C’est la star du polar, le premier auteur à avoir reçu trois des récompenses majeures de la littérature policière aux états-unis : le prix Edgar-Allan-Poe, et les Shamus et Anthony Awards. Pour la première fois, l’un de ses opus est adapté à la télévision. Harlan Coben pose les armes.
INfluencia : comment êtes-vous tombé amoureux de l’écriture ?
Harlan Coben : comment démarre-t-on une passion ? Quelque chose en vous dit : « Essaie ! » Puis vous l’avez dans le sang et vous ne pouvez plus vous en débarrasser. Waouh ! J’en parle comme si c’était une dose d’héroïne ! Ce n’en est pas, mais cela peut être addictif.
IN : quand et où écrivez-vous ?
HC : n’importe où et n’importe quand. La plupart des écrivains ont besoin d’un endroit spécifique ou d’un bureau, ou encore d’horaires précis. Pas moi. Je peux écrire n’importe où, et je n’ai pas besoin de calme non plus. J’aime bien un bruit de fond au contraire, comme dans les cafés, en avion.
IN : Adolescent, qui étaient vos modèles ?
HC : lorsque j’étais jeune, je voulais être joueur professionnel de basket, donc en fait mes modèles étaient surtout des joueurs du Boston Celtics (une franchise de basket-ball de la NBA basée à Boston, Massachusetts, ndlr) ! I
IN : alors quels livres, écrivains, idées vous ont influencé le plus ?
HC : le plus rapide serait de vous dire ce qui ne m’a pas influencé ! Les livres et les écrivains sont peut-être évidents, mais plein d’artistes différents m’ont également touché : Woody Allen, Bruce Springsteen, Alfred Hitchcock, Edward Hopper pour ne nommer qu’eux. D’ailleurs, en fait, les grands artistes ne m’influencent pas autant qu’ils m’inspirent. Quand je lis un bon livre, que j’écoute une belle chanson, que je regarde un grand film ou contemple un beau tableau, je veux que mes lecteurs, quand ils me lisent, éprouvent le sentiment qui m’a fait palpiter, cela me fait travailler encore plus dur.
IN : quels sont vos écrivains favoris ?
HC : j’en aurais trop à vous citer, et la réponse ne cesse d’évoluer ! Mais s’il n’y en avait qu’un, ce serait Philip Roth.
IN : éprouvez-vous autant de plaisir à écrire de la fiction qu’à vos débuts ?
HC : Dorothy Parker a dit : « Je n’aime pas écrire, j’aime avoir écrit. » J’adore cette citation ! Le processus de l’écriture n’est pas une partie de plaisir, mais le résultat final l’est. Je pense que c’est le cas pour la plupart des choses dans la vie qui méritent d’être faites. On se dit qu’on va avoir plaisir à construire une maison : mais passer la journée à donner des coups de marteau et à scier pour qu’à la tombée de la nuit la maison ne soit pas terminée, a-t-on finalement réellement pris plaisir à faire tout ça ? C’est ça la création. Oui, j’aime toujours écrire. J’aime quand je passe à côté de quelqu’un qui est en train de lire mon livre ou quand j’entends quelqu’un raconter comment l’histoire l’a tenu éveillé toute une nuit. Quand ce ne sera plus un plaisir, j’arrêterai d’écrire.
IN : pouvez-vous nous décrire une journée type d’écriture ? Avez-vous des habitudes ?
HC : mon habitude est… de ne pas en avoir. J’écris. Si écrire la nuit marche, j’écris la nuit, jusqu’à ce que cela ne fonctionne plus. Alors je trouve quelque chose d’autre. Je n’ai pas de rituel.
IN : où trouvez-vous vos idées ?
HC : je suis en train d’écrire mon vingt-huitième roman. Les idées me sont venues de vingt-huit façons différentes ! Il faut laisser son esprit ouvert. Être curieux et constamment se demander : « Et si… ? »
IN : vous avez écrit des séries et des thrillers autonomes. Que préférez-vous ? Leur conception est-elle différente ?
HC : je n’ai pas de préférence. Je commence avec une idée. Ensuite, je me demande qui va raconter l’histoire. Si la réponse est Myron Bolitar (héros récurrent de ses romans, un agent sportif et ancien du FBI qui se retrouve souvent mêlé à des histoires louches autour du sport et de sa mafia, ndlr), alors ce sera lui, et cette histoire fera partie de la série. Si ce n’est pas le cas, il faudra que je trouve quelqu’un d’autre, et ce sera un livre indépendant. C’est aussi simple que cela.
IN : certains auteurs planifient méticuleusement leurs histoires, d’autres posent tout simplement le stylo sur la page et commencent à écrire. Lequel êtes-vous ?
HC : je suis un peu des deux. Je connais le début de mon voyage. Je sais où il va aboutir. J’en connais quelques étapes, mais c’est tout.
IN : comment vient le titre d’un livre ?
HC : la plupart du temps, ce n’est pas moi qui le choisis. J’ai peut-être trouvé le titre de cinq ou dix de mes romans. Souvent un ami, un parent ou l’éditeur fait une suggestion. Et parfois le titre en français est très différent du titre anglais. Je laisse cette décision à mon éditeur français Belfond. Je ne suis pas doué pour ça.
IN : pourquoi avoir choisi la france pour la première adaptation t.v. d’un de vos livres, no second chance, qui sera diffusée sur TF1. Vous en aviez jusqu’alors refusé l’idée.
HC : j’aime la sensibilité française pour mes histoires, sans savoir exactement pourquoi. C’est juste un bon mix. Je pense que c’est ce qui a fait de Tell No One (Ne le dis à personne, adapté par Guillaume Canet en 2006 au cinéma, ndlr) un bon film, ce mélange de mon histoire de crime américain, et du regard et de la caméra français. J’ai pensé que nous pourrions reproduire ce résultat pour la télévision avec No Second Chance (« Une chance de trop »), mais je ne m’attendais pas à ce que cela marche aussi bien. Je fonctionne à l’instinct. Quand j’ai rencontré Guillaume Canet, j’ai eu un bon feeling. Quand j’ai fait la connaissance de Sydney Gallonde, le jeune producteur de la série télé, j’ai eu ce même feeling. Maintenant que j’ai vu les six épisodes de « Une chance de trop », je suis plus excité que jamais. J’ai vraiment hâte que tout le monde voie cette série !
IN : vous avez endossé le rôle de showrunner sur cette série.
HC : oui, effectivement, j’étais le boss. C’est moi qui ai pris les décisions finales. Rien ne pouvait se passer sans que je donne mon point de vue. J’étais en contact permanent avec toute l’équipe. Alors si vous n’aimez pas la série, rejetez la faute sur moi ! Mais je sais que vous allez adorer… Cela a été une collaboration merveilleuse avec Sydney Gallonde et la comédienne Alexandra Lamy. Le réalisateur François Velle et TF1 nous ont donné la liberté d’aller jusqu’au bout de ce que nous voulions faire.
IN : avez-vous d’autres projets pour la télé ?
HC : J’écris pour Sky Network et Canal+ un thriller original britannique qui s’appelle « The Five » et sera diffusé fin 2015. Le tournage se passe en ce moment en Grande-Bretagne.
IN : et qu’en est-il de vos projets au cinéma ?
HC : il y a toujours beaucoup de buzz sur ce qu’Hollywood est en train de faire sur tel livre, mais je n’y prête pas beaucoup d’attention, car cela tombe souvent à l’eau. À l’heure actuelle, rien à signaler !
Article publié dans la revue N°14, « La créativité »