Au moment où les enseignes surfent sur l’événement, la sortie du dernier opus de la saga Star Wars est un bon prétexte pour s’amuser à y chercher quelques enseignements pour les centres commerciaux. En faisant preuve d’un peu d’imagination, la Guerre des Etoiles nous renverrait à celle qui agite les malls… nos centres se voyant propulsés sur un champ de bataille que les augures annoncent fatal pour une partie d’entre eux.
Une concurrence accrue, des projets lancés année après année, alors que la consommation est en berne et que le e-commerce continue de progresser : nos malls sont propulsés dans un nouvel écosystème avec son lot d’incertitudes. On le sent, tous les acteurs se posent beaucoup de questions. Où sont les opportunités ? Comment repenser le modèle ? Qui seront les vainqueurs ? Dans la trilogie de George Lucas, la Force est la notion centrale. Elle est le point d’équilibre entre les ténèbres et la lumière, non sans une certaine grandiloquence. C’est elle qui permet à la diversité de cohabiter. C’est elle qui nous parle, qui nous guide, comme une boussole éthique, voire messianique, et c’est elle encore qu’il nous faut écouter.
En nous transposant ici et maintenant, on peut se demander où se loge la « Force » des lieux de commerce ? Evidemment, on répondra qu’elle est dans la différenciation du mix, et on peut noter de vrais efforts en ce sens même si presque tous les malls se battent pour convaincre Primark ou les Grands Magasins. La Force est bien sûr aussi dans la communication mais, là encore, la différenciation est souvent si mince que certaines campagnes paraitraient presque interchangeables d’un centre à l’autre… on tourne en rond, au risque de la saturation. En 1977, lorsqu’est sorti le premier épisode de Star Wars, le consommateur se contentait d’images et plutôt facilement. Presque quarante ans plus tard, ce temps du « cinéma » est révolu. Le consomma(c)teur a acquis le pouvoir de décrypter ces images, de mieux en mieux même si elles sont devenues de plus en plus sophistiquées. Désormais, il sait en vérifier la cohérence et en tester la consistance, la résistance.
Pour le commerce, il s’agit d’une véritable révolution copernicienne. Plutôt que la force des images c’est désormais l’image de la Force qu’il s’agit d’incarner. Or, la principale difficulté vient du fait que la plupart des acteurs essayent de préempter (timidement) les mêmes valeurs ou à peu près : la proximité vis-à-vis des clients, le service, la responsabilité environnementale, l’engagement sociétal… A trop se ressembler, les plateformes de marques ne permettent plus de générer cette différence si nécessaire. Pourtant, il est un capital réellement propre à chaque marque et à même de définir sa personnalité. A travers son histoire et des mythes fondateurs qui s’y trouvent, à condition de savoir les chercher. La Force d’aujourd’hui est dans le mythos, c’est-à-dire dans le récit, dans la légende. Les malls qui s’imposeront sont ceux qui s’approprieront, non pas une histoire, mais leur histoire. Qui oseront incarner des points de vue. Qui sauront les partager avec des consommateurs qui choisiront d’y adhérer en toute liberté. On ne parle pas d’un simple storytelling bien trop artificiel. La force du mythe réside dans la cohérence et dans la durée.
Dire cela, c’est faire du mall-marque un héros porteur d’une mission en lien avec un sens donné au monde. Avec une ambition aussi immodeste qu’indispensable : changer positivement la vie des gens. Ceci doit interpeller les lieux de commerce, dont les acteurs sont trop souvent obnubilés par les chiffres, jusqu’à en oublier que ce sont d’abord les mythes et les croyances qui permettent d’exploser les ratios. Les gens n’achètent plus ce que vous faites, mais pourquoi vous le faites et ce en quoi vous croyez. Alors revendiquez votre mythe fondateur et « que la force soit avec vous ! ».