Les réseaux sociaux ont envahi nos vies et semblent stimuler les comportements les plus contradictoires, de l’addiction au fonctionnel en passant par la passion. Mais la relation entretenue avec ces media peut aller plus loin… Un site vient ainsi de voir le jour, proposant de réaliser un geste militant : un suicide digital global, ouvrant la porte à un accident planétaire de taille…
Seppukoo.com se présente comme une aide au suicide digital : il vous suffit d’entrer vos identifiants Facebook pour ensuite faire disparaître en un clic votre identité du réseau et voir votre page remplacée par une autre, laquelle incite vos amis à faire de même. Plus vos contacts vous suivent et s’ajoutent à leur tour à la liste des « suicidés du Net », plus vous gagnez de points. Une initiative arty créée par un groupe de militants « agit-prop » italiens, « Les Liens Invisibles ». Lancée il y a un peu moins d’un mois, Seppukoo.com est déjà présentée comme l’expérience la plus « radicale, cool et chic » du moment.
Le site est une parodie du premier réseau social mondial en ce qu’il en copie chaque élément distinctif, et se donne pour objectif de sauver « l’honneur » des internautes à la manière des guerriers japonais. Le message est directement annoncé sur la page d’accueil : « le seppuku traditionnel restaure l’honneur du guerrier japonais, seppukoo.com vous aide à libérer votre corps numérique. » Dans la tradition nippone, le seppuku était un rite de suicide pratiqué lorsqu’un guerrier se refusait à obéir à un ordre de son maître, jugé immoral. Le « maître » du nouveau monde est clairement désigné : il s’agit de toutes les firmes recueillant des informations en ligne afin de les monnayer…
Un message on ne peut plus d’actualité, qui fait écho à la controverse récente déclenchée par les allégations du patron de Google. Au cours d’une interview à une chaîne de télévision américaine, Eric Schmidt a en effet déclaré « si vous avez quelque chose que vous ne voulez pas divulguer, peut-être que vous ne devriez pas être en train de faire cette chose. » en évoquant la conservation par Google des données individuelles des internautes. Ces propos, qui posent une suspicion sur chaque internaute et semblent justifier le transfert des informations personnelles aux autorités, ont soulevé un tonnerre de protestations. On pourrait même penser que la rébellion est en train de s’organiser tant les appels à se débrancher ou à annuler sa page Facebook sont de plus en plus fréquents sur Internet. Les « journées sans connexion » sont très prisées voire même socialement valorisantes, l’opération Burger King visant à annuler 10 de ses amis contre un Whopper a fait l’effet d’une bombe il y a peu et « Unfriend » (littéralement annuler de ses amis) a été désigné « mot de l’année » selon le New Oxford American Dictionary…
Seppukoo.com est l’une de ces occasions rebelles et démontre en quoi l’humain est en train de reprendre la pouvoir sur le réseau, l’économique et la technique. En effet, ce qui compte selon le site «n’est plus combien d’amis vous avez, mais quelle influence vous avez sur eux », et ce dernier appelle à créer une « expérience sociale unique » en gangrénant la toile avec la diffusion du virus du suicide collectif digital. Une occasion qui illustre une volonté collective peut-être en train de monter contre les grands groupes media….
Une « volonté de puissance » nihiliste et nietszchéenne qui pourrait un jour aller jusqu’au tragique. Pour Paul Virilio, la course à la technologie est consubstantielle de la logique d’accident, qui « arrive » irrémédiablement à un moment ou à un autre dans toute évolution technologique. En parlant d’ « accident intégral », ce dernier pressentait peut-être la grande catastrophe informatique qui pourrait survenir en cas de grand bug, de blocus global ou même de terrorisme digital. Une paralysie qui stopperait immédiatement tous les échanges et même toute vie. Une perspective vertigineuse… mais potentielle.
Thomas Jamet est directeur général adjoint de Reload, structure de planning stratégique, d’études et d’expertise de Vivaki (Publicis).
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Seppukoo.com sur CNN
Cérémonie de Seppuku