Directrice Générale Commerce, Marketing et Développement de JCDecaux France, Isabelle Schlumberger explique à INfluencia comment son groupe accompagne le retour en ville des marques.
IN : après huit semaines d’interruption d’affichage des campagnes, comment se passe la reprise de l’activité chez JCDecaux ?
Isabelle Schlumberger : la relance a démarré dès le 11 mai et chaque semaine apporte plus d’annonceurs. Il était important que notre média du centre-ville et de la vie urbaine soit au rendez-vous dès le jour du déconfinement pour marquer une rupture avec la période précédente, d’autant que la reprise d’activité se fait dans une période pré-estivale, traditionnellement forte pour la communication extérieure. Après huit semaines sans chiffre d’affaires – et un manque à gagner qui ne se rattrapera pas -, nous sommes heureux de voir que l’activité redémarre de manière qualitative avec des annonceurs nationaux et un tissu local qui reprend vie. Dès la première semaine, 280 annonceurs locaux ont repris la parole sur nos réseaux, notamment avec ce commerce de qualité et de proximité que nous avons tous été contents de trouver pendant le confinement. A leur retour, les marques ont trouvé un ton juste et serviciel. Certaines ont joué le clin d’œil comme Les 2 Vaches avec leur message « AiMEUH vous les uns les autres (mais pas trop près quand même) » ou encore Monoprix dont la campagne « Retrouver la ville » est un bel hommage à cette vie en centre-ville qui nous a tant manqué. Dans cette période qui précède la fête des mères, les marques de parfum et de luxe sont revenues (Dior, Guerlain, Yves Saint-Laurent, Armani, Chloé, Givenchy, Lancôme…) avec de beaux visuels.
IN : et pour les prochaines semaines ?
I.S. : nous sommes évidemment attentifs à la manière dont les Français vont pouvoir passer leurs vacances, d’autant que nous avons un maillage fort de certaines zones, en particulier des destinations auxquelles on ne pensait pas toujours pour les vacances et qui pourraient être prisées cet été. Les réouvertures des cinémas, des restaurants et des bars étaient aussi très attendues et nous nous réjouissons pour nos partenaires culturels des dernières annonces gouvernementales.
IN : quelle est la part des reports par rapport aux annulations ?
I.S. : certains annonceurs n’ont pas pu reporter leurs campagnes prévues pendant les deux mois d’arrêt, quand les festivals ou les foires ne se sont pas tenus, les films ne sont pas sortis, les spectacles ont été interrompus… En revanche, une grande majorité a choisi de reporter les campagnes, comme nous leur avons proposé de le faire pendant toute l’année 2020. Nos offres de reprise ont beaucoup joué sur le « Re » : « (Re)voir ensemble » avec une bonification temporelle (deux semaines affichées pour une semaine réservée) ou « Portes (r)ouvertes » qui combine OOH et DOOH pour une couverture en grande proximité des points de vente et un dispositif drive-to-store.
IN : comment aviez-vous préparé la reprise ?
I.S. : en dehors des messages sanitaires ou des remerciements aux soignants, nous avions laissé en place les affiches de la semaine du 9 mars. Pour être au rendez-vous du 11 mai, les équipes commerciales et marketing ont travaillé, dès début avril, sur les offres de relance avec beaucoup de « si » et de « peut-être », compte tenu des incertitudes sur l’évolution de la situation. Les commerciaux sont restés en proximité avec nos clients annonceurs nationaux et locaux et avec les agences médias. Ils étaient partis en confinement bien équipés grâce aux ordinateurs portables fournis par la direction informatique et aux outils de communication à distance qui avaient déjà été mis en place auparavant. Les managers ont pu faire des points réguliers et gérer le travail de report des campagnes. Les équipes de préparation des affiches sont revenues dans les ateliers dès le 27 avril. Nous nous sommes totalement adaptés à la reprise d’activité de nos clients : le retail au sens large, la distribution de proximité, mais aussi la grande consommation qui a été très présente à partir du 11 mai, notamment le secteur des boissons ou de la consommation bio.
IN : comment peuvent repartir les offres aéroport avec un trafic aérien en berne et les opérations spéciales, au regard des nouvelles règles sanitaires ?
I.S. : nous accompagnons les annonceurs sur des audiences qui sont en train de se reconstruire avec la reprise du trafic, la réouverture des aéroports en région et l’annonce de la réouverture d’Orly à partir du 26 juin. Pour certains Français, les voyages d’été en France ne se feront pas seulement en voiture. Une partie du trafic business va également reprendre… Dans cet univers, on pourra aussi s’appuyer sur des marques – HSBC, Rolex, LVMH, L’Oréal, Chanel… – qui ont fait de l’aéroport un territoire qui leur est propre avec de très belles créations. Les nouveaux plafonds du paiement sans contact amènent les services bancaires à reprendre la parole, de même que certaines marques dont les outils de communication à distance ont acquis une nouvelle dimension lors du confinement. Par exemple Zoom, qui communiquait déjà dans cet univers depuis deux ans, ou Microsoft. Les opérations spéciales reprennent aussi dès juin avec des dispositifs qui devront être adaptés pour respecter les mesures sanitaires. Après avoir beaucoup suivi des médias de l’intérieur, notamment la télévision, le public est heureux de retrouver les marques dans l’espace public, avec un esprit de partage.
IN : qu’est-ce que la crise de la Covid-19 laisse entrevoir sur le rôle de la communication extérieure ?
I.S. : avant la crise, on voyait déjà la croissance des attentes vers plus de proximité et la montée en puissance de la vie de quartier. Ces tendances ont été encore amplifiées par le confinement. Chacun, dans sa vie personnelle et professionnelle, a revisité sa façon de vivre et son attachement aux choses essentielles. C’est pourquoi il y aura beaucoup de messages du type « prenez soin de vous ». La publicité devra, encore plus qu’avant, se montrer subtile avec des messages basés sur des éléments réels et tangibles, loin des vains mots.