Dans la pub et le marketing, l’humour est une arme d’engagement massif à manier avec subtilité et précaution. Sur Twitter, elle peut faire très mal. les marques qui ratent leur coup prennent son retour en pleine pomme. Avec sa campagne #thatsucks, Samsung UK marche sur des œufs et livre quelques enseignements empiriques.
L’adage est signé Bill Bembach, pas de nous : « Si personne ne remarque votre pub, tout le reste n’est que théorie. » Le postulat du fondateur de DDB n’a pas pris une ride. Sa cure de jouvence ? La créativité des campagnes sociales de marketing en temps réel. Dans la guéguerre publicitaire à l’attention, l’humour est une carte digitale à double tranchant. Samsung UK en apporte une énième preuve avec une campagne Twitter à risque, #thatsucks.
En expliquant l’été dernier dans INfluencia les fondations du Twitter News Network, l’analyste Brian Solis mettait en exergue l’avènement du journalisme citoyen. Dans un élan métaphorique inspiré de La Fontaine, nous pourrions dire que quand l’oiseau bleu gazouille sur l’arbre, les marques jabotent sur l’autre branche ! Qu’il serve de fil d’agence de presse ou de télécommande pour Social TV, le TNN constitue un terreau fertile pour du marketing subtil en temps réel.
Les marques aiment y interpeller les consommateurs et renforcer leur engagement avec le citoyen connecté. Pour promouvoir le dernier-né de ses aspirateurs, Samsung UK ose les jeux de mots et l’humour de café-théâtre pour prendre Twitter à témoin. « #thatsucks quand la batterie de votre téléphone meurt alors que vous êtes en train d’écrire un tweet ». Si cela vous fait sourire, alors peut-être aimerez-vous aussi cette autre vanne : « quand vous essayez de calmer votre stress en imaginant votre public dénudé, mais réalisez que vous êtes devant une association de naturistes #thatsucks. » Jean Roucas, sors de ce corps !
Le niveau des posts de #thatsucks fleure bon la blague Carambar, récemment exportée par Fred&Farid aux Etats-Unis. Traduit dans la langue de Molière, le hashtag choisi par Samsung UK donne le ton de la campagne : « ça craint » ou « ça pue », au choix. Aux manettes de ce pari risqué, les agences Cheil et ThatLot, fondée l’année dernière par l’humoriste anglais David Schneider. Leur ambition est assumée : développer une personnalité plus forte pour la marque en acceptant de susciter la moquerie et les critiques des pourfendeurs.
Le copywriter, un talent de plus en plus prisé
Des mastodontes comme Qantas, McDonald’s et Vodafone ont subi des échecs retentissants sur Twitter, la faute à un hashtag ambigu, une ironie mal sentie ou une maladresse politiquement incorrecte. Faire de l’humour en temps réel sur Twitter en s’adressant directement aux utilisateurs est un exercice quasi chirurgical. Responsable des réseaux sociaux chez Cheil, Jonathon Buckley l’avoue dans Digiday : « Il s’agit avant tout de savoir ce qu’il est possible de dire ou non. Sur les sujets plus délicats, nous nous reposons sur une bonne communication, un travail d’équipe et une formation juridique efficace. »
Dans un entretien publié sur le blog de ThatLot, David Schneider révèle lui aussi une partie de la stratégie derrière la campagne #thatsucks. « Il faut des posts courts et humains. Si une marque atteint un très haut niveau de retweets, alors ce sont les gens qui gratuitement portent son message sur la Toile. » Et l’humour est-il le meilleur levier de retweet ? « Plus que tout autre chose, oui », répond David Schneider.
Dans son étude « A little book of curiosity », l’université UM de Londres lui donne raison. Ses recherches montrent que les Britanniques sont plus susceptibles de partager le message d’une marque si le contenu est humoristique. La valeur ajoutée des copywriters talentueux n’a peut-être donc jamais été aussi importante. Un bon auteur peut façonner la personnalité d’une marque.
Avec quelque 10 milliards d’euros de budget marketing et pub en 2013, Samsung peut se payer le luxe de l’audace. La multinationale sud-coréenne est coutumière d’opérations sensationnelles, comme en piégeant des chalands de Cap Town pour leur vanter les mérites de son lave-vaisselle, ou en initiant des promeneurs du lac de Zuirch au selfie sous marin, dans le cadre de la campagne Samsung First Touch. Ou bien encore en bloquant votre smartphone pour lutter contre la distraction au volant. Attention cependant à ne pas en faire trop. Ne dit-on pas que les plaisanteries les plus courtes sont les meilleures ?
Benjamin Adler / @BenjaminAdlerLA
Sur Twitter, la campagne bat son plein