INfluencia : Lush a suspendu il y a quinze jours, ses comptes FB, Insta, Snapchat, etc. Que vous inspire cette démarche ?
Guillaume Gibault : il est clair que la décision de Lush m’a intéressé, interpellé. C’est très courageux de se retirer des réseaux sociaux aujourd’hui, car quoiqu’on en dise ces plateformes sont des leviers de notoriété, et des créatrices de business…
IN. : cela vous-a-t-il interpellé sur la cohérence de votre propres démarche, et sur cette nécessité d’être en phase jusqu’au bout de votre philosophie ?
G.G. : c’est un choix compliqué. D’une part en tant que citoyen, je suis utilisateur des réseaux sociaux. D’un point de vue d’entrepreneur, j’utilise cette présence pour vendre mes produits. Reste que si je m’interroge sur mon engagement, et mon exemplarité je devrais certainement suspendre les comptes du Slip Français… Mais si Lush peut financièrement se le permettre, Le Slip Français aujourd’hui n’en a tout simplement pas les moyens.
IN. : Lush a 20 ans, Le Slip Français 10. Peut-être faut-il plus de temps à votre marque pour la consolider ?
G.G. : c’est vrai que l’aventure a commencé alors que j’avais à peine 25 ans, que nous réalisons aujourd’hui un chiffre d’affaires de 25 millions d’euros, que nous sommes 120 dans l’entreprise, dont 60 au siège social, et l’autre moitié dans nos boutiques…Nous avons tracé un beau parcours en 10 ans. Entreprise à mission depuis juillet 2020, nous nous sommes promis de « réinventer avec panache l’industrie textile », dans un réalisme très français, teinté d’un goût pour l’aventure, et un goût pour l’absolu de grands héros qui me sont chers tels que Romain Gary ou Joseph Kessel…
IN. : Le Slip Français… C’est pas très « Romain Gary», si ? Comment tout frais diplômé de HEC, songe-t-on à créer une marque de slips…
G.G. : en fait, je m’intéresse depuis toujours à l’univers de la mode et aux héros de l’histoire, et lorsque je conclus HEC, mon premier job, je le pratique chez Bio c’Bon, une entreprise éminemment éthique que je respecte. J’étais déjà persuadé que je travaillerais en m’engageant, que ma vie relevait de missions et de défis, mais je savais aussi que je devais créer ma propre histoire. Mon univers de référence historique lié à l’aviation, à la seconde guerre mondiale, par ces auteurs, aviateurs, poètes, ces personnalités engagées dans un combat, qui m’ont mené simplement vers la création d’une marque pour hommes, qui les incarnent, au plus près, avec fidélité… et panache. Des hommes héroïques comme dans nos rêves d’enfants…
Henri Guillaumet, prix Henry Deutch de l’Académie des sports qui récompense un fait sportif entrainant un progrès matériel, scientifique ou moral pour l’humanité
IN. : vous évoquez avec passion Henri Guillaumet, autre héros de l’Aérospostale… grand pilote civil de l’aviation française… Le Slip Français, c’est ce courage, ce sens du devoir, de l’engagement ?
G.G. : ce héros est typiquement celui auquel je rends hommage avec les moyens qui sont les miens… En 1938, cet aviateur est lauréat du prix Henry Deutch de l’Académie des sports qui récompense un fait sportif entrainant un progrès matériel, scientifique ou moral pour l’humanité. Il s’agit de sa première traversée de l’Atlantique Nord. Un long métrage, Guillaumet, Les ailes du courage réalisé par Jean-Jacques Annaud en 1996, lui rend hommage, c’est comme cela que je vois la vie, je suis à ma manière un homme à missions.
Inconditionnel de Kessel et de Gary, j’espère à ma manière, être un homme à missions
IN. : vous admirez aussi de grandes femmes… Agnès B qui vous sollicite en 2013 pour concevoir une capsule…
G.G. : oui, l’équipe d’Agnès souhaite me rencontrer cette année-là et nous faisons cette capsule qui marque notre entrée dans un monde à la fois engagé, et vraiment séduisant avec une marque incarnée par une femme à l’aura, au charisme et à la générosité sans pareil… Cela colle bien à ce que nous sommes, cela nous enchante, même. Nous recommençons l’année suivante. Aujourd’hui nous avons notre troisième capsule avec Agnès. (ci-dessous)
IN. : quand on est engagé, que l’on est marque à mission, et un jeune boss de 35 ans, qui veille sur tout, on a quand même de mauvaises surprises à gérer, comme cette histoire de vidéo diffusée par deux de vos salariés sur les réseaux justement, que l’on vous accuse de mal gérer parce que vous vous séparez aussitôt des brebis galeuses qui ont semé le wild ?
G.G. : oui, une soirée privée qui dégénère trois mois après avoir eu lieu (SIC), sur les réseaux, ma décision de me séparer des deux salariés qui diffusent une vidéo incompréhensible, et me voilà, moi qui, suis un fervent défenseur de la liberté, à devoir faire des choix humains, à prendre les bonnes décisions, en étant juste dans un monde ou la vie privée et la publique ne sont plus scindées en deux… C’était une bonne leçon de management, mais protéger les équipes et parvenir à être clair dans son jugement c’est très compliqué aujourd’hui, je pense. J’ai fait au mieux, mais je n’empêcherai personne de me juger…
IN. : homme à mission vous l’êtes aussi au tout début de la Covid… en fabricant des masques…C’est bon pour l’image, non?
G.G. : fabriquer 200 millions de masques, 12 millions de blouses, en engageant 1200 ateliers, aux compétences complémentaires, fabricants de matières, confectionneurs, ce n’est pas pour l’image… Nous l’avons tous fait corps et âme, en ayant une fois de plus, à cœur cette mission de protéger les gens, le sens aussi de l’effort national… (Le patron du Slip Français, reçoit la médaille de l’ordre du mérite, pour son action masques, NDLR).
IN. : à 36 ans, vous êtes un homme accompli. Quelle est la suite ?
G.G. : j’ai une magnifique boîte, qui creuse un très bon sillon, maintenant nous allons investir dans les champs… Nous allons la faire grandir, mais si la question est vais-je réfléchir à d’autres pans de l’industrie engagée, non, pas dans l’immédiat, je dois porter haut Le Slip Français!