Substituer des affiches publicitaires dans les rues par des oeuvres d’art contemporain grandeur nature ? Plus qu’un projet utopique ou ubuesque, cette idée est à la raison d’être d’Ôboem, une jeune start-up franco-française. Son objectif : faire de nos espaces urbains des musées à ciel ouvert.
Nous sommes tous victimes de la pollution. Qu’elle soit atmosphérique ou sonore, elle empoisonne régulièrement notre quotidien par ses pics incessants de micro-particules, ou par le brouhaha urbain harassant. Il y en a une autre tout aussi dérangeante : la pollution visuelle. Récemment, l’association Paysage de France et son projet de « Lutte contre la pollution visuelle » mettait en avant les dangers d’une communication extérieure continue sur l’écosystème toulousain. Mais plus que son principe même qui, comme nous vous le disions déjà en 2016, représente un réel enjeu pour l’avenir du marketing, ce sont ses dérives et ses excès qui font tâche. Ils ne cessent de traumatiser les citoyens en quête de » detox publicitaire « . Pour répondre à ce réel enjeu sociétal, deux jeunes entrepreneurs, Olivier Moss et Marie Toni, ont co-fondé Ôboem. L’objectif de cette jeune pousse de l’entrepreneuriat français est simple : acheter comme pour une campagne, des panneaux publicitaires qui envahissent votre quotidien, et » viennent jusque dans vos bras égorger vos fils et vos compagnes « , pour diffuser des oeuvres d’art. Le changement, en plus d’être maintenant, n’a jamais été autant citoyen.
Un leitmotiv collaboratif et citoyen
Pour mettre sur pied leur projet, nos deux start-upper sont partis d’un constat implacable : un individu ne peut en aucun cas s’accomplir exclusivement par la publicité. Il lui faut ce supplément d’âme, d’émotion, seulement transmis par l’art avec un grand A. Dès lors, la solution paraît naturelle. Pourquoi ne pas investir dans des panneaux publicitaires en leur donnant une dimension artistique. En bref, » remplacer le consumérisme par l’inspiration, les désirs superflus par la créativité « . Plutôt que d’ignorer ces supports, les citoyens vont se les réapproprier. Le business model, basé sur le mécénat participatif, est simplissime : chaque personne qui souhaite participer à l’aventure a l’opportunité, via un don minimum de 10 euros sur la plateforme Ôboem , de devenir un de ses mécènes. En fonction du montant de son investissement, elle recevra, pêle-mêle, une des oeuvres en question, dont le format peut aller de la carte postal à la reproduction grandeur nature, et différents goodies tels que des Tote bags ou encore des chevalets.
Que l’idée soit claire : l’objectif n’est absolument pas de quémander mais de vendre du contenu artistique pour ensuite réinjecter les fonds dans l’achat d’espace publicitaire. L’intérêt de l’opération est donc double : à la fois personnel, puisqu’elle nous permet d’acquérir une oeuvre qui nous touche, mais également collectif par le simple fait de pouvoir la retrouver ensuite dans l’espace publique. Les prix d’achat d’espace étant exorbitants, le projet nécessite beaucoup de participants. Mais cette considération économique est loin de constituer un obstacle infranchissable pour les entrepreneurs. Comme l’a démontré le succès de leur 1ère campagne menée à Bordeaux, avec plus de 150 mécènes qui ont permis d’afficher 17 oeuvres sur 70 espaces dédiés, l’idée d’un militantisme culturel et solidaire semble séduire beaucoup de Français.
Ôboem : un esprit de street artist dans un corps de start-upper
Cette volonté de réutiliser les objets du quotidien dans le but de re-questionner nos pratiques et ainsi de re-concevoir notre rapport au monde fait beaucoup penser à la démarche de certains street-artistes. Nous pourrions citer bien évidemment Banksy, qui n’en finit plus de jouer avec ce que George Perec appelait en son temps l’ » infra-ordinaire « , mais également Hogre, qui s’amuse à détourner le sens des affiches publicitaires londoniennes. L’intérêt étant exactement le même que celui d’Ôboem : reprendre le contrôle de notre identité visuelle, permettre aux muséo-phobiques de s’initier et/ou garder contact avec la sphère artistique et donner de la visibilité à de jeunes artistes en devenir.
Ce qui est interessant dans la démarche d’Ôboem, c’est qu’elle n’oppose absolument pas l’art à la publicité. La logique, plutôt que d’être manichéenne, est totalement complémentaire : les deux disciplines, dans l’intérêt des citoyens, vont parfaitement ensemble. Certaines marques ont d’ailleurs bien compris que nous n’étions pas que des consuméristes en nous proposant des affiches publicitaires innovantes et esthétiques, fruit d’une vrai réflexion créatrice. L’exemple de la dernière campagne promotionnelle de Netflix, pour le compte de leur nouveau film » Annihilation « , en est un bon exemple. Pour parler d’une oeuvre qui traite le sujet de la reprise du contrôle de la nature sur l’homme, la plateforme américaine a proposé aux Parisiens des affiches publicitaires littéralement envahies par des vraies plantes. La nouvelle politique culturelle mise en place depuis quelques années par la RATP est également un marqueur évident de cette quête d’un musée à ciel ouvert. Il n’est par rare aujourd’hui de trouver sur les différentes lignes de métro des poèmes, des photographies ou encore des reproductions de toiles de grands maîtres.
Etat des lieux
La campagne d’Ôboem se finit aujourd’hui même à 23h59. Nos deux artistes du quotidien ont déjà atteint leur premier objectif, à hauteur de 5000 euros, mais visent encore plus haut. Beaucoup reste encore à faire, comme par exemple opérer une refonte de leur site internet ou encore recruter plus de personnel. Si vous avez envie de participer à une réelle aventure humaine doublée d’un militantisme artistique, vous savez ce qu’il vous reste à faire : rendez-vous sur Ulule. Vite !