INfluencia : le Groupe M6 vient de présenter sa nouvelle plateforme de streaming M6+, qui sera lancée avant l’Euro 2024. Dans quel contexte a-t-elle été construite et avec quels objectifs ?
Hortense Thomine-Desmazures : le lancement de M6+, qui sera effectif autour de la mi-mai, s’inscrit dans la continuité de la transformation digitale du groupe, déjà pionnier dans le lancement de la catch-up, de l’offre data, sur la télévision segmentée… Nous voulons garder ce temps d’avance par rapport à nos concurrents. TF1 a lancé TF1+ début janvier et c’est une très bonne nouvelle. Cela dynamise le marché du streaming sur lequel nous avons tous de fortes ambitions. Ce lancement arrive aussi dans un contexte où beaucoup d’acteurs nous ont rejoints d’un point de vue publicitaire et usage sur la vidéo. Ce marché est devenu assez complexe avec des audiences fragmentées. Le grand enjeu avec M6+ consiste à renforcer notre activité de streaming, qui fonctionne déjà sur des fondamentaux très solides et que l’on souhaite enrichir. Nous voulons doubler la consommation de programmes en ligne pour passer des 518 millions d’heures consommées sur 6play par an à un milliard d’heures, et tripler les revenus issus du streaming d’ici 2028.
L’objectif de M6+ est de passer à un milliard d’heures consommées par an et de tripler les revenus du streaming d’ici 2028
IN : sur quels bénéfices pour le téléspectateur et les annonceurs comptez-vous pour y arriver ?
H.T-D. : l’offre sera beaucoup plus puissante, avec un volume de programmes multiplié par deux, soit 30 000 heures disponibles dans l’année, dont 10 000 heures exclusives. Selon les genres, le catalogue est multiplié par deux ou par trois : de 190 à 300 pour les films, de 170 à 320 pour les séries… Des contenus seront produits spécifiquement pour M6+, comme une édition limitée du jeu Les Traîtres avec des influenceurs, lancée à la rentrée et exclusivement réservée à M6+. Elle sera surtout accessible pour tous et permettra de toucher de nouveaux téléspectateurs. Nous étions jusqu’à présent limités par nos accords de distribution, notamment pour un déploiement de 6play sur l’écran de télé, qui est l’écran roi en termes d’expérience consommateur et d’attente publicitaire. Cette stratégie d’hyper distribution permettra aussi de répondre à un enjeu essentiel pour les marques : émerger au sein d’un environnement vidéo devenu très complexe entre les acteurs payants qui arrivent sur le modèle gratuit, YouTube qui se lance sur l’écran de télévision… Ils attendent qu’on leur propose des carrefours d’audience très puissants mais aussi complémentaires de la télévision pour aller chercher une couverture incrémentale.
M6+ sera présente au lancement sur 95% des téléviseurs connectés et référencée en home page sur les téléviseurs sous Android
IN : sur quels nouveaux univers par exemple ?
H.T-D. : en gratuit, 6play était jusqu’à présent disponible en OTT sur mobile et PC avec des utilisateurs 100 % logués, et sur tous les environnements des box opérateurs (Orange, Free, Bouygues Telecom, SFR et Canal+, ndlr). Les nouveaux accords avec les opérateurs permettront d’avoir des données plus précises et d’affiner le ciblage. Progressivement, il sera possible de réconcilier les informations de visionnage sur compte OTT et la box de l’usager. Le visionnage pourra être repris sur un autre écran là où il s’était arrêté. D’un point de vue publicitaire, nous aurons des informations beaucoup plus précises sur le profil utilisateur. Grâce aux discussions avec les constructeurs de téléviseurs, M6+ sera très visible dans les bandeaux d’applis de Samsung, LG, Philips…, sur Google TV, Fire TV, Apple TV. Elle sera présente au lancement sur 95 % des téléviseurs connectés et référencée en home page sur les téléviseurs sous Android. Exister pleinement dans ces environnements est un atout considérable pour avoir une couverture beaucoup plus importante et aussi cibler des utilisateurs au profil plus jeune et plus CSP+, qui intéressent beaucoup nos annonceurs.
IN : quelles innovations seront proposée en termes d’expérience utilisateur ?
