Face à la crise que nous vivons actuellement, les planneurs s’interrogent plus que jamais sur ce que notre monde va devenir et sur la façon dont nous allons nous battre. Parce que les réflexions sont multiples et nécessaires, nous interrogeons chaque semaine l’un des 18 directeurs de planning membres fondateurs du Collectif du Planning Stratégique sur le sujet Covid-19.
Quel impact du Covid-19 imaginez-vous sur les stratégies à venir des marques ? Pour le planning stratégique comme pour les autres métiers de l’agence, quels bouleversements doit-on attendre, et les connaît-on déjà ? L’après Covid-19, à l’échelle de la société, ce sera quoi ? : Trois questions auxquelles des directeurs de planning répondront chaque mardi pour le Collectif du Planning Stratégique.
Cette semaine, la parole à Jean-Philippe Martzel, head-coach Creative Strategy chez INSIGN, et membre fondateur du CPS.
IN : quel impact du Covid19 imaginez-vous sur les stratégies à venir des marques ?
Jean-Philippe Martzel : le premier impact de la crise du Covid19 sur les stratégies à venir sera probablement pour les marques celui d’une plus forte prise en compte du long terme. La gestion de la sortie de crise se jouera dans la capacité des marques à être rapides et réactives, mais aussi, dans la même séquence, dans leur aptitude à gérer les enjeux de moyens et longs termes. Alors que depuis quelques années, la logique de la recherche de l’effet immédiat prédominait sans partage dans l’approche stratégique des marques, on peut penser que peut s’ouvrir une période qui ne permettra plus d’opposer long terme et court terme. La crise actuelle nous a rappelé à quel point il était crucial de se projeter aussi sur le long terme afin de pouvoir compter sur les ressources nécessaires lorsque le besoin se fait le plus sentir.
Le second impact sera probablement lié à la notion de cible/audience/publics. Cette période de confinement redéfinit les frontières entre l’individuel et le collectif . Avec notamment un retour fort du collectif… alors que nous sommes tous confinés chacun chez nous ! L’augmentation des scores d’audience de la télévision est un marqueur intéressant de la façon dont les individus recréent le collectif. En conséquence, je pense qu’il sera nécessaire de toujours se poser la question du sens pour le collectif d’une stratégie même lorsque celle-ci serait destinée à un public spécifique.
Enfin, il me semble que cette crise a dessiné un nouveau pacte entre l’entreprise et ses collaborateurs. Avec l’usage des services de communication en visio, les marques ont pris le visage de leurs collaborateurs. A travers ces mosaïques de visages qui se sont succédées sur les réseaux sociaux, les collaborateurs se sont retrouvés en première ligne de l’action menée par l’entreprise et aussi de sa représentation. Il faudra certainement se poser la question de la façon dont cette nouvelle dimension incarnée de la marque pourra continuer de prendre une part active dans la stratégie globale des marques au-delà du seul champs interne.
IN : pour le planning stratégique comme pour les autres métiers de l’agence, quel bouleversement doit-on attendre, et le connaît-on vraiment ?
J-P. M. : la période post-Covid19 consacrait effectivement l’avènement d’une vision à long terme au détriment de l’approche court-termiste de la stratégie des marques, cela supposerait une plus forte sollicitation des experts qui pourraient permettre d’apprécier les différentes hypothèses de trajectoires possibles pour une marque. Par conséquent, le temps nécessaire à cette phase de réflexion stratégique méritera d’être étendu. Ce qui ne serait pas sans poser de questions au regard de la réduction progressive du temps de travail accordé aux agences notamment lors des compétitions d’agences.
En ce qui concerne l’ensemble des métiers de l’agence, le télétravail a établi de façon patente que le « lieu physique » n’était pas le passage obligé de la collaboration et de la production. « Chez moi », « à l’agence » … les frontières entre le professionnel et le personnel ne sont plus physiques mais temporelles. Lors des « réunions- clients », les notions mêmes de « chez le client » et « à l’agence » ont perdu leurs sens. Parfois même au bénéfice du sentiment de faire équipe commune.
IN : l’après Covid19, à l’échelle de la société, ce sera quoi ?
J-P. M. : l’après Covid19 pourrait se révéler une chance d’accélérer le passage au nouveau modèle de société et d’économie plus durable dont nous parlons tous depuis quelques années. Le virus a rendu dramatiquement « réaliste » pour le plus grand nombre l’impact sur notre vie quotidienne des grandes plaies issues de la mondialisation : épidémies, pollution, réchauffement climatique, déforestation, surexploitation des sols…
Nous pourrions alors saisir l’opportunité de contribuer dans les actes à ce changement de modèle. Les marques de la mobilité, de l’agro-alimentaire, du transport seront en première ligne. Mais au-delà, ce sont tous les acteurs économiques qui devront redéfinir leur rôle économique et sociétal. Les agences devront être aux côtés des marques pour les accompagner quitte à revoir, elles aussi, la façon dont nos métiers impactent positivement ce mouvement.
Le Covid19 a permis une mobilisation générale face à un ennemi commun. Grâce à cette crise, nous avons sans doute l’opportunité de poursuivre cette mobilisation pour un avenir commun.
*Jean-Philippe Martzel