INfluencia : Le métier de directeur marketing dans une start-up ou une licorne est-il comparable à celui exercé dans une entreprise mature ou un grand groupe ?
Geoffrey Vion : Je connais bien ce sujet car j’ai occupé ces fonctions dans tous ces cas de figure. J’ai notamment travaillé dix ans chez Renault-Nissan afin de rejoindre des start-ups à différents stades de maturité et je suis maintenant chez la licorne Contentsquare. Il existe des différences notables quand on passe d’une multinationale à une start-up. J’ai l’habitude de dire que les jeunes pousses servent un peu de laboratoire d’essai pour les grandes entreprises. Nos structures sont comparables à celles d’une écurie de Formule 1. Comme en F1, tout va très vite dans le monde des start-up, il faut constamment s’adapter et nous utilisons énormément les nouvelles technologiques comme la data et l’IA.
IN : La différence notable entre la F1 et les jeunes pousses repose, peut-être, sur les budgets qui sont mis à votre disposition…
G. V. : C’est vrai pour les toutes jeunes start-ups mais quand on atteint le stade de licorne, on commence à disposer de budgets plus conséquents. Nos dirigeants donnent également une grande importance au marketing, davantage que dans les grands groupes. Les start-ups et les scale-ups alignent les objectifs produit, marketing et business en mettant un accent fort sur la mise sur le marché de nouvelles idées, de nouveaux produits et de nouvelles technologies. Elles sont souvent dans une problématique de création de marché, là où les grands groupes sont plutôt dans une dynamique de gain de parts de marché, ce qui change la perspective.
IN : Le métier de marketeur dans une licorne est-il le même que dans une start-up ?
G. V. : Faire du marketing dans une licorne vous permet de bénéficier du meilleur des deux mondes. Vous devez à la fois être agile mais vous avez aussi les moyens de bien travailler. Il faut toutefois accepter d’aller très vite et être prêt à constamment évoluer pour s’adapter à vos marchés et aux nouvelles technologies. Mon métier aujourd’hui n’a rien à voir avec celui que je faisais il y a cinq ans et je n’ai aucune idée de ce que je ferai dans cinq ans. Il faut être constamment à la pointe et en veille pour ne pas manquer une innovation qui pourrait apparaître. Il faut aussi accepter de mettre les mains dans le cambouis. Dans un grand groupe, le marketing se limite souvent à offrir quelques goodies et à préparer des événements. Les équipes sont importantes et la prise de risque limitée. C’est tout le contraire dans les start-up et les scale-up.
IN : Existe-t-il une certaine entraide entre les jeunes pousses de la tech ?
G. V. : Sans aucun doute et TechMarketingLeaders en est la preuve. Ce groupe, lancé sur Slack en 2020, regroupe déjà 150 CMOs de start-ups, scale-ups et licornes dont Brut., Alan, Contentsquare, Payfit, ManoMano, Pigment, Doctrine et Pennylane. Nous échangeons beaucoup entre pairs. Il existe un réel état d’esprit collaboratif. Le livre que nous publions aux éditions Dunod en est la preuve.
IN : Quel est l‘objectif de cet ouvrage ?
G. V. : Ce livre est une sorte de « give back » des CMOs en place. Nous le faisons régulièrement durant des ateliers, des workshops et à Vivatech mais cet ouvrage nous permet d’aller encore plus loin. Sa partie théorique est très limitée. Il comprend surtout des retours d’expérience et des « best practices ». C’est le cas notamment dans le chapitre que j’ai co-écrit et qui s’intitule « L’événementiel, des ateliers aux « flagship events ». Notre objectif avec ce livre est le partage.
IN : Les licornes ont perdu de leur superbe ces deux dernières années. Comment expliquez-vous ce phénomène ?
G. V. : Nous sommes en effet sortis d’un cycle très dense d’hyper-croissance durant lequel beaucoup de licornes sont nées. Aujourd’hui la situation est plus compliquée mais chaque secteur traverse des cycles et c’est le cas pour nous. Plusieurs indicateurs montrent toutefois que des jours meilleurs pourraient bientôt venir.
IN : Quels sont-ils ?
G. V. : Le nombre de licornes progresse actuellement rapidement au Royaume-Uni et on peut penser que ce phénomène va se répandre dans le reste de l’Europe. L’attrait pour la tech est aussi toujours présent et l’IA va faire émerger beaucoup de sujets dont pourraient s’emparer de nouveaux acteurs. Le nombre de licornes en France pourrait donc repartir à la hausse mais à un rythme moins dense et sur des bases plus solides que dans le passé. Certaines entreprises arrivent toujours à lever des fonds. Les financiers aujourd’hui ne se contentent plus d’analyser le potentiel de croissance mais aussi la rentabilité et l’impact des sociétés dans lesquelles ils investissent, ce qui n’est pas un mal…