Plus qu’une simple tendance d’écolos illuminés, le mouvement hyper local est bien une lame de fond qui traverse non seulement l’alimentation, mais toute la société de consommation.
D’abord, il y eut la montée en puissance des locavores, ces consomm’acteurs désireux d’agir pour la planète en créant une nouvelle discipline alimentaire, à base d’aliments produits dans un rayon d’environ 200 kilomètres. L’assiette locale retrouvait ainsi du sens, renouait avec les produits de saison, sans les incongruités des cerises à Noël et du bilan carbone catastrophique qu’elles entrainent.
En 2008, le terme « locavore » est entré dans le New Oxford American Dictionary, Google a baptisé le restaurant de son siège « café 150 », toutes les denrées servies étant produites à moins de 150 miles. Et l’affichage du bilan carbone des produits en grande distribution, déjà généralisé en Angleterre, est en voie de généralisation en France.
Plus qu’une simple tendance d’écolos illuminés, le mouvement hyper local est bien une lame de fond qui traverse non seulement l’alimentation, mais toute la société de consommation. Une question de bon sens, en somme, à intégrer comme ligne de conduite, et non comme dogme tyrannique. Tandis que les projets de fermes et cultures urbaines se multiplient aux quatre coins du monde, certaines enseignes ont déjà très bien saisi le potentiel de l’argument local.
Le miel et les abeilles
Tout comme le grand magasin Fortnum&Mason en Grande Bretagne ou l’hôtel Fairmont Royal York de Toronto, les hôtels Pullman (groupe Accor), en partenariat avec l’association Bee my Friend, ont installé une ruche sur le toit de chacun de leurs établissements en France. La production de miel est offerte à la consommation des clients au petit-déjeuner et au sein des bars et restaurants, au gré de la créativité des chefs.
Des glaces made in Manhattan à domicile
A New York, les habitants de Manhattan pouvaient depuis peu retrouver la tradition de la bouteille de lait livrée devant leur porte. Aujourd’hui, une autre entreprise new-yorkaise, MilkMade, développe une offre ultra locale de crèmes glacées livrée à domicile chaque mois, sur inscription. Les membres pourront soumettre leur envies de parfums de glaces, constituées uniquement de produits locaux et bio. Les ingrédients, issus des fermes de la région, sont transformés dans les locaux de l’entreprise, en plein cœur de l’East Village.
Des minibars terroir
De son côté l’hôtel Ace, situé à Portland aux Etats-Unis, a établi un partenariat avec un producteur de spiritueux, House Spirits, afin de fournir ses minibars d’alcools artisanaux locaux. Gin, rhum, whisky ou kits de cocktails, House Spirits met ainsi en valeur les alcools produits à quelques kilomètres de là, et jusqu’alors uniquement vendus dans ses salles de dégustation. En offrant des produits exclusifs et hyper-locaux, l’hôtel ajoute une dimension unique à l’expérience consommateur, tout en soutenant l’économie locale.
Au Royaume-Uni, la chaîne de supermarchés Waitrose ne commercialise plus que des produits laitiers issus de vaches anglaises, sous le label Essential Waitrose, parallèlement aux produits cultivés dans sa propre ferme de Leckford. C’est un engagement supplémentaire envers son réseau de soixante fermes nationales, partenariat qui assure depuis dix ans le développement de bonnes pratiques et des tarifs raisonnables pour les producteurs.
Du petit producteur au distributeur
En Allemagne, une petite exploitation agricole, Peter-und-Paul-Hof, permet aux consommateurs d’accéder à vrai marché de producteurs locaux, 365 jours par an et 24h/24, sous la forme d’un distributeur automatique. La machine, développée en collaboration entre la ferme et le fabricant Stuewer, offre lait frais, charcuterie, beurre, œufs …
En supprimant l’intermédiaire du distributeur, le système permet aux producteurs de rentrer dans leurs frais, tout en facilitant l’accès aux clients, souvent tiraillés entre le choix de la simplicité du supermarché et leur loyauté envers les commerces locaux.
Cette proximité retrouvée, qu’elle ait une dimension durable ou éthique, est surtout un formidable vecteur de récit et d’imaginaire, une façon de renouveler le storytelling des marques, bien mis à mal en ces temps de consommation incrédule et perplexe.
Alexia Soyeux
Création Conseil Dessert