« Scrute la nature, c’est là qu’est ton futur » : encore une belle citation de notre cher Léonard de Vinci qui pourrait bien être la baseline du biomimétisme. Au retour du festival « Grand Frisson » de 360 Possibles, coup d’œil sur cette science dédiée aux richesses inexploitées des espaces marins. Comme un rappel à l’ordre.
« Le grand frisson » de 360 Possibles, organisé par Bretagne Développement Innovation, s’est tenu à Rennes les 29 et 30 novembre derniers. Deux jours de découvertes, d’échanges et de pratiques placés sous le signe de la peur et de l’innovation pour mieux s’approprier les outils du travail collaboratif et des nouvelles formes de management. Praticiens enthousiastes, précurseurs audacieux ont identifié les outils les plus adaptés. Conférences, tables rondes, Master Class, ateliers et Reboot Camp pour un panorama complet du paysage de la transformation managériale en cours et à venir.
Au menu : une société et des générations pour lesquelles la valeur travail évolue, avec de nouvelles attentes à appréhender pour les entreprises. La solution ? Mêler créativité, design thinking, agilité et intelligence collective pour plus d’innovation, de productivité et de performance.
Penser innovation en pensant durable
Complètement en phase avec son époque, 360 Possibles s’est associé à la dynamique Breizh Cop pour promouvoir l’innovation au service d’une économie durable et favoriser l’éclosion de solutions concrètes aux grandes transitions écologiques, énergétiques et numériques. Et c’est dans cette dynamique même qu’une conférence sur le biomimétisme a séduit la rédaction.
« Rêvons le futur » : la mer, un océan d’innovations
La Terre compte près d’un milliard d’espèces vivantes et pourtant, seulement 1% de la biodiversité marine est aujourd’hui connue des Hommes. Alors que la vie sur Mars obsède aussi bien la recherche, la science, et tous les industriels, la France dispose de l’une des plus grandes surfaces maritimes du monde, dont les mers et les océans constituent un large espace propice à l’innovation. Le monde vivant qui s’y développe constitue une magnifique bibliothèque pour les innovateurs d’aujourd’hui et de demain, dans des secteurs comme la santé, la robotique ou l’alimentation. De ce constat enthousiasmant né le biomimétisme, imitation technique des processus mis en œuvre par la nature. Une science permettant de passer la frontière entre la connaissance de la diversité marine et le transfert de compréhension du vivant vers les industries.
Entreprendre grâce à la nature
De plus en plus d’entreprises dites « bio-inspirées » miment ainsi les processus naturels marins pour les adapter à leurs produits : S-Wings, créateur de dérives biométriques pour le surf s’est inspiré des ailerons des dauphins pour le design de ses produits, Sharklet dans le domaine de la santé s’est intéressée à la peau du requin et ses écailles aidant à fluidifier ses mouvements, ou encore Polymaris qui utilise des bactéries pour rendre ses produits totalement biodégradables.
Espèces plurielles pour innovations plurielles
Nous avons rencontré deux adeptes de cette culture naturaliste fascinante qui révolutionne le monde de l’Homme et ses maux. Frédéric Boyer, enseignant chercheur à l’IMT Atlantic, développe des robots aquatiques bio-inspirés. Sa mission : s’aider des espèces vivantes en eaux confinées et troubles pour fabriquer un robot qui sache y survivre et y explorer les fonds sans assistance. Quant à Franck Zal, il est co-fondateur de la société Hemarina où il apporte son expertise scientifique dans le domaine des pigments respiratoires des invertébrés, et se passionne pour l’éco-physiologie marine : une spécialité visant à comprendre pourquoi les espèces se colonisent et se déploient. Il s’est ainsi intéressé à un type de vers, vivant entre marées haute et basse depuis plus de 450 millions d’années (petit rappel d’humilité requis : Lucie notre ancêtre ne date que de 3 millions d’années…).
En observant cette espèce sous toutes ses coutures, Franck Zal y trouve l’aïeul des globules rouges. Une découverte qui sert aujourd’hui de substitut sanguin universel utilisé notamment pour la transplantation sanguine et permettant de conserver les organes plus longtemps en les oxygénant. Une innovation de pure reproduction qui révolutionne la médecine puisqu’elle permet de remplacer de nombreuses solutions chimiques mais aussi de faire avancer les méthodes de greffe du visage, les opérations de 40 heures étant désormais possibles grâce à la conservation naturelle des greffons.
Observer, reproduire : innover
« Pour innover il ne suffit pas de se lever en pensant « tiens, je vais inventer quelque chose ». Il faut raisonner en termes de chemin et d’interface. Un cheminement de rencontres qui permet d’arriver à une meilleure compréhension d’un besoin, qui suscite alors une innovation. Avec le biomimétisme, c’est l’étude des comportements végétaux ou animaux qui nous permet d’innover. Un travail qui demande une ouverture d’esprit pour trouver le bon dialogue », explique Franck Zal.
En effet, chaque espèce exploite ou développe quelque chose que l’humain ne contrôle ni ne connaît. Une véritable mine d’informations à découvrir pour les chercheurs qui requiert patience et observation. « Le retour au terrain, se balader dans la nature et essayer de comprendre comment et sur quoi nos racines se sont construites, c’est passionnant et nécessaire pour observer les interactions de l’animal dans son écosystème », ajoute Frederic Boyer.
Un retour essentiel aux sources
La nature comme religion pour ces deux scientifiques humbles qui expliquent avec justesse et franchise la raison pour laquelle le biomimétisme n’est pas encore assez exploité. Selon Franck Zal, « le problème aujourd’hui c’est que l’Homme est arrogant et tient absolument à inventer ce qui n’existe pas, alors même que la nature est pleine de ressources innovantes encore inconnues de lui ». De son côté Frédéric Boyer remarque avec la même pointe de déception : « Les jeunes générations connaissent toutes les marques de téléphone mais ne connaissent même plus la différence entre un hêtre et un chêne ».
En clair, si la jeunesse se veut engagée, responsable et en quête de retour aux fondamentaux, à l’authentique, qu’elle lâche donc ses écrans et qu’elle plonge ses mirettes dans les profondeurs de notre belle planète bleue ! Car comme disait Léonard de Vinci, « scrute la nature, c’est là qu’est ton futur ».