INfluencia : Comment avez-vous échafaudé ce cahier de tendances ?
Fériel Karoui : J’ai voulu le construire comme un objet assezfoisonnant mais avec cette question comme fil directeur : Comment notre cerveau peut nous aider à résoudre les défis qui nous font face aujourd’hui. Nous en avons relevé trois principaux qui correspondent aux chapitres du cahier. Le premier axé sur le vivre ensemble est intitulé « ré-création ». Le second est le défi environnemental que nous avons appelé « ré-génération ». Le troisième est celui qui peut nous aider à résoudre les deux précédents et qui se concentre sur les manières de repenser nos usages, le « re-think ».
IN : Votre étude regorge d’exemples qui semblent aller un peu dans tous les sens…
F.K. : Ce cahier se veut être une synthèse du monde actuel. ChezWhisperers qui est un réseau d’experts indépendants qui comprend notamment des designers, des planneurs stratégiques, des journalistes, des artistes et des spécialistes de la simulation en 3D, nous sommes dans un état de une veille permanente et j’aime dans nos rapports mettre des exemples à la fois très sérieux comme Qarnot qui récupère la chaleur des ordinateurs et des serveurs pour permettre aux particuliers de se chauffer et des aventures un peu plus farfelues telles Primeval Foods qui créé de la viande en laboratoire aux Etats-Unis comme des burgers de lion ou des steaks d’éléphant à partir de cellules de muscles extraites d’animaux vivants.
IN : Quel est l’objectif de votre cahier ?
F.K. : Nous n’avons pas vocation à résoudre tous les conflits et les problèmes de la planète. Nous souhaitons juste offrir un outil qui encourage la réflexion à travers la présentation de nombreux exemples concrets. Ce cahier peut être lu d’une manière linéaire ou en prenant des idées ici ou là. Certaines interviews sont particulièrement intéressantes comme celle de Stefano Boni. Cet enseignant en anthropologie culturelle et politique à l’Université de Modène et de Reggio d’Emilie se demande notamment si notre recherche de confort permanent nous mènera-t-il pas à notre propre perte ? A force de vouloir toujours plus de progrès, nous ressemblons de plus en plus à Icare qui finit par se brûler les ailes en se rapprochant du soleil. Ne devrions-nous pas être iCare plutôt qu’Icare ?
IN : De nombreuses tendances que vous mettez en avant ne sont pas nouvelles. Pensez-vous que les bonnes intentions répétées année après année vont enfin se transformer en actes concrets ?
F.K. : Nous avons publié en 2016 un cahier des tendances un peu similaire à celui que nous dévoilons aujourd’hui et il est vrai que de nombreux jalons que l’on retrouve cette année avaient déjà été posés à l’époque. Il est toutefois clair que nous assistons à une accélération des prises de conscience face à l’urgence actuelle. Nous autres humains restons, malgré tout, des êtres fondamentalement paradoxaux. Nous passons notre temps à faire des arbitrages dans nos têtes qui n’ont pas réellement de sens. Certains se disent qu’ils peuvent prendre un bain parce qu’ils n’ont pas mangé de steak de la semaine. Nous nous cherchons constamment des excuses pour nous déculpabiliser.