Les dépenses publicitaires se renforcent un peu partout dans le monde. Pourquoi la France n’est qu’au 7ème rang ? Quid de l’impact du Brexit sur le marché britannique et ailleurs ? Le digital est-il toujours le moteur ? Réponses, tableaux à l’appui, avec les prévisions revues à la hausse de Zenith et Carat.
A l’instar du récent rapport de Carat (cf tableau ci-dessous) sur les dépenses publicitaires dans le monde, selon Zenith et son étude, ces dernières devraient bien croître de 4,4% cette année pour atteindre les 539 milliards de dollars, soit un taux de croissance supérieur de 0,3 point aux prévisions de juin dernier. Un résultat légèrement majoré par Carat avec 548,2 mds $ pour 59 pays des Amériques, de l’Asie Pacifique et de la zone MENA. Une projection qui devrait se traduire respectivement par 4,5% et 4,6% de croissance en 2017 et 2018, soit une révision de + 0,2 point pour chacun. Autre estimation encourageante : en 2018, le marché publicitaire représentera 589 milliards de dollars, soit 4 milliards de plus que prévu en juin.
France : une légère reprise d’ici à 2018…
Une reprise qui touche de très loin la France. Puisque celle-ci est à la traîne avec son petit + 0,9 (et encore grâce à l’Euro 2016 !), quand une bonne partie de l’Europe de l’Ouest devrait se situer à 3,6% de croissance (soit + 0,1% par rapport à juin) pour Zenith vs 2,9% pour Carat. Un résultat boosté par l’amélioration de la situation en Belgique, Finlande, Allemagne, Italie, Norvège, Portugal et Suède qui ont compensé le ralentissement du Royaume-Uni.
Un optimisme plus modéré donc pour notre pays où les perspectives économiques sont un peu plus favorables mais pas suffisantes pour restaurer la confiance des entreprises. D’où des prévisions en légère hausse seulement annoncées pour les 3 prochaines années. 2017 devrait davantage profiter de la reprise économique mais cet effet sera contrebalancé par les effets généralement négatifs des élections présidentielles, d’où une croissance ramenée à +0.4%. 2018 devrait être à +1.0% pour 2018 rythmé par de grands événements sportifs (Coupe du Monde de foot et J.O.) et par probablement un début de reprise de valeur lié à la montée du programmatique. « Le marché publicitaire français pèsera 10,4 milliards d’euros en 2018, il aura donc mis 7 ans pour retrouver le niveau de l’année record 2011 (10,45 M€). Ce volume d’investissements publicitaires le maintiendra à la 7ème place du classement mondial », analyse Pascale Miguet, CEO de Zenith France. Sur les trois prochaines années, la croissance globale sera de +2,4% (2018 vs 2015), toujours tirée par Internet à +18%. Au sein de ce média, on note de fortes hausses sur la vidéo (+86%) et le display mobile (+134%), grâce essentiellement au boom du social. Le search progresse de son côté de +9.7%. Par ailleurs, l’achat en programmatique devrait passer de 40% de l’achat display en 2015 à 66% en 2018.
La télévision dépassée par Internet en 2017 et la presse en dépit du digital poursuit sa descente (cf tableaux) : parmi les médias historiques, la TV résiste bien et restera en croissance sur les 3 prochaines années (+2,2% entre 2015 et 2018) du fait d’un bon R.O.I. lié à un coût bas et à une bonne résistance de son audience. L’outdoor se maintient bien également (+1,5% entre 2015 et 2018) grâce à la montée en puissance de l’affichage digital et à un parc plus qualitatif. Légère tendance à la baisse pour la Radio (-3,5% entre 2015 et 2018) qui souffre d’une désaffection de certains de ses secteurs privilégiés, d’une poursuite de la baisse de valeur et possiblement des effets négatifs de l’affaire Fun Radio. Enfin, la Presse continue sa chute, que ce soit sur la Presse Quotidienne (-20% entre 2015 et 2018, la PQR s’en sortant un peu mieux que la PQN) ou la Presse mag (-21% entre 2015 et 2018), même si une partie de la baisse est rattrapée via le digital (1,8 pt par an d’après l’Irep).
Impact modéré du Brexit sur le marché britannique
De l’autre côté de la Manche, tout comme chez Carat, Zenith signale un léger fléchissement après le vote du Brexit. « Bien que le vote en faveur du Brexit ait été une grande surprise pour la plupart des observateurs, les annonceurs y ont réagi de manière mesurée jusqu’ici, sans procéder à des coupes massives dans leur budget », expliquent les auteurs. Prévoyant une croissance publicitaire de 5,4% cette année, légèrement en dessous de 5,6% prévus avant le vote. En effet, l’impact du Brexit sur le marché publicitaire britannique devrait se faire sentir sur le long terme. Puisque les nouvelles relations commerciales entre le Royaume-Uni et l’Union Européenne devraient réduire les flux de marchandises et capitaux en comparaison avec l’avant-Brexit, ce qui réduira la croissance économique ainsi que les dépenses publicitaires.
