INfluencia : pourquoi avez-vous lancé cette étude ?
François Plessis : notre idée initiale est partie d’un simple constat. Nous avions remarqué qu’il existait de nombreuses études sur l’intérêt du public et des Français pour les Jeux mais il existait très peu d’informations concernant la manière dont les sponsors s’étaient emparés de ce sujet. C’est pourquoi nous avons décidé de faire cette enquête pour connaître comment les marques activaient leur partenariat olympique.
IN : qu’avez-vous découvert ?
F. P. : il existe globalement trois types de partenaires olympiques. Les top sponsors mondiaux utilisent les JO comme un fil rouge qu’ils tirent au fil des olympiades. Étrangement, ils s’emparent assez tard de leur partenariat alors que ce sont eux qui dépensent le plus d’argent pour voir leur marque associer aux Jeux. On parle de sommes comprises entre 200 et 400 millions d’euros par olympiade. La plupart de ces groupes attendent un ou deux jours avant le coup d’envoi des compétitions pour diffuser leur film manifeste et leur plateforme de marque. Ce sont les sponsors qui dépensent le plus qui en font le moins. Pour eux, les JO sont un actif comme les autres.
IN : Pourquoi alors décident-ils de dépenser de véritables fortunes pour associer leur marque aux anneaux olympiques ?
F. P. : Leurs raisons ne sont pas toutes les mêmes. Certains partenaires mondiaux comme Allianz s’associent aux Jeux pour profiter de leur puissance publicitaire. Samsung n’a, par exemple, pas hésité à prendre le package de 12 millions d’euros proposé par France Télévision pour diffuser ses spots durant les compétitions. D’autres, comme Alibaba, veulent tout simplement éviter que leurs concurrents leur prennent cette place convoitée. Pour les dirigeants de la plateforme de vente, ne pas voir Amazon comme sponsor justifie au moins la moitié des 300 millions d’euros qu’ils ont dû dépenser pour soutenir le CIO. Leur stratégie a été la même pour l’Euro 2024 dont ils étaient sponsors officiels. Ils ont sorti leur spot avec David Beckham la veille du premier match pour le diffuser jusqu’au le lendemain de la finale et pour eux, le tour était joué…
IN : Cette « guerre des géants » n’implique pas les partenaires du COJOP Paris 2024…
F. P. : Ces partenaires de deuxième, troisième et quatrième rang, qui ont respectivement le statut de Partenaire Officiel, de Partenaire Premium et de Supporteur Officiel, sont tous attachés aux Jeux pour cette seule olympiade. Ce sont tous ou presque des marques fortement ancrées dans le quotidien des Français mais elles ne se sont pas toutes associées aux Jeux pour les mêmes raisons. Pour certains comme Carrefour, Accor ou Visa, Paris 2024 leur permet de développer une stratégie de marque et de développer un outil de créativité et de différenciation. Pour d’autres comme BPCE, les JO sont surtout utilisés comme un moyen de mobilisation interne. Certaines marques plus jeunes comme Westfield s’en servent pour accroître leur notoriété. Les plus grandes entreprises, particulièrement celles présentes dans le B2C, sont assez matures pour faire vivre une véritable campagne autour des Jeux et enrichir leur plateforme de marque. Plus on descend sur la pyramide des partenaires olympiques, plus on trouve des sociétés qui utilisent cet événement pour inviter leurs clients et prospects ou pour valider leurs technologies ou les produits qu’elles proposent.
IN : pouvez-vous nous donner des exemples précis ?
F. P. : le COJOP a fait des appels à des partenaires pour répondre à certains de ses besoins bien spécifiques. Pour les compétitions, les organisateurs devaient notamment trouver une société qui pourraient leur livrer des dizaines de milliers de gobelets éco-responsables. Ils ont lancé un appel d’offres et ils ont finalement choisi Re-uz qui leur fournit ces contenants et lui versent quelques centaines de milliers d’euros en complément pour devenir Supporteur Officiel. Cette même logique explique l’implication de Lyreco qui fournit les ramettes en papier. La plupart de ces sociétés n’ont pas les moyens de payer des hospitalities pour leurs clients et leurs salariés car ces tickets coutent entre 1000 et 1500 euros pièces. Beaucoup ne font pas non plus de films publicitaires car cela leur coûterait trop cher.
IN : ces sponsors ne risquent-ils pas de regretter leur partenariat dans ce cas ?
F. P. : nullement. Il n’est pas facile pour un sponsor de troisième ou de quatrième rang de trouver sa place car le CIO protège énormément les droits des différents partenaires. Les centre-commerciaux Westfield, qui sont Supporteurs Officiels et avec qui nous avons collaboré, ont notamment eu beaucoup de mal à activer leur partenariat. Nous avions imaginé installer dans leurs magasins des cabines téléphoniques équipées d’une soufflerie dans lesquelles les clients pourraient essayer d’attraper des tickets pour les compétitions mais le CIO a rejeté ce projet car cette idée ressemblait trop à un jeu de hasard et FDJ a l’exclusivité de ce marché. Nous avions aussi pensé à une activation avec des caddies mais Carrefour a le monopole dans ce domaine. Nous avons finalement trouvé des solutions alternatives. Année après année, les périmètres d’action des partenaires sont de plus en plus limités mais tous les sponsors trouvent leur compte. Les chiffres le prouvent. Le nombre de partenaires des Jeux olympiques ne cesse de croître. Londres en avait 53, Tokyo 68 et Paris… 81. Une vingtaine de partenaires de Paris 2024 ont déjà signé une lettre d’intention pour soutenir les JO d’hiver 2030 dans les Alpes françaises. Ce chiffre est important quand on sait que les prochains Jeux d’hiver de Milano Cortina en 2016 sont parvenus à réunir, à ce jour, seulement trois partenaires premium et quatre partenaires olympiques et paralympiques. Même si le contexte est de plus en plus compliqué, être partenaire olympique fonctionne…