H.T-D. : de nouvelles fonctionnalités ont été développées avec notre partenaire Bedrock (filiale technologique de RTL Group et du Groupe M6, ndlr). Le moteur de recherche basé sur l’intelligence artificielle est un gros projet technologique qui arrivera très vite. La recommandation se basera sur la consommation de l’utilisateur pour affiner sa recherche ou sur la question qu’il posera sur la barre de recherche en langage naturel. Il sera aussi possible de retrouver un moment précis dans le programme. Un player interactif sera disponible pour l’Euro avec une fan experience complètement interactive intégrant de la data visualisation, des informations, des jeux… Il pourra ensuite être développé sur d’autres programmes, ce qui nous distinguera de nos concurrents. Nous serons aussi en HD partout en gratuit, alors que la HD était jusqu’à présent réservée à nos abonnés payants. C’est vraiment important en termes d’expérience et c’est un point sur lequel nous nous battions depuis longtemps. Autre point qui nous est spécifique sur le marché français : M6+ intégrera aussi une offre de 1000 podcasts sélectionnés au sein du pôle radio du groupe M6, de l’offre Gulli et de partenaires. Nous nous sommes inspirés de ce que fait notre homologue RTL+ en Allemagne. Il ne s’agit pas de faire de M6+ une plateforme audio mais de favoriser la découvrabilité, d’enrichir la typologie de contenus et de renforcer l’engagement de nos utilisateurs.
Un player interactif sera disponible sur M6+ pour l’Euro avec une fan experience complètement interactive et sera ensuite développé sur d’autres programmes, ce qui nous distinguera de nos concurrents
IN : la durée des droits est un élément clé de la découvrabilité de l’offre. Comment va-t-elle évoluer ?
H.T-D. : une mise à disposition de 30 jours sera un minimum sur tous les écrans mais, en moyenne, on sera plutôt à 12 mois. Là aussi, c’est un grand écart par rapport à ce que l’on propose aujourd’hui, qui est plutôt à 7 jours en OTT, les droits plus longs étant réservés à l’univers opérateur ou à notre version payante 6play max.
IN : comment comptez-vous réussir à tripler d’ici 2028 les revenus issus du streaming ?
H.T-D. : la régie veut amplifier la proposition de valeur avec une offre digitale encore plus puissante et complémentaire à la télévision et un ciblage qui revalorisera le niveau des CPM de nos inventaires. Nous allons amplifier notre offre retail media grâce à un nouveau partenariat avec Valiuz, qui va nous permettre d’activer la data d’Auchan, en plus de celle de Carrefour sur laquelle nous travaillons déjà avec unlimitail. Nous proposerons alors l’offre retail media la plus puissante au sein de l’univers broadcast. Nous avons aussi un important chantier d’optimisation de la qualité et des scores d’exposition publicitaire des campagnes. Le lancement de M6+ s’accompagnera de la publication d’un cahier des charges très précis pour limiter le nombre de pré-rolls, de coupures publicitaires, proposer un capping annonceur… Nous allons prendre des engagements en ce sens grâce à un partenariat avec xpln.ai. La revalorisation des CPM ne se fera pas automatiquement mais passera par plus de data, par une expérience publicitaire optimisée et de nouveaux formats.
On voit déjà une curiosité et une attractivité des marques autour de M6+, avec plusieurs annonceurs qui souhaitent se positionner sur l’offre de lancement
IN : quel nouveaux formats publicitaires ont été créés pour accompagner le lancement de M6+ ?
H.T-D. : Nous allons expérimenter sur la plateforme des formats Stories, issus des réseaux sociaux, qui seront un nouveau terrain de jeu pour les marques. Des contenus produits ou reformatés dans des objectifs de promotion sur les réseaux sociaux seront réutilisés et exploités au sein de M6+. Le format 6break sera aussi exploité sur les téléviseurs connectés. Comme nous aurons beaucoup plus de contenus 100 % digitaux, nous pourrons mettre en place des sponsorings 100 % digitaux. Nous échangeons depuis déjà quelque temps sur l’arrivée de M6+. Nous sommes très attendus sur la puissance et le déploiement sur les écrans de télé. On voit déjà une curiosité et une attractivité avec plusieurs annonceurs qui souhaitent se positionner sur l’offre de lancement, qui sera réservée à six ou sept marques.
C’est très positif que M6 et TF1 soient tous les deux dans cette même dynamique sur le streaming gratuit
IN : M6+ arrive avec un décalage de quelques mois par rapport à TF1+. France Télévisions a aussi beaucoup investi dans le renforcement de france.tv. Cette montée en puissance des diffuseurs gratuits est-elle stimulante ou source d’une concurrence accrue ?
H.T-D. : M6+ se lance quelques mois après TF1+ mais, sur chaque élément, on a le sentiment d’aller un peu plus loin. On verra comment évoluent les offres des uns et des autres car nous avons tous des ambitions fortes. C’est très positif qu’avec TF1 nous soyons tous les deux dans cette même dynamique. Le choix de la marque M6+ permet une association immédiate au streaming puisque le + est devenu un sigle normatif dans cette industrie. Notre actionnaire avait d’ailleurs lancé RTL+ dès 2021. Cela nous permet aussi de mettre la marque M6 au cœur de notre stratégie streaming et nous permet d’accélérer dans notre stratégie AVOD. Nous sommes assez sereins sur les années à venir.