23 novembre 2011

Temps de lecture : 3 min

Freddie Mercury, l’homme qui parlait aux foules

Freddie Mercury a été une rock star immense. A l’heure où nous fêtons le 20ème anniversaire de sa disparition des suites du SIDA, il reste une figure éclairante.

 
La musique est devenue dans la deuxième moitié du XXème siècle une des seules vraies références culturelles communes à des millions de personnes dans le monde, par-delà les différences de religions, de langues, d’éducation. Mais au sein des tribus musicales, il en est une dont l’histoire est particulièrement incroyable: il s’agit du rock n’roll.

Il est passionnant de remarquer que le rock est un des rares mouvements culturels à tirer son essence et sa légitimité dans la légende, prenant étrangement ses racines dans l’histoire d’un récit mythologique: un pacte avec le diable, via l’histoire de Robert Johnson, ce guitariste rendu virtuose après une rencontre légendaire avec une entité étrange au détour d’un chemin dans les années 30*.

Depuis cette rencontre fondatrice, il y a eu Elvis, les Beatles, Led Zeppelin et plein d’autres et le succès du style ne se dément pas. Des centaines de millions de personnes se pressent tous les ans dans le monde entier dans d’immenses rassemblements rock.Même si l’industrie de la musique marque le pas, le marché de la musique « live » se porte en revanche plutôt bien.

Les prix des billets sont élevés mais qu’importe, plutôt que d’acheter un disque, ce qui est une manière distanciée de participer à l’expérience, le public préfère aujourd’hui investir son argent dans un concert, un moment avec l’artiste ou même faire partie des millions de fans à partager un nouveau clip sur YouTube. Il cherche des expériences de communion, de fusion dans un « Grand Tout », et in fine une réponse à l’appel d’une certaine transcendance.

Un artiste a particulièrement marqué les années 70 et 80. Il s’agit de Freddie Mercury. Le chanteur de Queen dont nous fêtons les 20 ans de la disparition ce jeudi 24 novembre est celui qui a porté à son paroxysme cette transcendance. Au-delà de sa voix exceptionnelle, de son charisme, du fait qu’il ait été la première rock star planétaire d’origine parsi (son vrai nom était Farookh Bulsara), d’avoir réussi à écrire des hymnes planétaires, su combiner la culture opéra et l’énergie du rock, dépassé les clivages en emmenant Queen jouer en Afrique du Sud en plein Apartheid et à Budapest en pleine Guerre Froide, Freddie Mercury est surtout le premier artiste majeur à avoir vraiment su parler aux foules, entrer en contact avec elles.

Parmi tous les facteurs qui font de Queen un groupe à avoir marqué durablement l’époque, sa vraie originalité est sans nul doute ce jeu avec la foule.

D’autres avaient déjà fait des concerts géants, généré des phénomènes d’excès quasi-religieux (la Beatlemania), mais ces frappement de mains parfaitement synchronisés de 250 000 personnes sur certains titres comme lors de concerts où est joué le titre We Will Rock You ou encore le clip de Radio Ga Ga, sont uniques.

C’est sans doute pour cela que Queen a été surnommé « le premier groupe rock fasciste » dans les années 80 par la presse britannique et notamment par le magazine Rolling Stone qui les détestait. Car il y avait quelque chose qui avait également été utilisé par les régimes totalitaires et depuis les grands rassemblements du IIIème Reich, personne n’avait ainsi utilisé, joué, parlé à la foule de cette manière.

C’est la puissance du rock. Même si le message est évidemment très différent voire radicalement opposé, de par les symboles utilisés et la force de la manipulation opérée, on se dit parfois qu’Albert Speer, concepteur de l’imagerie nazie aurait tout à fait pu concevoir de telles scènes. Le chaman, qu’il soit chanteur ou tribun opère une transcendance descendante, un exercice chamanique sur la foule.

Il y a là quelque chose du « divin social » au sens où l’entendait Durkheim. C’est ce divin social que l’on voit renaître à l’occasion de concerts géants et c’est ce que Freddie Mercury a eu le génie de susciter et d’en jouer. Nous ne cherchons rien d’autre en nous fondant dans cette foule que de nous perdre dans un grand ensemble, de communier dans une grande fête archaïque. C’est ce qu’arrivent à susciter les chamans, les sorciers, les prophètes et certaines (rares) rock stars.

Thomas Jamet – NEWCAST – Directeur Général / Head of Entertainment & brand(ed) content, Vivaki (Publicis Groupe)
www.twitter.com/tomnever

Thomas Jamet est l’auteur de « Ren@issance Mythologique, l’imaginaire et les mythes à l’ère digitale » (François Bourin Editeur, en librairie le 15 septembre). Préface de Michel Maffesoli.

* fr.wikipedia.org/wiki/Robert_Johnson

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