H&M adopte l’IA générative : la mode sous influence (artificielle)
Alors que l’intelligence artificielle générative connaît une avancée spectaculaire avec la récente mise à jour de ChatGPT, H&M annonce l’utilisation de clones numériques de mannequins pour ses campagnes publicitaires. Une initiative qui soulève des questions sur l’avenir des industries créatives et l’impact sur l’emploi.
Le 25 mars dernier — c’est tout récent —, OpenAI a déployé une mise à jour majeure de ChatGPT qui perfectionne son modèle GPT-4o de manière… spectaculaire. Cette version optimise l’intelligence artificielle en lui offrant des capacités multimodales exceptionnelles, fusionnant voix, texte, image et vidéo pour une expérience utilisateur décuplée. Plus rapide, plus intuitive, plus accessible, GPT-4o s’impose comme un tournant technologique.
Cette avancée a suscité une vague d’enthousiasme sur les réseaux sociaux, où les utilisateurs partagent massivement les prouesses créatives rendues possibles par cette technologie. Dans ce contexte d’innovation rapide, H&M, le géant suédois de la mode, a annoncé son intention d’utiliser des clones numériques de trente de ses mannequins, générés par l’entreprise technologique Uncut. Ces avatars virtuels seront intégrés aux campagnes publicitaires et aux contenus diffusés sur les réseaux sociaux tout au long de l’année. Jörgen Andersson, directeur créatif de H&M, explique : “Nous sommes curieux d’explorer comment présenter notre mode de manière nouvelle et créative, en tirant parti des avantages des nouvelles technologies, tout en restant fidèles à notre engagement envers le style personnel ».
Des réactions partagées au sein de l’industrie
Cette initiative audacieuse suscite des réactions contrastées. Certaines mannequins y voient une opportunité. Mathilda Gvarliani, par exemple, commente à propos de son clone numérique : “Elle est comme moi, mais sans le décalage horaire.” De son côté, Yar Aguer souligne que cette technologie lui permettra d’être présente en plusieurs endroits simultanément, réduisant ainsi la fatigue et les retards. “Enfin, je pourrai être à New York et à Tokyo le même jour”, s’enthousiasme-t-elle.
Cependant, d’autres voix s’élèvent pour exprimer des réserves. La mannequin Morgan Riddle critique cette décision de H&M, déclarant : “Reposez en paix tous les emplois sur les plateaux de tournage que cela éliminera.” Elle ajoute : “Sans âme, art, créativité et humains, la mode n’est que du tissu.” Pour elle, cette transition vers le tout-numérique menace non seulement l’emploi, mais aussi l’essence même de l’industrie : son ancrage dans l’émotion, l’imperfection et la spontanéité humaine. Une vision partagée par de nombreux professionnels de l’image, qui redoutent une standardisation des visuels et une perte de singularité artistique dans les campagnes de demain.
Créativité assistée : l’IA redéfinit les rôles dans les métiers visuels
L’adoption rapide de l’IA générative dans des secteurs traditionnellement dominés par la créativité humaine interpelle. En effet, l’intégration croissante de l’IA générative bouleverse les fondations mêmes des métiers créatifs, notamment ceux liés à l’image : photographes, stylistes, graphistes, mannequins, réalisateurs de campagnes, monteurs ou encore directeurs artistiques. Là où ces talents étaient auparavant indispensables à chaque étape d’un projet visuel, une IA bien entraînée peut aujourd’hui générer en quelques secondes des visuels professionnels à partir de simples instructions textuelles.
Une analyse de l’Organisation internationale du travail (OIT), publiée en septembre 2024, souligne que si l’IA ne remplace pas nécessairement les professions dans leur ensemble, elle redéfinit en profondeur les tâches au cœur de nombreux métiers, en particulier dans les secteurs créatifs. La conséquence directe, selon l’OIT, est une pression croissante sur les travailleurs pour qu’ils développent des compétences hybrides, mêlant créativité humaine et maîtrise des outils algorithmiques.
Sommes-nous prêts pour cette révolution technologique ?
Un constat renforcé par une étude de Roland Berger (2023), qui estimait que près de 9 % des emplois en France sont directement menacés par l’automatisation via l’IA générative — une proportion bien plus élevée dans les domaines à forte composante visuelle. Pourtant, ce même rapport précise que 15 % des métiers pourraient en sortir valorisés… à condition d’accompagner cette transition par une requalification massive. Autrement dit : ceux qui sauront manier la machine sans se faire écraser par elle pourront sans doute en tirer de nouveaux avantages compétitifs.
Ainsi, la question demeure : sommes-nous prêts à embrasser pleinement cette transformation, avec les opportunités qu’elle offre et les défis qu’elle impose ? L’avenir des industries créatives dépendra de notre capacité à intégrer ces technologies de manière éthique et équilibrée, en préservant la valeur irremplaçable de la créativité humaine.