26 février 2020

Temps de lecture : 3 min

Face à une Académie des César en pleine déconfiture, les « Féministes Contre-Attaquent »

Secoués par une crise inédite, à la fois interne et idéologique, Les César s’apprêtent à vivre une 45e cérémonie sous tension, sur fond de vives protestations aussi contre les 12 nominations du "J'accuse" de Roman Polanski.

Secoués par une crise inédite à la fois interne et idéologique, les César s’apprêtent à vivre une 45e cérémonie sous tension, sur fond de vives protestations aussi contre les 12 nominations du « J’accuse » de Roman Polanski.

Lundi 24 février dernier, Harvey Weinstein était jugé coupable d’agression sexuelle au premier degré (sous la contrainte) et de viol au troisième degré par un jury de Manhattan. Une peine passible de vingt-cinq ans de prison au maximum. Le verdict, prononcé au terme d’un mois de procès ultra-médiatisé, changera « le cours de l’histoire dans la lutte contre les violences sexuelles », affirmait le procureur de Manhattan, Cyrus Vance, à la sortie du tribunal. Une partie de l’accusation préférant évoquer un dénouement en demi-teinte, vécu comme un compromis « permettant aux deux parties de revendiquer une espèce de victoire », selon Bennett Gershman, professeur de droit à l’université Pace et ancien procureur. L’ancien boss de Miramax ayant été disculpé de la circonstance aggravante de comportement « prédateur », qui aurait pu lui valoir la prison à vie.

La fin de l’une des plus grandes batailles du mouvement #MeToo, mais la naissance d’une franchise judiciaire qui se garde de nous livrer son dénouement. En effet, ses avocats ont d’ores et déjà annoncé leur intention de faire appel de cette condamnation devant être prononcée le 11 mars prochain. Harvey Weinstein, qui doit également répondre d’une autre inculpation pour deux agressions sexuelles à Los Angeles, annoncée début janvier, et toujours le sujet d’une enquête menée par la police britannique. En chaise roulante ou sur ses deux jambes, l’ancien pape d’Hollywood n’est pas près de disparaitre de nos écrans. Une saga qu’il serait bon ton d’adapter aux industries cinématographiques du monde entier.

Deux poids deux mesures

Sans prendre compte de sa récente condamnation, pouvez-vous imaginer Harvey Weinstein défiler sur la scène de la salle Pleyel, vendredi prochain pour recevoir un césar d’honneur des mains de Florence Foresti. Une vision carrément flippante qui n’aurait pas manqué de choquer l’ensemble des invités présents dans la salle. Pourtant, avec 12 nominations au compteur pour son film « J’accuse », une éventuelle victoire de Roman Polanski pourrait bien provoquer un malaise équivalent. Le réalisateur franco-polonais étant toujours poursuivi par la justice américaine dans le cadre d’une procédure pour détournement de mineure lancée en 1977, et visé depuis novembre par une nouvelle accusation de viol.

@CollagesParis cette nuit les héroïnes ont oeuvré pour dénoncer l’impunité de #Polanski et l’omerta dans le monde du cinéma. Collage sur le siège de l’académie et devant salle Pleyel On demande l’annulation de la cérémonie. #violanski #extradition #Cesar2020 #honte pic.twitter.com/t0AbWae9Ll
— Sophie Tissier #GiletsJaunes #NousToutes (@TPMIntermittent) February 26, 2020

Pour « faire entendre leurs colère et indignation », des féministes, qui se présentent judicieusement comme la « contre-Académie des César », ont organisé un détournement du grand raout qui sera mis en ligne sur YouTube aujourd’hui même, soit la veille de la 45e édition des César. Lors des #Tocards2020, elles remettront, entre autres, le « césar de la pédocriminalité », le « césar de l’impunité » ou le « césar de la misogynie », annonce « l’équipe de la contre-Académie ». Les organisatrices entendent dénoncer « le silence coupable de toute l’industrie du cinéma français ». « En refusant de prendre position sur la question cruciale des violences sexistes et sexuelles, l’académie des César est de facto complice de ces agissements. Tant que la culture du viol aura aussi bonne presse, il ne faudra pas s’étonner d’entendre et de voir gronder la colère des femmes ».

Plusieurs associations féministes ont ainsi appelé à manifester vendredi à 18h devant la salle Pleyel, où se tiendra la cérémonie à partir de 21h. Le collectif féministe #NousToutes a annoncé notamment qu’il organiserait un happening au cours duquel il décernerait à des cinéastes « d’autres prix – moins glorieux -, afin que le rideau se lève sur la protection que leur accorde le monde des arts et du cinéma ». Dans la nuit du 25 au 26 fevrier, le collectif Collages féminicides a également « décoré » les murs de l’académie avec des messages anti-Roman Polanski. Violanski les César de la honte », pouvait-on lire, ou encore « Violanski : voulez-vous vraiment vivre dans un monde où un pédocriminel est nommé 12 fois aux César ? »

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Une académie à la mer

Cette bataille collective menée contre l’institution reine du cinéma français a signé une grande victoire à la mi-fevrier : la démission collective de la direction de l’Académie. Une chute du conseil d’administration provoqué en partie par une tribune signée par plus de 400 personnalités du cinéma dont Omar Sy, Jacques Audiard ou Céline Sciamma, réclamant une « réforme en profondeur » de l’institution. En conséquence, une dépêche AFP stipule qu’à l’issue d’un conseil d’administration du mercredi 26 fevrier, les César ont nommé la productrice Margaret Menegoz présidente d’APC -l’Association pour la Promotion du Cinéma-, qui régit l’Académie des César, en remplacement du producteur Alain Terzian démissionnaire, en poste depuis 2003. Déjà secrétaire générale de l’APC et membre de son conseil d’administration, Margaret Menegoz, 78 ans, dirige la société Les Films du Losange, qui ont produit des films d’Eric Rohmer, Michael Haneke ou Andrzej Wajda. Le début, on l’espère, d’une nouvelle ère pour le paysage cinématographique français.

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