5 décembre 2023

Temps de lecture : 6 min

Cyril Hanouna et Complément d’Enquête, la guerre ne fait elle que commencer ?

L'émission tant attendue de Complément d'enquête dédiée à Cyril Hanouna a réalisé, lors de sa diffusion jeudi dernier, un carton d'audience en attirant plus de 3 millions de téléspectateurs. Ce qui devait être le dénouement d'une longue polémique entre le magazine de France 2 et le puissant animateur-producteur de 49 ans ne devrait finalement être que le début d'une longue bataille judiciaire et/ou médiatique entre les principaux intéressés...

L’affaire couvait depuis le début de l’année, tout le monde s’attendait à ce qu’elle rende son verdict la semaine dernière… mais il semblerait finalement que le feuilleton médiatique nous tienne en haleine un bon bout de temps. Depuis plusieurs mois, Complément d’enquête, le magazine d’investigation de France 2, préparait une émission spéciale sur Cyril Hanouna. Fin janvier, quelques jours à peine après la première demande d’interview émise par la rédaction à son encontre, le présentateur/producteur star de Touche pas à mon poste lui-même évoquait fièrement l’enquête qui lui serait bientôt consacrée. Le tout sous une pluie d’applaudissements de sa cour de chroniqueurs.

 

 

Mais au fil des mois, « de nos coups de téléphone, de nos tournages et de nos interviews », comme l’explique la voix off de l’émission finalement diffusée ce jeudi 30 novembre, l’ambiance a rapidement tourné au vinaigre. Dans un épisode de TPMP diffusé fin mai, le « nouveau parrain du paf » ne s’embarrassait plus d’aucune ambiguïté : « Je vais vous dire la vérité, ce Complément d’enquête, et je vous le dis ce soir, vous allez voir… ils vont le faire et ce sera la fin de Complément d’enquête ». Avant de conclure, sûr de lui : « Je vais mettre mon nez dedans et vous savez que quand je mets mon nez quelque part, je fais souvent tout péter ». Une ultime mise en garde à laquelle Tristan Waleckx, l’animateur de l’émission, avait répondu, sur les réseaux sociaux, qu’il serait ravi de pouvoir s’entretenir avec lui, et qu’une première demande d’interview était restée lettre morte.

Alors pour tenter de combler les zones d’ombre, l’équipe de France TV s’est entretenue avec 250 personnes, dont 32 collaborateurs directs du « bouffon devenu roi« . D’anciens chroniqueurs et techniciens de l’émission en passant par l’homme d’affaires Arnaud Lagardère – l’un des premiers à lui avoir donné sa chance en lui confiant la matinale de Virgin Radio en 2011 –, en passant par le rappeur Booba – nouvel ennemi en date de l’animateur –. Tout le petit monde des médias y est passé… Un travail de sape nécessaire quand on tente d’esquisser le portrait d’une des personnalités médiatiques les plus « secrètes » de France.

 

 

L’heure des comptes

Alors oui, comme le principal intéressé l’avait prédit : ils l’ont fait. Après quasiment un an de ce qui aura été « l’enquête la plus compliquée » de sa carrière, Virginie Vilar, la journaliste aux manettes, et ses équipes, composées de Guillaume Beaufils, Guillaume Couderc, Brice le Borgne et Karim Annette, ont pu – enfin – rendre compte de leur travail. Mais pour quels résultats ? Ce qui frappe directement en regardant leur reportage est le climat de terreur qui sévirait sur le plateau de TPMP. La rédaction de Complément d’enquête évoquant carrément une « ambiance toxique » perpétrée par un patron « tyrannique ». Une « source majeure » de l’enquête l’associe même à un « gourou » qui manipulerait ses employés et les obligerait à rester contre leur gré en leur faisant croire que « personne d’autre » dans le milieu ne voudrait d’eux.

Preuve de sa main mise sur ses collaborateurs, le reportage revient sur l’importance de la distribution des rôles des chroniqueurs sur le plateau. On évoquera notamment celui du copilote, que Hanouna place toujours à sa droite, celui de « la belle jeune femme » utilisée comme « potiche » qui apparaitra toujours dans le cadre ou encore celui de « l’homosexuel humilié » qu’aura occupé Mathieu Delormeau pendant de nombreuses années. La star de C8 aurait donc asservi depuis longtemps sa bande de « copains ». Complément d’enquête l’affirme, ces derniers n’hésitent plus à trahir leurs opinions politiques en répétant mot pour mot les éléments de langage qui leur ont été dictés en coulisses, dans l’unique objectif de créer des clashs à l’antenne. De quoi laisser penser que l’émission serait presque entièrement scriptée à l’avance.

 

 

Si aucun d’entre eux ne corrobore l’idée d’un management aussi brutal qu’horizontal – Valérie Bénaïm, une de ses chroniqueuses stars, préférant même évoquer « une grande famille » où « l’on peut se parler ouvertement, comme lors d’un repas chez son beau-frère » – deux personnalités extérieures à l’émission s’en chargent volontiers. Tout d’abord, l’humoriste et journaliste Julien Cazarre qui affirme avoir été violemment menacé par Hanouna au téléphone après avoir refusé de collaborer avec lui, mais surtout l’ancien présentateur Michael Zazoun qui officiait par le passé au sein d’une émission radio produite, on vous le donne en mille, par Hanouna lui-même.

