Non le freelance ne déprime pas en se battant au quotidien contre une précarité qui lui a été imposée. C’est même tout le contraire, selon une grande étude conjointe d’Hopwork et Ouishare.
La France va-t-elle devenir une nation de freelances ? INfluencia se posait la question il y a presque deux ans. Le monde du travail change et le numérique apporte de nouveaux usages et de nouvelles vocations. Il y a aujourd’hui, selon Eurostats, 830 000 freelances en France, soit 126% de plus qu’il y a dix ans. Fin 2015, la plateforme Hopwork, avec ses 1 000 nouveaux freelances inscrits chaque mois, faisait déjà office de baromètre empirique de ce changement de société. Elle avait alors analysé son activité pour dresser un bilan incontournable de cette nouvelle vision du travail dans l’hexagone. Le 20 mars, la première plate-forme française des freelances remet le couvert, en collaboration avec Ouishare. En pleine campagne électorale, le message de l’étude est clair : être travailleur indépendant est un choix et ce n’est pas un statut précaire.
Effectué début janvier après avoir invité 33 000 des 40 000 indépendants inscrits sur Hopwork, le macro-sondage a délivré les résultats d’un micro-échantillon de 1 014 participants. Tous ont répondu à 24 questions via surveymonkey, partageant ainsi leurs attentes, leurs motivations et leur état d’esprit dans une société qui, comme l’ont montré les débats autour de la loi El Khomri, est encore dominée par le salariat, le sacro-saint CDI. Pour confronter la fausse réalité des freelances dans le discours politique avec la vérité de leur quotidien, autant sonder les premiers intéressés, non ?
L’étude porte spécifiquement sur les freelances dans les services aux entreprises (490 000 en 2016) mais permet quand même de prendre la température générale. Comme elle l’énonce dans son résumé, elle « offre un portrait révélateur et nuancé de cette nouvelle classe d’actifs. Elle vise à comprendre quelles sont les attentes, motivations et évolutions de la population des indépendants en France qui à 90% ont choisi d’être freelances « . Ils sont d’ailleurs 75% à être fiers et heureux de leur statut et de leurs conditions de travail. Parce que beaucoup sont des travailleurs hautement qualifiés -consultants, designers, ou développeurs informatiques- qui se sont mis à leur compte ? Le présumer serait réducteur.
60% des freelances ne sont pas Parisiens
« D’un côté on a, par exemple, les chauffeurs VTC dont le statut d’indépendant permet souvent de sortir du RSA ou du chômage, et de l’autre on a des profils ultra qualifiés qui quittent un emploi salarié car ils veulent être autonomes. Ce phénomène est révélateur d’un désir d’autonomie pour toute une nouvelle génération de travailleurs qui se disent : « Je ne veux pas attendre que l’entreprise change alors je crée ma petite entreprise moi-même pour être indépendant et libre » », commente d’ailleurs Vincent Huguet, CEO et Cofondateur de Hopwork.
Si 90% des freelances le sont devenus par choix, quels sont pour eux les avantages principaux de leur indépendance ? Organiser son emploi du temps (52%), choisir ses clients et ses projets (47%) et son lieu de travail (46%). L’étude constate également qu’ils travaillent en moyenne plus qu’un salarié puisque 38% bûchent entre 40 et 50 heures par semaine et 30% entre 30 et 40 heures. Presque deux tiers de ceux qui dépassent les 40 heures hebdomadaires gagnent autant ou plus qu’en salariat.
Quid du portrait robot du freelance ? Il a entre 26 et 35 ans pour 47% des sondés, 60% étant des hommes et près de 17% ont plus de 45 ans. Autre résultat intéressant, le freelancing n’est pas l’apanage de la capitale : 40% sont en Ile-de-France et 60% en province. « Les entreprises changent en ce moment, certaines l’ont vite compris, et accèdent à de vrais talents en passant par des plates-formes de freelances, alors qu’elles ont justement du mal à recruter ces mêmes talents en interne. Elles leur laissent une autonomie totale puisque c’est cela qu’ils souhaitent, c’est dans ces conditions qu’ils travaillent le mieux », explique Laetitia Vitaud, spécialiste du futur du travail et professeur à Sciences Po Paris.
Les avantages de la liberté préférés aux inconvénients de la précarité
Majoritairement contrariés par la perception de leur statut par leur entourage, 97% des freelances ne se sentent pas bien pris en considération non plus dans le débat économique et politique. S’ils sont 48% à ressentir les difficultés de la précarité, ils l’acceptent au regard de tous les avantages que leur statut leur offre. « Même s’il reste un travail d’éducation de certaines entreprises, du grand public et des politiques à faire sur ce point, ces travailleurs indépendants ne sont pas plus menacés que les salariés qui peuvent aussi très vite perdre leur emploi. Et eux n’en ont qu’un », assure Vincent Huguet. Avec cette étude, Hopwork souhaite justement faire évoluer les mentalités et elle tombe à point.
Une autre étude, réalisée par Sharp auprès de 6 000 professionnels dans toute l’Europe, révèle que les Français décrivent leur environnement de travail comme « peu inspirant ». Parmi les termes employés pour qualifier leur bureau, les adjectifs négatifs comme « sombre », « oppressant » voire « toxique » donnent encore plus de poids à l’enquête de Hopwork et Ouishare.
Photo de Une : Hopwork
Consulter l’étude complète