IN. : Vous venez d’annoncer la création de « Culturall ». Comment est née cette agence autour de l’art et la culture ?
Edouard Auger : D’un vécu, je me passionne depuis des années pour les événements qui hybrident le sujet culturel ou artistique. Quand j’étais chez Havas Events (ex-CEO), j’ai eu l’occasion à plusieurs reprises de faire des mariages intelligents entre les marques et l’art et de la culture soit au travers de partenariats culturels soit de collaborations artistiques et à chaque fois, ces mariages provoquaient du sens et créaient de la valeur. J’ai envie aujourd’hui de me consacrer à cette convergence et association avec l’art et la culture. À titre personnel, j’ai été artiste lyrique ; il faut croire qu’on revient souvent à ses premières amours. Tout ce qui est performatif m’a toujours énormément attiré. Dans la galaxie de l’événementiel, ce sont les événements performatifs qui m’ont toujours parlé le plus, ceux qui mettent en scène des artistes, des plasticiens, du design, de la construction architecturale. L’idée de Culturall est de partir dans un projet qui me passionne, cultive mon expérience, mon réseau et la capacité à concevoir et à accompagner en faisant un pas de côté, celui d’embrasser la sphère de l’art et de la culture pour provoquer du sens, de l’esthétique et de l’émotion, qui sont au cœur de l’impact positif de l’événement.
IN. : Dans Culturall, il y a « all »…
E.A. : Oui, dans l’aboutissement idéal, le projet est d’essayer de faire pour le plus grand nombre, d’où cette marque qui assume le « all » et une volonté de résonance internationale. Mon ambition étant de promouvoir cette expertise ici mais aussi sur d’autres territoires. La démocratisation culturelle n’a jamais été autant au goût du jour, de même que d’embrasser l’art et la culture pour les marques, les territoires et les institutions pour générer une empreinte positive sur la (les) société(s). L’idée est de réussir à faire converger les intérêts économiques avec des projets créatifs déployés pour le plus grand nombre. Et donc d’aider les marques à s’emparer de ces sujets. Les marques de luxe bien sûr n’ont pas attendu Culturall pour se transformer en acteurs culturels de premier rang et cultiver notamment la collaboration artistique. Mais le tissu économique compte de nombreuses industries pour lesquelles le lien et rapport à la sphère culturelle et artistique est plus distant ou moins direct. Et pour lesquelles il y a donc un vrai besoin de médiation culturelle. Ce n’est pas simple de tisser un partenariat avec une institution culturelle quand on n’a pas les codes ou les réseaux. J’ai constaté aussi que de nombreuses entreprises parlent souvent d’art et culture comme une externalité à l’entreprise, qui se voit parfois gérée au niveau d’une fondation qui fait du mécénat. Mon projet n’est pas d’aider une entreprise à créer une fondation, mais de ramener l’art et la culture dans les actions de communication d’une marque. Quand c’est bien fait, cela crée de la valeur et de l’utilité sociale.
IN. : Quelle est votre approche sur un terrain où le monde artistique et culturel peut avoir quelques frilosités envers les entreprises ?
E.A. : Je vais principalement travailler avec des talents qui savent dialoguer avec la sphère artistique culturelle et ont la capacité d’identifier des territoires de jeu et d’expression, de suggérer des idées, de la collaboration et d’aider à l’accompagnement et la mise en œuvre du sujet. Depuis 20 ans, j’ai aussi développé un réseau dans le monde de l’art et la culture constitué de beaucoup de communautés comme celle de la musique ou de l’art contemporain. La collaboration, le choix de l’artiste et l’exigence d’exécution et de réalisation sont essentielles pour favoriser l’acceptabilité d’une marque dans un événement où elle n’est pas forcément attendue et qui n’est pas son univers de référence.
IN. : Havas a lancé, en début d’année, Havas Art & Culture pour créer des rencontres entre les acteurs du monde culturel et les entreprises. Comment allez-vous vous différencier face à cette grande agence ?
E.A. : L’art et la culture est un terrain de jeu assez gigantesque. Beaucoup d’agences pourraient s’emparer de ce sujet, je n’ai aucune inquiétude à imaginer qu’il y a de la place pour tout le monde. À partir du moment où c’est une croyance forte partagée par de nombreux acteurs, c’est qu’il y a une demande et un besoin. Mon expertise repose principalement sur la communication événementielle. Il y a certes un vrai besoin d’accompagnement des marques pour définir quelle pourrait être leur empreinte culturelle mais il y a surtout besoin de les aider dans la mise en œuvre d’actions concrètes et tangibles sur ce sujet.
IN. : Comment définissez-vous votre agence ?
E.A. : Comme une agence événementielle à valeur conseil. Culturall a œuvré à l’organisation et la production exécutive de la 30e commémoration du génocide contre les Tutsi au Rwanda pour le Gouvernement Rwandais, qui s’est tenue le 7 avril dernier à Kigali. Quel privilège d’avoir pu contribuer à la mise en œuvre et au rayonnement d’un événement revêtant une portée symbolique essentielle et universelle : rendre hommage aux victimes, sensibiliser les générations actuelles et futures aux conséquences dévastatrices de la haine ethnique, rechercher la justice et promouvoir la réconciliation et la reconstruction d’une société unie et pacifique. Une scène artistique locale extrêmement talentueuse a été mise à l’honneur à cette occasion, car seule en capacité de pouvoir exprimer avec justesse la représentation artistique et culturelle de leur pays.
IN. : Quel est le modèle de Culturall ?
E.A. : C’est un modèle en capacité de concevoir et produire sur la base d’un réseau constitué de créatifs, curateurs, scénographes, rédacteurs, directeurs de production… J’aime l’idée d’un collectif resserré qui travaille en mode projet. Il y a aujourd’hui une dynamique certainement liée au post covid qui réunit une communauté de free-lance talentueuse, vibrante, indépendante et très entrepreneuse ; cette communauté m’intéresse.
IN. : Vos projets ?
E. A. : Je travaille sur deux appels d’offre, le premier est un dossier parapublic à l’international sur un projet de programmation culturelle, le second est pour une marque premium de dimension internationale.