Dans un monde où Apple et Google ont plus de liquidités que le gouvernement des Etats-Unis, la richesse a changé de camp. Le danger et la menace aussi. Le nouveau trésor est le “nuage” de Google, ses data et ses trente-deux sites répartis dans le monde entier. Ces derniers seraient mieux protégés que le Pentagone. Le directeur de la sécurité du géant digital claironne même que les données de Google sont immunisées “contre une attaque d’extra-terrestres ou une hypothèse où la Californie serait rayée de la carte”*.
On n’est jamais trop prudent. L’enchaînement d’événements plus étranges les uns que les autres depuis quelques mois peut en effet nous laisser penser que l’improbable est toujours possible. Il est certain que l’accident ou l’attaque ne tardera pas à arriver : de nouveaux types de hold-ups ou d’attentats se produiront sur ces sites. De nouvelles menaces voient le jour.
Les activistes masqués d’Anonymous menacent déjà par exemple de faire disparaître Facebook le 5 novembre dans une vidéo apparue cet été et qui fait froid dans le dos. Cette “journée qui marquera l’histoire” sera celle où Facebook, accusé entre autres de vendre des données personnelles aux gouvernements et aux services de renseignement, disparaîtra purement et simplement.
C’est la preuve que ce sujet est devenu le nerf de la guerre. La mère de toutes les batailles. Car la possession de données telles que celles de Google ou Facebook est synonyme de pouvoir. Celui-ci ne réside plus en effet uniquement dans la détention de richesses mais dans la possession et la maîtrise des data. On pense à ce que disait Michel Foucault lorsqu’il décrivait son concept de “bio-pouvoir”: “il n’y a pas de relations de pouvoir sans constitution corrélative d’un champ de savoir, ni de savoir qui ne suppose et ne constitue en même temps des relations de pouvoir…”.**
Les data sont la richesse du monde à venir. Et il semble que de nouveaux pouvoirs émergent. La possession de ces data pourrait même nous amener à prédire l’avenir. Le super ordinateur Nautilus installé au sein de l’Université du Tenessee commence à faire parler de lui. Ce programme dirigé par le chercheur américain Kalev Leetaru digère chaque jour la quasi-totalité des contenus produits en langue anglaise, soit des millions et des millions de données (presse, web, data, etc) et les traite de manière intelligente afin de prévoir l’humeur et l’avenir du monde. Cet exercice prédictif semble voir juste : il aurait pu servir à prévoir les révolutions arabes voire même à localiser Ben Laden.***
La connaissance et la possession des données est donc plus que synonyme de pouvoir, elle est déjà synonyme d’omniscience, du savoir ultime, global, sur toutes choses sur terre. Comme le disait le marquis de Laplace dans son Essai philosophique sur les probabilités en 1840 : « une intelligence qui à un instant déterminé devrait connaitre toutes les forces qui mettent en mouvement la nature, et toutes les positions de tous les objets dont la nature est composée, si cette intelligence fut en outre suffisamment ample pour soumettre ces données à analyse, celle-ci renfermerait dans une unique formule les mouvements des corps plus grands de l’univers et des atomes les plus petits ; pour une telle intelligence nul ne serait incertain et le propre futur comme le passé serait évident à ses yeux ». En cela, le mathématicien et astronome décrivait simplement Dieu.
Certains ont franchi le pas : Google serait pour les croyants de The Church Of Google, réunis en religion depuis quelques années, l’entité se rapprochant le plus de Dieu depuis la création de l’humanité. Pour eux, les preuves sont là : Google sait tout, et est réellement omniscient. Google est partout, et là tout le temps. Google aide et répond aux prières, à toutes les recherches, à toutes les questions. Google est infini. Google se souvient de tout. Google est potentiellement immortel. Et enfin, le positionnement de Google “Don’t Be Evil”, place le monde dans une direction guidée par le Bien.
Une chose est sûre : Google a potentiellement un pouvoir immense entre ses mains et dans ses centres si bien protégés. La possession des data est source du pouvoir ultime. Elle sera demain l’objet de luttes acharnées. La guerre ne fait que commencer.
Thomas Jamet – NEWCAST – Directeur Général / Head of Entertainment & brand(ed) content, Vivaki (Publicis Groupe)
www.twitter.com/tomnever
Thomas Jamet est l’auteur de « Ren@issance Mythologique, l’imaginaire et les mythes à l’ère digitale » (François Bourin Editeur, en librairie le 15 septembre). Préface de Michel Maffesoli.
* Une histoire racontée dans Le Figaro d’hier
** Michel Foucault, Il faut défendre la société, Cours au Collège de France, 1976
*** à lire aussi dans Le Figaro du 14 septembre 2011, « Histoire du Jour »
**** http://www.thechurchofgoogle.org/
* Informations sur « La Renaissance Media », journée de conférences organisées par l’UDECAM