INfluencia : Vous avez pris le poste de DRH de BMW moins de trois mois avant l’apparition des premiers cas de personnes infectées par le Covid-19 en Allemagne. Comment gérez-vous cette crise sans précédent ?
Ilka Horstmeier : Beaucoup par écrans interposés… Même si les membres du conseil d’administration ont continué, pour la plupart du temps, à travailler à partir de leurs bureaux au siège du groupe, nos rendez-vous se faisaient presque exclusivement en visio-conférence. Nous nous trouvons à l’heure où je vous parle à Dubaï pour la remise du Prix de l’innovation interculturelle de l’Alliance des Nations Unies pour les civilisations que nous soutenons depuis dix ans. Ce voyage a été la première occasion pour moi de prendre un vol longue-distance depuis… deux ans.
IN : Comment vous êtes-vous adapté aux mesures de restriction liées à la lutte contre la pandémie ?
I.H. : En étant très flexible et en nous adaptant aux législations locales qui changent beaucoup d’un marché à l’autre. Nous travaillons dans 140 pays, nous employons des personnes de 110 nationalités différentes et nous possédons 30 usines dans le monde. En Allemagne, chaque employé doit, pour l’instant, être vacciné ou testé sur son lieu de travail en présence d’un collègue. Les salariés qui refusent d’appliquer les règles sanitaires sont renvoyés chez eux sans être payés… Il est en effet impossible de télétravailler dans certaines de nos divisions. On ne peut pas assembler une voiture de son domicile…
IN : A quoi ressembleront les bureaux de BMW à l’avenir ?
I.H. : Nous allons devoir transformer nos bureaux afin d’adopter un nouveau modèle. Il n’est plus seulement question d’avoir des bureaux non dédiés et des baby-foot dans nos locaux. Nous faisons cela depuis longtemps déjà. Les bureaux vont devoir devenir hybrides avec des espaces de réunions virtuelles. Nos espaces devront aussi être plus collaboratifs, proposer une excellente nourriture et offrir des services pour le personnel comme le repassage par exemple.
IN : Recruter ne doit pas être simple de nos jours….
I.H. : En effet mais j’ai la chance d’être entourée de personnes très compétentes dans ce domaine. Nous adoptons une approche multimodale. Nous allons de moins en moins dans les universités pour rencontrer des étudiants et les annonces dans la presse ont disparu car tout passe par les réseaux sociaux de nos jours. La digitalisation nous facilite la tâche. Les candidats qui souhaitent nous rejoindre et dont les CV ont été pré-selectionnés par nos équipes peuvent enregistrer de leur domicile une interview qu’ils nous envoient sur internet. Cette technique nous fait gagner beaucoup de temps et les jeunes l’apprécient tout particulièrement. Nous ne nous servons toutefois pas de l’intelligence artificielle pour filtrer les très nombreux CV que nous recevons. Nous n’utilisons pas la technologie pour le seul plaisir de le faire.
IN : Vous restez une des sociétés qui attirent le plus de candidats aujourd’hui…
I.H. : Ce n’est pas la quantité de CV que l’on reçoit qui compte mais la qualité des qualifications des candidats. La jeune génération aujourd’hui ne cherche pas un emploi uniquement pour gagner de l’argent. Elle souhaite rejoindre des entreprises qui contribuent aux grands sujets sociaux, sociétaux et environnementaux. Nous devons donc leur prouver que nous mettons en place des politiques qui vont dans le bon sens. Nous venons ainsi, par exemple, d’installer des tapis de sol recyclables dans près de 4 millions de nos véhicules et nous allons abandonner le cuir chez Mini. Vous devez montrer aux jeunes que vous faites partie des solutions et non pas des problèmes. En dépit du Covid, nous avons ainsi maintenu tous nos programmes de soutien envers les quatre causes que nous aidons et qui sont liées au leadership, à l’éducation, à l’innovation interculturelle ainsi qu’à la culture et aux arts. Chaque année, nous dépensons une enveloppe de 30 millions d’euros pour ces projets.
IN : La transition énergétique, la fin annoncée du diesel et le succès des véhicules électriques représentent un autre challenge important pour votre groupe.
I.H. : Sans aucun doute. Nous avons dû recruter 4000 personnes l’an dernier et nous allons embaucher un nombre équivalent de personnes cette année. Mais pour s’adapter aux changements actuels, une des clés est la formation des employés. Nous dépensons chaque année 300 millions d’euros dans ce domaine.