2 mai 2024

Temps de lecture : 2 min

« Hyperconnexion subie » des enfants: les préconisations de la commission écrans

Que faire face à "l'hyperconnexion subie" des enfants ? Un rapport remis mardi à Emmanuel Macron préconise d'interdire l'usage des écrans et des téléphones portables aux plus jeunes et d'en limiter drastiquement l'accès pour les adolescents.

Dans ce rapport d’une centaine de pages, la commission spécialement missionnée en janvier par le chef de l’Etat pour plancher sur cette question, alerte sur « les effets négatifs, directs et indirects, des écrans », notamment sur le sommeil, la sédentarité ou encore la myopie.

Les dix experts de la commission dépeignent les réseaux sociaux comme « facteurs de risque » de dépression ou d’anxiété en cas de « vulnérabilité préexistante », et jugent « alarmant » le niveau d’exposition des enfants à des contenus pornographiques et violents.

A l’heure où l’effet délétère des écrans sur les enfants ne fait pas consensus chez les chercheurs, la commission rappelle que les écrans « ne sont pas à l’origine de troubles du neurodéveloppement ». Mais elle appelle à la « vigilance » pour « éviter l’amplification de symptômes ».

Pour tenter de « reprendre le contrôle », les experts appellent à empêcher tout usage des écrans par des enfants de moins de trois ans, puis un accès « fortement limité » entre trois et six ans, « avec des contenus de qualité éducative, et accompagné par un adulte ».

Pour les téléphones portables, la commission préconise son interdiction jusqu’à 11 ans, et un téléphone sans internet jusqu’à 13 ans. A partir de cet âge, elle propose de donner un smartphone sans accès aux réseaux sociaux, puis d’ouvrir cet accès à partir de 15 ans, uniquement sur des réseaux « éthiques », comme Mastodon ou Bluesky.

 

« Les premiers responsables »

Il faut « limiter autant que possible » l’usage des téléphones portables et des téléviseurs dans les maternités, propose encore la commission, qui voudrait voir interdire les ordinateurs et téléviseurs dans les crèches et les classes maternelles. Elle appelle à des « actions renforcées » auprès des assistantes maternelles.

« Remettons l’outil numérique à sa place: jusqu’à au moins six ans, l’enfant n’a pas besoin d’écran pour se développer » a insisté Servane Mouton, neurologue et co-présidente de la commission, devant la presse à l’Elysée.

« Alors on fait quoi? Il faut réapprendre aux parents à jouer avec leurs enfants », a-t-elle ajouté. « L’enfant a besoin d’interaction, d’être à l’extérieur, de jouer avec ses pairs, de chanter, danser, courir. Il ne faut pas que l’écran écrase ces besoins-là ».

Parallèlement à l’interdiction des écrans à l’école maternelle, la commission déconseille l’équipement individuel en élémentaire. Elle appelle à un encadrement du déploiement d’outils à vocation pédagogique et à une formation des enseignants souhaitant les utiliser.

Mais avant même le rôle des parents et des professionnels de l’éducation, les auteurs du rapport insistent sur l’importance de celui joué par les industriels qui « développent des produits avec des composantes addictogènes ».

« Ce sont eux les premiers responsables, ils jouent sur la captation de l’attention, ce qui conduit à des usages inappropriés et excessifs », souligne Servane Mouton.

 

Les limites des préconisations

Autre préoccupation de la commission, la question des jeux en ligne et le développement des micro-transactions: les experts appellent à une régulation et un plafonnement de la dépense pour un jeu donné.

Le rapport se penche également sur le concept de « technoférence » – l’impact de l’usage des écrans par les adultes en présence des enfants.

« Un parent qui est en train de jouer avec son enfant et qui regarde son téléphone, ou qui est en permanence interrompu, cela perturbe la mise en place de la relation parent-enfant, et peut avoir un retentissement sur le développement socio-émotionnel de l’enfant », déclare Servane Mouton.

Les experts reconnaissent toutefois les limites de leurs préconisations, dont certaines relèvent du champ européen ou encore de la sphère privée.

« Légiférer dans l’espace privé, c’est compliqué, on ne va pas rentrer dans les familles et interdire », relève le psychiatre addictologue Amine Benyamina, co-président de la commission. Mais le rapport se veut avant tout « un guide » qui « pourra être utilisé dans les maisons et dans les espaces communs ».

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