A court terme, l’incertitude quant aux conséquences futures du vote devrait dissuader les entreprises d’investir dans de nouveaux produits et les consommateurs de réaliser d’importantes dépenses. « Cela pourrait conduire à divers scénarios, d’une croissance décevante à une récession pure et simple. Nos prévisions à date sont construites sur le postulat que la croissance ralentira mais demeurera positive, auquel cas les dépenses publicitaires croîtront de 3,4% en 2017, à comparer aux +4% prévus avant le Brexit », ajoute Gautier Picquet, CEO de Publicis Media France.
Un élan de bon aloi pour le reste du monde
Côté pays moteurs, à peu près le même constat chez les deux groupes dédiés au conseil media et à l’achat d’espace. Zenith note une accélération de la croissance publicitaire portée par les Etats-Unis, les Philippines et l’Europe de l’ouest. Carat enregistre aussi du positif dans la plupart des régions et plus spécifiquement en Amérique du Nord avec +5%. Un rebond dû aux élections présidentielles qui génèrent 7,5 mds$ d’investissements supplémentaires. Mais pas seulement souligne Gautier Picquet : « Notre révision à la hausse est principalement liée à une activité économique plus forte que prévue aux Etats-Unis, où la santé de l’emploi a porté la consommation et où les annonceurs se sont battus pour conserver leurs parts de marché ». Les investissements en télévision retrouveront la croissance aux Etats-Unis (+1%) cette année après avoir décliné de 5% l’année dernière, grâce à de fortes dépenses de la part des secteurs pharmaceutiques et de bien de consommation courante, ainsi qu’un « upfront » dynamique. L’upfront désigne la période cruciale, généralement à la fin du premier semestre, lors de laquelle les grandes chaînes présentent leurs programmes et négocient la publicité avec les annonceurs.
Parmi les bons élèves aussi : la Russie avec un redressement de +6,2%. Sans omettre l’Amérique Latine et l’Asie Pacifique qui conservent leur forte croissance, respectivement de +10% et de +3,9% en 2016, malgré la baisse des prévisions au Brésil et des ajustements faits en Chine avec la stabilisation du paysage économique.
Quels supports ont le vent en poupe ?
« Nous estimons également que les investissements sur les médias sociaux poursuivront leur forte croissance, passant de +32% l’année dernière à +35% cette année à mesure que les marques s’approprient de nouveaux formats et que la transition vers l’Internet mobile continue », insiste Gautier Picquet. Idem pour Carat pour laquelle les dépenses liées au digital domineront la croissance en 2017, estimées à 168,2 milliards de dollars US.
La publicité sur mobile dépasse celle sur ordinateur encore plus vite que prévu : en juin, Zenith estimait que la publicité sur mobile dépasserait celle sur ordinateur en 2017. C’est confirmé avec même des chiffres revus à la hausse de +46% à +48% cette année et de +29% à +33% l’année prochaine. En effet, le mobile pèsera 8 milliards de dollars de plus que l’ordinateur en 2017, soit 2 milliards de plus que lors des précédentes prévisions. D’ici 2018, le mobile devrait représenter 60% des dépenses publicitaires digitales (contre 58% précédemment).
La publicité numérique sur ordinateur devrait reculer plus fortement que la presse d’ici 2018 : elle a atteint son pic en 2014, à 99 milliards de dollars, et s’est réduite de 0,1% en 2015, à 98,9 milliards de dollars avec le basculement des budgets vers le mobile. Ce déclin devrait s’accélérer à l’avenir : -0,8% en 2016, -2,9% en 2017 et -7,4% en 2018. Entre 2015 et 2018, les investissements publicitaires sur ordinateur auront décliné de 10,7 milliards de dollars, soit plus que les deux autres médias en recul : les quotidiens (-9,6 milliards de dollars sur la même période) et les magazines (-4,4 milliards de dollars). En parallèle, les dépenses sur mobile auront augmenté de 81,3 milliards de dollars sur la même période, soit sept fois la croissance cumulée de la télévision (+7,3 milliards de dollars), de l’affichage (+3 milliards de dollars), de la radio (+900 millions de dollars) et du cinéma (+700 millions de dollars).
La presse aussi montrée du doigt : à noter enfin selon Carat, qu’à l’exception de la presse (avec une baisse de -5,5% en 2016 et -4,3% en 2017), que l’embellie touche l’ensemble des medias en 2016, avec des chiffres qui mettent en avant la croissance positive d’une année sur l’autre du cinéma (+4,5%), de la radio (+2,4%) et de l’OOH (+3,5%), mais avec des prévisions revues légèrement à la baisse pour 2017.
« Le marché publicitaire mondial a gagné en vigueur ces derniers mois, en particulier grâce à la résilience des consommateurs américains », conclut Gautier Picquet « Pour l’instant, l’impact du Brexit est faible et limité au Royaume-Uni. Nous prévoyons ainsi une croissance de plus en plus solide pour les deux années à venir »… Toujours bon à prendre en attendant les résultats qui clôtureront l’ensemble de l’année 2016.
Une légère reprise du marché publicitaire d’ici 2018 en France (source Zenith)
La TV sera dépassée par Internet en 2017 (source Zenith)
Progression des investissements publicitaires dans le monde en 2016 et 2017 (source Carat)