C’est le duo choc de la rentrée: ancienne ministre, candidate à la présidentielle de 2007 et figure clivante à gauche, Ségolène Royal doit faire cette semaine ses débuts de chroniqueuse télé sous l’aile de Cyril Hanouna, animateur aussi influent que controversé.
Trente-quatre ans après avoir pourfendu les dessins animés japonais et la « télé-massacre » en 1989, la socialiste se retrouve tête de gondole de l’émission la plus décriée du petit écran.
Ségolène Royal est « tout ce que j’aime », assurait Hanouna fin août sur franceinfo, en clamant avoir « eu un coup de coeur ». Selon lui, elle devrait faire ses débuts « mardi ou jeudi ».
Diffusée en avant-soirée, « Touche pas à mon poste! » (TPMP), qui mélange divertissement et débats d’actualité, est régulièrement taxée de populisme, accusée de privilégier les clashs voire de véhiculer de fausses informations.
Celle-ci et les autres émissions de Hanouna ont été la source de nombreuses polémiques ces dernières années. La saison passée, cela a valu à la chaîne C8 (groupe Canal+) un total de 4,5 millions d’euros d’amendes du régulateur de l’audiovisuel, l’Arcom.
Ses défenseurs font toutefois valoir qu’elle attire un public plus populaire que les émissions équivalentes, grâce à une parole moins compassée.
« Crédibilité »
« Tant pis pour ceux qui critiquent, je ne méprise aucun public », s’était justifiée Ségolène Royal fin juin auprès de l’AFP, en estimant que « la parole politique n’a pas à sélectionner tel ou tel public ».
Selon ce qui a été annoncé, elle interviendra chaque semaine sur « TPMP ». Son rôle sera de répondre à cinq questions liées à la politique, de façon pédagogique.
Pour ses débuts, le thème choisi est « les vacances des politiques », a dit Hanouna le 7 septembre sur Europe 1, ajoutant que l’ex-ministre de l’Education nationale serait également interrogée sur « le harcèlement scolaire ».
En s’assurant la « caution personnelle » de Ségolène Royal, Hanouna recherche « de la notabilité, de la crédibilité », analyse auprès de l’AFP Philippe Moreau Chevrolet, spécialiste de la communication politique.
Dans la même logique, l’animateur a fait venir cette saison les journalistes Pascale de La Tour du Pin et Jacques Cardoze.
Ce « travail d’image » est « hyper important pour lui, c’est une approche stratégique », poursuit Philippe Moreau Chevrolet, qui assimile cependant l’arrivée de Royal à de la « télé reconditionnée ».
Hanouna « a eu des ministres » d’Emmanuel Macron comme invités mais, « en dehors de coups ponctuels, il lui est difficile de fidéliser des gens au sommet de leur gloire », développe l’expert. « Donc il va les prendre quand ils sont en fin de carrière, quand ils ont désespérément besoin d’avoir de l’exposition, de l’antenne ».
Royal, elle, vise « un public difficile à toucher pour les politiques », afin d’entretenir « une forme d’ancrage populaire », selon M. Moreau Chevrolet.
« Système Bolloré »
« C’est assez cohérent avec ce qu’elle est en train de devenir », avance le spécialiste, en jugeant qu' »elle flirte de plus en plus avec le populisme », en référence à des propos contestés sur le Covid ou la guerre en Ukraine.
Mais il doute que ce « pacte faustien » soit payant pour celle qui aura 70 ans le 22 septembre: « La relation est très asymétrique quand on va chez Cyril Hanouna, il a tout à gagner et ceux qui y vont sont en général perdants » car c’est « très marginalisant ».
En outre, Ségolène Royal, femme de gauche, entre dans « le système Bolloré », note Philippe Moreau Chevrolet. Vincent Bolloré, milliardaire aux opinions réputées ultra-conservatrices, contrôle C8 via son groupe Vivendi, propriétaire de Canal+.
Selon Hanouna, c’est Ségolène Royal « qui a eu l’idée de la chronique ». Y a-t-il eu négociation financière? « Pas du tout », a-t-il juré sur Europe 1.
« Elle voulait juste être à l’antenne. On lui a proposé comme à tous les chroniqueurs, et elle a dit OK », a-t-il ajouté. Ils gagnent, selon lui, « entre 300 et 500 euros » par émission en moyenne et certains « touchent plus ».
La participation de Ségolène Royal à « TPMP » pourrait toutefois être remise en cause si elle mène à bien son idée de conduire une liste aux élections européennes de 2024. Car son temps de parole serait alors décompté comme celui d’une personnalité politique de gauche.