L’homme a toujours eu un côté instinctif. Mais il semble que l’animalité revienne bel et bien à pas de loups au fur et à mesure que la jungle urbaine gagne du terrain… ou que la planète soit menacée.
Le nom est évocateur : Urban Hunting Panther (littéralement, la « chasse à la panthère urbaine »). Il s’agit d’un site participatif dont le principe est simple mais original : chasser toutes les « panthères urbaines ». Autrement dit prendre en photo toutes les femmes portant sur leurs vêtements ou leurs accessoires des motifs léopard et panthère dans les rues de la capitale (et ailleurs), et les partager sur Internet. Toutes sont capturées sur le vif, par un téléphone mobile, ou un appareil photo numérique.
Ces motifs sauvages ou exotiques ont beau être un des musts du moment, le propos du site n’est pas de parler esthétique ou de commenter les dernières tendances de la mode. Aucun message derrière cette initiative, si ce n’est nous inviter à intégrer la tribu des « chasseurs » urbains, armés de nos fusils photographiques high tech. A ce jour, une cinquantaine de chasseurs s’y sont inscrits, déclarant vouloir traquer les panthères urbaines et exposer leurs proies au regard de tous. Un vrai jeu de piste nihiliste, qui nous rappelle que l’homme a un comportement décidément bien animal, ici dicté de manière futile et digitale par cet instinct de chasseur, mais pouvant également s’incarner ces temps-ci par une manifestation de l’instinct de survie.
Un instinct certainement en jeu avec le sommet sur le réchauffement climatique qui s’est ouvert cette semaine à Copenhague. Poussée par la peur, l’humanité fait face à l’un des plus grands défis de son Histoire avec un choix binaire : la lutte ou la fuite. Certains travaux d’Henri Laborit ont révélé que dans la nature, face à un danger ou lors d’un événement générant de la peur, la posture de lutte est loin d’être le comportement le plus répandu chez les animaux : c’est la fuite qui est le plus souvent adoptée. Or, la fuite est l' »un des mécanismes utilisés pour permettre l’établissement de structures hiérarchiques de dominance chez les mammifères sociaux comme l’humain » .
Espérons donc que Copenhague ne soit pas un lieu de fuites et de faux semblants qui induiraient inévitablement à une situation de domination des pays les plus riches contre les plus pauvres, mais bien l’occasion de lutter ensemble contre les excès… La situation pourrait sinon bien rappeler la phrase mythique de Thomas Hobbes : « à l’état de nature, l’homme est un loup pour l’homme » (1652, De Cive). Pour Hobbes en effet, l’état de nature est le pire état qui soit. Pour lutter contre celui-ci, l’établissement d’un « contrat social » est nécessaire afin qu' »à la suite de conventions mutuelles passées entre eux-mêmes, chacun des membres d’une grande multitude, (…) puisse utiliser la force et les moyens comme il l’estimeront convenir à leur paix et à leur défense commune ». Voilà qui peut inspirer certains de nos dirigeants en ce qu’il redéfinit la notion d’Etat et d’intérêt commun…
On peut rêver que le sommet de Copenhague aboutira à la sortie de l’état de nature dans lequel le monde industriel nous a paradoxalement fait entrer, et qui atteint en ce début de XXIème siècle son apocalypse. Vivement un contrat social post-moderne intégrant nos instincts et guidé par l’animalité !
Thomas Jamet est directeur général adjoint de Reload, structure de planning stratégique, d’études et d’expertise de Vivaki (Publicis).
thomas.jamet@reload-vivaki.com