Le temps des initiatives et de l’émancipation de son métier d’origine est bel et bien là ! Et pour les entreprises qui n’auraient pas saisi toute l’urgence de la situation, l’Observatoire des dynamiques de consommation des Français (*), réalisé par L’Echangeur by LaSer, le leur rappelle. De façon très constructive en leur offrant ses 7 nouveaux portraits de Français, établis en fonction de leurs profils sociodémographiques, de leurs arbitrages budgétaires, de leurs façons de consommer et de leurs ressentis au quotidien. « Véritable panorama du devenir de notre société de consommation, ils se recoupent sur certains critères ou diffèrent fondamentalement, mais bousculent irrémédiablement les acquis marketing et invitent à redéfinir les stratégies d’offres de services en France », explique Cécile Gauffriau, directrice de L’Echangeur by Laser (**).
7 styles de vie
– Les seniors isolés (8%) : seuls, ils disposent d’un revenu et d’un patrimoine important.
– Les solos associatifs (17%) : célibataires quinquas et +, urbains et locataires, ils s’accommodent de peu de moyens au quotidien.
– Les seniors prévoyants (26%) : retraités ou proche de la retraite, ils vivent en couple et sont propriétaires.
« Ces 3 familles de seniors vont gonfler leur rang, par le jeu du vieillissement de la population et de l’augmentation de l’espérance de vie », annonce C. Gauffiau.
– Les périurbains crispés (12%) : en famille avec ou sans enfant, ils vivent à la périphérie des villes, sont actifs mais très modestes.
– Les familles bâtisseuses (15%) : rurales de classe moyenne, elles veillent à optimiser leur consommation.
– Les familles émancipées (11%) : avec ou sans enfant, elles témoignent d’une aisance financière supérieure.
– Les jeunes décomplexés (11%) : célibataires, urbains et actifs, ils ont un fort potentiel de consommation. « Ces familles en solo ou en duo, dont le lieu d’implantation est une variable stable, et qui en 2030 seront réduites de plus en plus à un adulte parfois sans enfant », prévient C. Gauffiau.
4 clefs de lecture de la société française mises en avant
– La valeur temps : assimilée à une course, devient de plus en plus centrale dans la prise de décision. En effet, 48% des foyers déclarent subir la contrainte du temps comme source de stress et encore plus à mesure qu’ils sont contraints par l’argent. « Il est viscéral de les aider à optimiser leur temps absorbé par les transports ou autres éloignements ou éclatements de la cellule familiale, avec des options comme les Drive et les comparateurs de prix », décrit C. Gauffriau.
– L’impact des événements petits et grands : 33% des foyers ont connu des ruptures de vie heureuses ou malheureuses dans l’année. « Qu’il s’agisse de mariage, de départ d’un enfant, de la perte d’un emploi, d’un déménagement, d’un décès, de l’arrivée d’un bébé… », insiste C. Gauffriau. « Ces vies dans une vie sont des expériences qui ne cessent d’augmenter et qui fragilisent l’équilibre d’un foyer. Et cette société de plus en plus en mouvement pousse les entreprises à gagner en proximité. De plus, les marques n’ont aucune excuse pour ne pas accompagner leurs clients et les aider à rebondir lors de ces changements. Ces derniers sont en effet, parfaitement traçables, via par exemple, un déménagement qui est un marqueur évident ».
– Le quotidien: 30% des foyers ont une perception décalée- parfois négative parfois positive- de leur niveau d’aisance, par rapport au train de vie réel. Un écart porteur de ré-arbitrages inédits et annonciateur d’une nouvelle façon de consommer. « Ceux qui sont plus riches qu’ils ne pensent, vont être en retrait par rapport au jeu de la consommation, ils vont favoriser les circuits alternatifs (seniors et jeunes) », commente C. Gauffriau. « Ils souffrent du consumérisme et ont conscience de l’appauvrissement de la planète. Ils ne veulent plus être utilisés et s’émancipent. Mais il va falloir à nouveau les impliquer avec de nouveaux codes dans la production car ils sont influents en positif et négatif sur la Toile. Pour les moins riches, ils se sentent piégés et cherchent à faire baisser les prix sans faire évoluer leur comportement. C’est le cas des périurbains crispés, donc il faut alléger le quotidien, simplifier leur vie avec des petits services financiers pour gérer les aléas, rassembler les communautés d’entraide pour améliorer la garde d’enfants ou rendre des loisirs accessibles à leur porte monnaie. ».
