ma vie. Je suis toujours très émue quand je le vois en concert, que ce soit avec Laurent Voulzy ou pas et toujours très admirative car il garde une jeunesse d’esprit remarquable. Je me dis que ce doit être un bon compagnon, juste ronchon comme il faut. Nous pourrions deviser et il pourrait me chanter des tas de chansons.

* l’Hôtel Littéraire Le Swann, situé au cœur du quartier historiquement proustien de la plaine Monceau et de Saint- Augustin, présente une collection d’œuvres originales sur l’écrivain ainsi que des pièces de haute couture, des photographies, des tableaux, des sculptures. Notre interviewé(e) pose à côté d’une sculpture de Pascale Loisel représentant bien sûr l’auteur d’ « À la recherche du temps perdu ».

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L’actualité

JCDecaux est le n°1 mondial de la communication extérieure, avec des audiences (audience journalière de 850 millions de personnes) dans plus de 80 pays. 11650 collaborateurs. Plus d’un million de faces publicitaires dans le monde. CA 2023: 3570 M€ / CA S1 2024 : 1807,6M€
– Forte croissance du CA digital Groupe : +28% au 1er trimestre 2024 vs +13,3% au 1er trimestre 2023. Le digital représente 35,9% du CA au 1er trimestre 2024 vs 31,2% en 2023. JCDecaux gère + de 40 000 écrans dans le monde.

– Le nouveau Vélo’v électrique
Le nouveau Vélo’v à assistance électrique sera déployé dans toutes les stations du territoire métropolitain dans la nuit du 28 au 29 janvier 2025. Il disposera d’une batterie embarquée et rechargée en station. Pour permettre la recharge, JCDecaux et Enedis ont travaillé en amont à la modification du système d’alimentation électrique des stations et des points d’attache. Les Vélo’v pourront bénéficier en permanence d’un niveau de charge suffisant pour réaliser n’importe quel trajet, niveau qui sera visible depuis l’application Vélo’v et l’écran de la borne avant le trajet, puis depuis le guidon pendant le trajet. Ils disposeront d’un moteur plus performant et d’une meilleure autonomie allant jusqu’à 40 kilomètres.

– Lancement en France de la campagne mondiale ONU-JCDecaux #MonConseilSécurité
L’Envoyé spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour la sécurité routière, Jean Todt, a lancé le 16 janvier, en France, la campagne mondiale des Nations Unies « Mon Conseil Sécurité » en collaboration partout dans le monde avec JCDecaux. Cette communication s’inscrit dans le cadre de la Nouvelle Décennie d’action pour la sécurité routière, dont l’objectif est de réduire de moitié le nombre de victimes de la route d’ici 2030. D’ici fin 2025, la campagne aura été affichée dans 80 pays et 1 000 villes grâce à un partenariat mondial avec JCDecaux.

– Etude sur l’attention publicitaire réalisée avec Ipsos en avril 2024, qui montre notamment que 100% des individus portent au moins un regard sur le mobilier urbain durant leur trajet de 30 min

– Quelques contrats gagnés en France et dans le monde en 2024
. JCDecaux a renouvelé en janvier 2024 son contrat de mobiliers urbains publicitaires et services associés avec la Ville d’Orléans et remporté le contrat d’exploitation et gestion publicitaire des abris-voyageurs BUS et Tramway de la Métropole d’Orléans
. En Chine, a remporté – une première – le contrat publicitaire de l’aéroport international de Shenzen Bao’an qui, effectif depuis le 1er février 2024, a permis d’étendre la présence de JCDecaux dans les aéroports chinois.
. En Italie, IGPDecaux a remporté au mois de juin 2024 les contrats du métro, des bus et des tramways de Rome pour une durée de 13 ans. Et en décembre 2024, les Abribus de Rome (plus de 1 900 faces publicitaires dont une grande partie digitalisée).
; En septembre 2024, JCDecaux UK a remporté les Abribus publicitaires de Transport for London (TfL) pour 8 ans et le gain des concessions publicitaires des Abribus et des principales stations de métro de l’Autorité des transports publics du Grand Stockholm (SL).
. En octobre 2024, au Brésil, a gagné le contrat des MUPI digitaux de Rio de Janeiro.

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