Il explique ainsi avoir fait l’objet de remarques ouvertement homophobes de la part de son patron qui aurait avoué – et vous nous excuserez de la cruauté des termes employés – ne pas vouloir le re-signer parce que « c’est un pédé et que les pédés ça finit toujours par t’enculer ». Comme le révèle Virginie Vilar, ce genre de formules fleuries « c’est aussi le style Hanouna ». Après avoir dénoncé ces propos sur Facebook, Michael Zazoun recevra des dizaines d’appels homophobes anonymes dont l’auteur, comme lui apprendra plus tard la police, n’était autre… qu’Esther Hanouna, la mère du présentateur. Cela ne s’invente pas.

« Baba » le multimillionaire

Dans un second temps, les journalistes n’hésitent pas à écorner l’image de l’« homme proche de son public » que Cyril Hanouna s’est efforcé d’entretenir depuis une dizaine d’année. Ils révèlent ainsi que sa fortune globale s’élèverait à 85 millions d’euros – hors patrimoine immobilier –. Des chiffres astronomiques qui restent difficiles à prouver, il faut l’avouer… au contraire de la luxueuse villa cannoise que possède officiellement l’animateur, tout comme le yacht Lamborghini qu’il s’est offert récemment contre un chèque de trois millions d’euros. L’un des trois bateaux de luxe que compterait sa flotte.

 

 

Une mise en scène grotesque

Cependant, l’une des plus grosses polémiques abordées par l’enquête de France 2 reste certainement la séquence dite de « la Brav-M », diffusée à l’occasion des manifestations contre la réforme des retraites. Plusieurs policiers masqués, qui avaient été préalablement teasés comme faisant partie de la brigade de répression de l’action violente motorisée, étaient venus témoigner sur TPMP de leur conditions de travail. Le soir-même de la diffusion, la préfecture de police annonçait qu’aucun de ces hommes n’étaient en réalité membres de la Brav-M et qu’elle avait décidé d’ouvrir une enquête pour faire le point sur toute cette histoire. On apprendra rapidement que certains d’entre eux ne faisaient même plus partie de la police au moment de l’enregistrement.

Cédric Vladimir, l’un des quatre policiers interviewés par Cyril Hanouna, finit par révéler à la journaliste de Complément d’Enquête qu’ils ont été dupé par la production de TPMP, parfaitement informée de leur grade et de leur statut. Pour étayer ses propos, il dévoile son échange écrit avec la programmatrice de C8 au cours duquel il l’informait des conséquences judiciaires qu’encourrait sa chaîne si son présentateur s’entêtait à les présenter comme faisant partie de la Brav-M… sans succès.

 

 

Que dit l’Arcom dans tout ça

Autant de polémiques qui ont conduit l’émission de Cyril Hanouna – Complément d’enquête ne se prive pas de le rappeler – à être sévèrement réprimandée par l’Arcom ces dernières années. Le 9 février dernier, par exemple, l’ex-CSA condamnait C8 à une amende de 3,5 millions d’euros suite à la violente altercation qui avait éclaté sur le plateau entre le député insoumis Louis Boyard et Cyril Hanouna. L’élu s’était « permis » de critiquer Vincent Bolloré, propriétaire du groupe Canal+, dont fait partie C8, ce qui lui avait valu, en retour, d’être qualifié d’ « abruti », de « tocard » et de « merde » par l’animateur. Des déboires avec le « gendarme de l’audiovisuel » qui en rappellent d’autres : selon un décompte de L’Informé, les émissions de Cyril Hanouna ont valu à C8 un total de 23 réprimandes depuis 2012, dont 7 mises en garde, 8 mises en demeure et 8 sanctions.

Toujours prompt à se défendre, Cyril Hanouna orchestre déjà sa contre-attaque. Jacques Cardoze, qui officie en tant que chroniqueur de TPMP depuis la rentrée et ancien présentateur de Complément d’enquête, a récemment annoncé qu’il préparait pour début 2024 un contre-documentaire sur son ancienne maison qu’il d’être devenu « politisée » à gauche. Le soir même de la diffusion du Complément d’enquête – le vrai cette fois –, Cyril Hanouna annonçait posséder « du très, très lourd » à l’encontre de l’émission du service public :

« Je le dis à France Télévisions, ils n’auraient pas dû. Ils ont fait une enquête un petit peu bâclée où il n’y a rien dedans ». Avant de conclure d’un énigmatique : « Le problème, c’est que nous, on a déjà commencé à chercher sur « Complément d’enquête » et sur France Télévisions. Et on n’a pas mis longtemps à trouver. Quand ça va tomber, ça va être plus compliqué que ce qui va se passer pour nous ce soir. J’ai peur que ça tremble un petit peu dans la tour de France Télé ». Affaire à suivre… on s’en délecterait presque.

 

 

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