– L’influence du digital : si les nouvelles technologies ne posent aucun problème pour 12% des foyers, ce n’est pas le cas pour les 68% partiellement connectés ni pour les 20% qui ne le sont pas du tout. Un niveau d’engagement loin d’être optimisé mais de moins en moins corrélé à l’urbanité et à l’âge. Il devient néanmoins de plus en plus discriminant des styles de vie et des manières de consommer. « L’impression est que tout le monde est super à l’aise et équipé. Mais non », note C. Gauffriau «Certes, il y a les 12%, très agiles et qu’il ne faut pas négliger car ce sont des influenceurs. Mais les autres peu concernés qui ne font que surfer ou discuter avec leurs petits enfants, il faut aller les chercher en générant des services et les coacher pour les aider à arbitrer différemment ». Cependant, ces 4 clefs parmi les 63 autres identifiées par l’observatoire posent d’autres jalons. Ceux d’une société de consommation Service Centric où immatérialité prend le pas sur l’instinct de possession.
L’immatérialité plutôt que l’instinct de possession : une gageure légitime pour les enseignes
« Les familles les plus riches vont avoir besoin de certains types de services dans le luxe », détaille C. Gauffriau « Mais ces services seront d’un tout autre ordre pour les autres familles qui sont tendues et font le dos rond face à l’appauvrissement et la précarité, car les charges contraintes sont bien là : logement, transport, taxes, pouvoir d’achat, augmentation de l’espérance de vie, monoparentalité… Tout a un coût et le particulier n’a plus le choix, sauf celui de dépenser pour posséder ou non ». Et de préférer afficher une réelle envie d’une économie immatérielle mais collaborative (colocation, entraide, aide à la personne…) et d’usages.
Et c’est justement en créant des services marchands ou non, portés par la commodité plutôt qu’en se réorganisant autour du modèle traditionnel de la gestion des stocks, que l’entreprise profitera de cette nouvelle manne. C’est d’autant plus évident que le digital -même si tout ne peut pas passer par ce canal- a ouvert la brèche en grand, en proposant rapidité, communautés élargies, contenu via le VRM, show rooming…
« C’est un mouvement hyper positif, car il milite pour l’innovation et ne met pas l’enseigne dans un périmètre pré-établi », se réjouit C. Gauffriau « le distributeur est tout à fait légitime pour être acteur et promoteur de ce nouveau parcours client qui se fait en dehors du cadre traditionnel du magasin ». Notamment en jouant sur des éléments comme la confiance, la proximité. Ce qui passe néanmoins, par l’obligation de sortir de son core business et du consumérisme primaire. Et déjà le pari de l’innovation fait émerger des modèles 100% gagnants. Comme Facteo, le facteur connecté dont le réseau terrain est transformé en atout services par La Poste. Système U et son service de location d’utilitaires, Carrefour et sa banque si utile aux « shoppeuses », Kia et sa garantie de 7 ans qui l’exempte du discours de fiabilité, Tesco et ses salles destinées aux associations qui combattent l’exclusion, Nissan et sa Smartwatch, véritable copilote du conducteur, Ikea et sa communauté de clients comme modérateur sur la Toile, la SNCF et son co-voiturage à la sortie des trains, Michelin et ses pneus facturés au kilomètre et donc conçus pour durer plus longtemps…
En proposant des services intégrés au produit ou associés à son périmètre, ces nouvelles expériences client sortent de la guerre des prix au profit du lien interactif et d’une relation client réinventée. Mais attention, inutile de les démultiplier, ils doivent être choisis pour éviter des coûts inutiles. Et surtout permettre réellement à l’enseigne de se réapproprier des critères tels que éthique, fidélité, reconnaissance, réassurance, socialisation, prévoyance, facilitateur, modération.
Florence Berthier
visuel : POSTextiles / Jenny Lee
(*)Depuis 1997, plus de 12.000 foyers français sont interviewés par voie postale par TNS Sofres, chaque année pour LaSer. Désormais biennal, l’Observatoire des dynamiques de consommation des Français, l’Access Panel LaSer, recense et analyse plus de 20.000 variables par foyers.
(**)Filiale de LaSer, société de services détenue à parité par le groupe Galeries Lafayette et BNP Paribas Personal Finance. Implantée en Europe, aux USA et en Afrique du Sud, elle a réalisé un CA 2012 de 1,2 md d’euros.