Après Dove et sa beauté réelle, la pétition anti-photoshop dans la pub et les cheffes d’entreprise en petite culottes pour une campagne activiste, la Fondation Clinton et Droga 5 confirment que les droits de la femme ne manquent pas de créativité pour défendre l’égalité des sexes.
La prestidigitation peut donc servir à autre chose qu’à bonder une salle d’éberlués sur le strip de Las Vegas. Quand la Fondation Clinton se prend pour Oudini afin de promouvoir un rapport online sur le rôle de la femme dans le monde, la magie délivre une campagne de conscientisation qui marque les esprits et fait donc jaqueter. La campagne d’un jour est signée Droga 5 et n’avait qu’une ambition : pointer du doigt les inégalités sexuelles sur tous les continents.
Le dimanche 8 mars, New York s’est réveillée orpheline des silhouettes glamour qui d’ordinaire monopolisent les couvertures de magazines et les affiches publicitaires de ses rues. La Fondation Clinton et Droga 5 venaient de les rendre invisibles. Comment ? En les effaçant des iconographies, tout simplement, grâce à l’accord passé avec les marques et médias partenaires de la campagne Not There. Serena Williams sur le billboard de Beats en plein Times Square ? Disparue. Scarlett Johansson en Une du magazine W, propriété de Condé Nast ? Retirée. En enlevant toute présence féminine de 38 autres annonces, affiches et autres médias, dont 186 chansons du catalogue radiophonique de iHeartMedia, le projet No Ceilings s’est payé un vrai beau coup de pub.
Unilever et le « sens de la responsabilité »
« Il s’agit ici de mettre les gens devant un problème important, en créant un moment qui ait du sens et interpelle », commente la directrice de la stratégie digitale de la Fondation Clinton, Katie Dowd, dans le New York Times. Le choix de la date de Not There n’a évidemment rien d’hasardeux : le 8 mars, jour où le rapport No Ceilings sur l’inégalité des sexes dans le monde était publié en ligne et où la planète rendait son hommage annuelle à la femme. Car vingt ans plus tôt, jour pour jour, Hilary Clinton délivrait un discours resté célèbre sur les droits des femmes lors d’une conférence des Nations-Unis à Pékin.
En plus des images effacées, la campagne réalisée par Droga 5 a mis en scène les actrices Cameron Diaz et Amy Poehler dans une vidéo publiée sur le site de Not There, a posté des contenu sur Snapchat, et a effacé les photos des profils Twitter d’Hilary Clinton et de sa fille Chelsea, qui dirige la Fondation. En attirant la participation de poids lourds comme Condé Nast, Beats, Under Armour -clients de Droga 5- ou encore Unilever, la campagne a su s’assurer une caisse de résonance populaire et médiatique. Il est d’ailleurs intéressant de noter que les espaces des affichages effacés ont été soit donnés soit discountés par les marques, la Fondation Clinton prenant en charge les coûts d’impression.
« Tout le monde essaye de comprendre comment être un leader en plaçant au cœur de leur marque un but inspirant. « Not There » est l’exemple parfait de marques en quête d’une grande idée », analyse dans le New York Times, Jim Stengel, consultant et ancien CMO chez Procter & Gamble. « Notre volonté de participer à cette campagne émane d’un sens de la responsabilité qui nous pousse à faire une action, en espérant que son message reflète l’esprit de notre société où travaillent beaucoup de femmes », explique Gina Boswell, executive vice president for personal care chez Unilever Amérique-du-Nord.
La pub et la Silicon Valley dans le même bateau
Si nous avons décidé de parler de cette campagne trois semaines plus tard, c’est non seulement pour ne pas tomber dans le piège pernicieux de la couverture instantanée mais sans suivi; mais aussi parce que depuis plusieurs mois INfluencia s’intéresse aux campagnes et opérations de conscientisation pour la défense des droits de la femme et la lutte contre l’inégalité.
Avant même que Sheryl Sandberg ne pactise avec la NBA pour lancer une nouvelle campagne encourageant les hommes à soutenir les femmes dans leurs demandes d’égalité, la cause avait déjà trouvé des porte-étendards, que ce soit The Brave Girls Alliance et sa pétition anti-Photoshop, ou la marque de lingerie Dear Kate et sa campagne mettant en scène des cheffes d’enterprise denudées de la Silicon Valley.